Lettre d'une inconnue(Max Ophuls, 1948)
24 heures de la vie d'une femme (Laurent Bouhnik. 2003)
 

Né le 28 novembre 1881 à Vienne, Stefan Zweig est le second fils d'une famille bourgeoise israélite ayant fait fortune dans le textile. Après des études classiques dans l'un des meilleurs lycée de la Vienne impériale, il découvre l'oeuvre poétique de Rainer Maria Rilke et fréquente avec assiduité les nombreux cafés viennois pour s'y cultiver tranquillement, fréquenter les cercles d'intellectuels et jouer aux échecs qui le fascinent.

Voyageur infatigable à la découverte d'autres langues, curieux des nouvelles publications, il part à la rencontre des autres, changeant souvent d'horizon à destination de l'Europe (Bruxelles, Bruges, Ostende, Blankenberghe ; Paris, 1902 ; Berlin, 1903 et 1907; Espagne, 1904 ; Rome et Florence, 1907 ; Prague, 1907 ; Sardaigne et Corse, 1907 ; URSS pour le centenaire de la naissance de Tolstoï, 1927; Portugal, 1938) ; de l'Afrique (Algérie, 1904), des Indes (Ceylan, Madras, Agra, Calcutta, Bénarès, Rangoon, Indochine, novembre 1908-avril 1909) ou de l'Amérique du Nord (New-York, Philadelphie; 1911), de l'Amérique centrale (Mexique) ou des Antilles (Cuba, Jamaïque, Porto-Rico, 1911). Amateur des lettres étrangères, il voue un véritable culte à la littérature française.

Pétri d'humanisme mais cerné par la morosité, il est très vite attiré par le monde de la littérature et étudie la philosophie (1900-1906). Devenu à 23 ans docteur ès-philosophie (1904) en soutenant sa thèse sur le philosophe français Hippolyte Taine (1828-1893), il s'essaie à de nombreux genres littéraires. D'abord attiré par la poésie, il publie son premier poème Rosenknospen (Bouton de Rose, 1898) puis un recueil d'une cinquantaine de poésies intitulé Silberne Saiten (Les Cordes d'Argent, poème, 1899) et Die frühen Kränzen (Les Guirlandes précoces, 1907, poèmes). Il devient la même année lauréat du prestigieux prix Bauernfeld de poésie et littérature (1906).

Traducteur de nombreux poètes français parmi lesquels Paul Verlaine, Arthur Rimbaud et Charles Baudelaire il devient le traducteur et biographe de son ami pour la vie, le poète belge Emile Verhaeren. Au cours d'un de ses nombreux séjours en France (février 1911), sa rencontre avec l'écrivain pacifiste Jules Romain est à l'origine d'une riche collaboration théâtrale. Il consacre également dix années de sa vie à rédiger de très belles biographies sur les destins inachevés d'Honoré de Balzac, de Marceline Desbordes-Valmore , Joseph Fouché (1928), Marie-Antoinette1 (1932), d'Erasme (1934), de Castellion contre Calvin (1936), de Magellan (1938), d'Amerigo Vespucci (1940).

En première page du journal viennois Die Neue Freie Presse, Stefan Zweig publie sa première nouvelle, Im Schnee (Dans Marche dans la Neige, 1901) qui raconte sous la menace, la fuite d'une communauté juive du ghetto de son village. Viennent ensuite L'Amour d'Erika Ewald (1904) puis son premier drame, Thersite (1907) pièce de théâtre en vers représentée à Dresde et à Cassel l'année suivante suivi du Comédien métamorphosé (1910, créé au Burgtheater de Vienne), de La Maison au bord de la mer (1911) de Brûlant Secret (1911) et de La Peur (1913). Parallèlement, il rédige des études biographiques sur Dostoïevski, Dickens et Balzac (Trois Maîtres, essai, 1920) ; Der Kampf mit dem Dämon (Le Combat avec le Démon, études biographiques sur Hölderlin, Kleist et Nietzsche, 1925) ; Sternstunden der Menschheit (Les Heures étoilées de l'Humanité, 1927, parmi lesquelles la composition de «La Marseillaise», la bataille de Waterloo et le train plombé de Lénine) ; Drei Dichter ihres Lebens (Trois Poètes de leur vie : essai sur Casanova, Tolstoï et Stendhal, 1928) ; Die Heilung durch den Geist (La Guérison par l'Esprit : essai sur Mesmer, Mary Baker-Eddy et Sigmund Freud, 1931). Il rédige également pour Richard Strauss (1864-1949) le livret d'opéra Die schweigsame Frau (La Femme silencieuse de Ben Johnson, 1935). Enfin, sa pièce de théâtre la plus célèbre, Volpone (1927), adaptée de Ben Johnson et traduite en français par Jules Romain, connaît avec une mise en scène de Charles Dullin, un succès retentissant au théâtre de l'Atelier à Paris.

Devant faire face à l'écroulement des valeurs de la culture européenne sur lesquelles il s'est personnellement construit, à aucun moment il ne peut admettre qu'une culture puisse être « supérieure » à une autre et ne cesse de condamner les nationalismes qui empêchent les européens de devenir unis dans la paix. L'annonce en Belgique de la Première Guerre mondiale (septembre 1914) crée chez lui un véritable traumatisme qui le plonge dans un profond désarroi. Déclaré inapte au service militaire, il est toutefois incorporé, comme nombre d'écrivains, au service des archives de la guerre (12 novembre 1914). Bénéficiant d'une longue permission pour des conférences en Suisse (novembre 1917), ce pacifiste convaincu écrit Jérémie (pièce de théâtre et action poétique en neuf tableaux, 1917), drame dans lequel il exprime toute sa haine de la guerre et son refus profond du militarisme. Tout au long de ses nouvelles, on retrouve ce thème récurrent des valeurs morales factices d'une société en totale décadence. Se rendant à Zurich pour assister à la représentation de Jérémie, il s'y installe pour rédiger Le Coeur de l'Europe (1917), véritable profession de foi pacifiste.

Huit ans après leur première rencontre, Stefan Zweig épouse (janvier 1920) sa compatriote romancière Friederike Maria Burger (1922-1971), mère de deux enfants et divorcée pour lui de M. von Winternitz dont elle prend néanmoins le nom comme pseudonyme littéraire. Ensemble, ils s'installent à Salzbourg (1919-1934) où, pendant quinze ans, leur maison devient - au-delà des particularismes et des nationalités - un lieu de rencontres privilégiés et d'échanges intellectuels pour nombre de philosophes, d'écrivains ou de musiciens de tous les pays d'Europe.

La paix revenue en Europe, il écrit (1922-1939) une dizaine de nouvelles qui le rendent mondialement célèbre. Comme le résume si bien son ami Romain Rolland, qui a eu sur lui une influence morale considérable, "les oeuvres de Stefan Zweig comptent parmi les plus lucides tragédies modernes de l'éternelle humanité". Pour le lecteur, séduit par l'excessive sensibilité de l'auteur, par la subtilité des descriptions psychologiques de ses personnages, ces nouvelles brèves se caractérisent très souvent par l'irruption de la passion dans une vie trop tranquille. Ainsi Amok, Lettre d'une inconnue (1922), La Confusion des sentiments (1926), Légendes (1931) Vingt-quatre heures de la Vie d'une Femme (1934), Le Chandelier enterré (1937), L'Impatience du coeur (1938), et La Pitié Dangereuse (1939), roman traduit simultanément en français, en anglais et en allemand, publié en Hollande et en Suède, débutant par l'invitation ignorante à danser d'un jeune officier de garnison qui épousera, par charité, la jeune fille paralytique) qui reçoit un excellent accueil du public.

Après une visite en Alsace auprès d'Albert Schweitzer (Günsbach, novembre 1932) et la prise de pouvoir d'Adolf Hitler à Berlin (30 janvier 1933) consécutive de l'incendie du Reichstag, celui qui n'avait pas voulu voir venir l'horreur nazie malgré l'assassinat de son propre ami, ministre des Affaires étrangères la République de Weimar, Walter Rathenau (Berlin, 24 juin 1922), prend définitivement conscience du danger de son expansion au-delà des frontières de l'Allemagne. Le coup fatal de la liberté d'expression s'abat sur lui à Munich et dans d'autres villes, lorsque les oeuvres de Stefan Zweig, juif pacifiste et antimilitariste, subissent l'autodafé en place publique (10 mai 1933). A l'instar de Thomas Mann et Hermann Hesse en Allemagne, il est aussitôt contraint, après une perquisition de sa maison, de quitter l'Autriche d'où il est proscrit. Soucieux d'échapper aux poursuites et aux persécutions antisémites qu'il anticipe à l'âge de 53 ans, il se réfugie - "comme un criminel" selon sa propre expression - à Londres puis Bath (Grande-Bretagne, 1934) pour y poursuivre, dans la solitude, ses recherches documentaires sur Marie Stuart dont il écrit la biographie (1935). Alors que les troupes allemandes entrent en Autriche (Anschluss, 9 mars 1938), il décide de ne pas rentrer à Salzbourg et ne reverra jamais plus sa première épouse, ni sa Vienne natale et cosmopolite tant aimée.

Une fois ses biens personnels liquidés, il divorce de Friederike von Winternitz (décembre 1938), avec qui il gardera toujours de bonnes relations amicales. Ayant obtenu la nationalité anglaise (mars 1940), il se remarie (août 1939) avec sa secrétaire - asthmatique et d'une humeur mélancolique - Elizabeth Charlotte Altmann (1908-1942) qui sera, jusqu'à sa mort, sa fidèle compagne. Proche à Vienne du psychanalyste autrichien Sigmund Freud (1856-1939), c'est à Londres qu'il rédige et lit l'oraison funèbre de son compatriote mort en exil (26 septembre 1939).

Profondément tourmenté depuis son départ de Salzbourg par la Seconde Guerre mondiale, il quitte l'Angleterre et parcourt à nouveau le monde pour une série de conférences, se rendant en Amérique du Nord (New-York, juillet 1940, où il adhère au "Pen Club européen" des écrivains émigrés), en Amérique du Sud (Argentine, août-septembre 1936 ; Uruguay, août 1941) et au Brésil où il s'établit (15 août 1941) pour la quiétude et le climat du pays.

Désireux d'y retrouver le goût de vivre, la profondeur des choses et la paix de l'esprit, il publie Brésil, terre d'avenir (1941, essai traduit en portugais au Brésil et au Portugal, en allemand à Stockholm, et en anglais à New York) mais ne parvient pas à survivre à la détresse et aux horreurs d'un monde évanoui, craignant la force implacable des mauvais instincts des hommes et allant même jusqu'à écrire que "tous les chevaux de l'apocalypse se sont rués à travers mon existence."

Dans l'attente d'une "aube nouvelle", toujours intimement traumatisé par les victoires du nazisme, c'est à l'annonce de la chute de Singapour alors qu'il assiste au carnaval de Rio (février 1942), que désabusé, il décide à l'âge de 60 ans passés, de mettre fin à ses jours à leur domicile. Sa seconde épouse l'accompagne dans son suicide par empoissonnement.

Son œuvre, particulièrement éclectique, comporte quelques recueils de poésies, quelques pièces de théâtre (Thersite 1907, Volpone 1927…) de nombreuses biographies (Fouché, Marie Stuart, Magellan, Marie-Antoinette…) d’une grande acuité psychologique et qui comportent une réflexion sur les problèmes de son temps (Érasme 1935). Mais Zweig est surtout connu pour ses nouvelles (Amok 1922, La Confusion des sentiments 1926, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme 1927), histoires de passion intense pouvant aller parfois jusqu’au morbide ou à la folie. Le Joueur d’échecs, a été publiée à titre posthume. Il travaille durant plus de vingt ans à son recueil de nouvelles Les Très Riches Heures de l'humanité qui retracent les douze événements de l’Histoire mondiale les plus marquants à ses yeux. Finalement, Zweig aura écrit quarante-trois récits ou nouvelles et deux romans, tous deux inachevés.

 



Nouvelles et oeuvres de Stefan Zweig

1900 : Rêves oubliés
1901 : Dans la neige
1901 : Printemps au Prater
1903 : L’Étoile au-dessus de la forêt
1904 : Les Prodiges de la vie
1904 : L’Amour d’Érika Ewald
1904 : La Marche
1907 : Thersite. Tragédie en trois actes
1908 : La Scarlatine
1910 : La peur
1911 : Première épreuve de vie. Quatre histoires du pays des enfants : Conte crépusculaire, La Gouvernante, Brûlant secret et Le Jeu dangereux.
1911 : La Maison au bord de la mer, pièce en deux parties
1913 : Le Comédien métamorphosé. Un divertissement du Rococo allemand
1916 : Jérémie. Drame en neuf tableaux
1919 Légende d’une vie, drame en trois parties
1922 : Amok - Nouvelles d’une mauvaise passion : Amok ou Le Fou de Malaisie, La femme et le paysage, La Nuit fantastique, Notes posthumes du baron de R…, La Ruelle au clair de lune, Lettre d’une inconnue.
1926 : Volpone
1927 : La Confusion des sentiments - Trois nouvelles : La Confusion des sentiments - Notes intimes du professeur R de D, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Destruction d’un cœur
1927 : Un mariage à Lyon : Un mariage à Lyon, Dans la neige , La croix, Histoire d’une déchéance, La légende de la troisième colombe, Au bord du lac Léman, La contrainte .
1925 : La Peur : La peur, Révélation inattendue d’un métie, Leporella, Le Bouquiniste Mendel, La Collection invisible - Un épisode de l’inflation en Allemagne.
1929 : L’Agneau du pauvre. Tragicomédie en trois actes
1932 : Marie-Antoinette
1931 : Le Jeu dangereux
1937 : Le Chandelier enterré : Le Chandelier enterré, Rachel contre Dieu, Virata (Les yeux du frère éternel. Une légende).
1935 : Un soupçon légitime
1936 : Les deux jumelles. Conte drôlatique
1939 : La pitié dangereuse, le seul roman que l’auteur ait achevé.
1942 : Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen - autobiographie
1943 : Le Joueur d’échecs
1948 : Un homme qu’on n’oublie pas, Wondrak
1939 : Ivresse de la métamorphose, roman inachevé (écrit en 1930/31 et 1938/39), publié à titre posthume avec un titre emprunté à une phrase du roman, car l’auteur ne lui en avait pas donné
1981 : Clarissa, roman inachevé, retrouvé dans les archives de Zweig en 1981


La peur
(1910)

Irene Wagner mène une vie de grande bourgeoise dans la Vienne de la double monarchie, celle de Schnitzler, Freud, Kraus et Hofmannsthal. Entre les bals, les théâtres et les soirées mondaines, cette épouse de grand magistrat est autant à l'abri des soucis que des émotions, lorsqu'un jour elle cède, moins par vrai désir que par nostalgie romantique, aux avances d'un jeune pianiste. Cet amant est d'ailleurs vite intégré dans l'ordre de sa vie, "comme une nouvelle automobile", jusqu'à ce que son secret soit découvert par une autre femme qui la poursuit et la soumet au chantage. Entre l'angoisse de tout perdre et l'impossibilité de tout dire, la peur s'installe, vertigineuse.

1936. Victor Tourjansky : La Peur

1954. Roberto Rosselini : La paura. Avec : Ingrid Bergman (Irene Wagner), Mathias Wieman (Albert Wagner), Renate Mannhardt (Luisa Vidor), Kurt Kreuger (Erich Baumann). 1h15 ou 1h24.


Brûlant secret
(1911)

Edgar, un adolescent, passe ses vacances en Suisse avec sa mère, épouse d'un avocat. Tous deux font la connaissance du baron von Haller, qui conduit une voiture extravagante, à la grande joie du jeune garçon. Le baron profite de l'admiration d'Edgar pour commencer à séduire sa mère, qui ne semble pas insensible à ses avances. Mais Edgar commence à se sentir trahi.

1933 : Robert Siodmak, Brennendes Geheimnis. Avec : Willi Forst (Le baron von Haller), Alfred Abel (L'homme), Hilde Wagener (la femme), Hans Joachim Schaufuß (Edgar), Lucie Höflich (La mère de la femme), Hans Richter (Fritz). 1h32.

1988 : Andrew Birkin, Burning Secret. Avec : Klaus-Maria Brandauer et Faye Dunaway


Amok ou Le Fou de Malaisie
(1922)

Un femme magnifique, enceinte de son amant, demande à un medecin, directeur d'un dispensaire perdu dans la jungle, de la faire avorter en échange d'une large rémunération. Tout d'abord le médecin refuse puis, fasciné par l'étrange beauté de la femme, il lui propose une nuit d'amour pour le prix de l'opération.

1934, Fedor Ozep Amok. Avec Marcelle Chantal, Jean Yonnel, Valery Inkijinoff, Jean Servais. 1h32.

1944, Antonio Momplet. Amok . Avec Maria Felix (Madame Travis / Sra. Belmont), Julián Soler (Dr. Jorge Martell), Estela Inda (Tara Miguel), Ángel Ferriz ( le gouverneur), José Baviera (Señor Belmont), Paco Fuentes (Doctor Rozier). 1h46.

1993 : Joël Farges. Amok. Avec : Fanny Ardant (La femme), Sonia Kirchberger (La maîtresse de Munich), Bernard Le Coq (Le voyageur), Henrique Viana (Le chirurgien), Andrzej Seweryn (Steiner), Joaquim de Almeida (L'amant). 1h30.


Lettre d’une inconnue
(1922)

Un écrivain célèbre Stefan Brand reçoit à son retour d'une excursion de trois jours dans la montagne une lettre d'une inconnue. Lisa Berndlehabitait avec sa mère dans un petit appartement à Vienne. Un jour, leurs voisins dont le père a été arrêté par la police furent obligés de quitter les lieux et l'écrivain prend l'appartement, la jeune fille est alors âgée de 13 ans. Elle admire les affaires que l'on apporte dans l'appartement voisin : les nombreux livres couverts de dorure, les chandeliers, les meubles, des statues hindous, sculptures italiennes et de nombreuses peintures. Elle attend en bas de l'immeuble et l'épie plusieurs années. Elle remarque de nombreuses femmes très élégantes qui rendent visite à l'écrivain. Puis la mère se marie à un cousin riche avec qui elle part vivre à Innsbruck, elle déménage donc avec sa fille. Celle-ci ne cesse de penser à lui. À 18 ans, elle quitte Innsbruck pour retourner dans sa ville natale pour travailler en tant que modiste pour retrouver l'écrivain qui vit toujours à la même adresse. Elle croise plusieurs fois l'écrivain qui ne la reconnaît pas. Il l'aborde enffin. Elle passe 3 nuits avec lui et tombe enceinte. Puis elle attend que l'écrivain la contacte ce qu'il ne fait pas, alors, comme elle veut élever son enfant dans les meilleures conditions possibles, elle sort avec des hommes riches qui tombent amoureux d'elle. Mais elle refuse leurs demandes en mariage, car elle aime toujours cet homme sans cœur, qui l'a si rapidement oubliée. Elle va élever son fils sans même que l'auteur sache que c'est aussi le sien. Cependant, l'enfant meurt de la grippe et l'inconnue sait qu'elle ne pourra pas survivre à cela, elle adresse une lettre à l'auteur pour lui révéler comment, sans qu'il en ait jamais rien su, elle a consacré et brûlé sa vie à son amour pour lui. Les dernières lignes sont de la main d'une sœur infirmière : la jeune femme est morte avant d'avoir pu terminer sa lettre.

Stefan est effondré à cette lecture... "Son regard tomba alors sur le vase bleu qui se trouvait devant lui sur son bureau. Il était vide, vide pour la première fois au jour de son anniversaire. Il eut un tressaillement de frayeur. Ce fut pour lui comme si, soudain, une porte invisible s'était ouverte et qu'un courant d'air glacé, sorti de l'autre monde, eût pénétré dans la quiétude de sa chambre. Il sentit que quelqu'un venait de mourir ; il sentit qu'il y avait eu là un immortel amour : au plus profond de son âme, quelque chose s'épanouit, et il eut pour l'amante invisible une pensée aussi immatérielle et aussi passionnée que pour une musique lointaine".

 

1948 : Max Ophuls, Lettre d'une inconnue. Avec : Avec : Joan Fontaine (Liza Berndle), Louis Jourdan (Stefan Brand), Mady Christians (Mme. Berndle), Marcel Journet (Johann Stauffer), Art Smith (John), Howard Freeman (Kastner). 1h30.

Pour échapper à la censure, Ophuls doit adapter la nouvelle assez crue écrite en 1922 par Stefan Zweig. Une seule étreinte aura donc lieu entre les amants, sanctionnée par la naissance du jeune Stefan et il n'est pas question de décrire les caresses échangées, ce que Zweig fait deux fois puisque, avant de fuir retrouver son enfant mourant, Lisa se donne une seconde fois, effrayée que son amour non seulement ne la reconnaisse toujours pas mais lui laisse de l'argent comme à une prostituée.

Bien moins sexuelle, la mise en scène reprend aussi avec moins d'instance le thème d'une lettre écrite sous le signe de la mort. Cetes, celle-ci est évoquée dès le debut du film avec la visualisation de la lettre avec la croix de l'hôpital sainte Catherine et la phrase : "Quand vous lirez cette lettre, je serai sans doute morte" à la place de " A toi qui ne m'a jamais connue". Mais dans la nouvelle, la description chronologique de la passion amoureuse depuis les treize ans de Lisa se fait avec quatre retours au présent sur celle-ci pleurant son enfant mort. Ici les quatre retours au présent se font sur le flou du visage de Stefan. Paradoxalement l'invention du duel dans lequel va mourir Stefan, inventé par Ophuls, au lieu d'accentuer la radicalité de la mort rapproche enfin les amants puisque c'est par ce moyen qu'il retrouve le sourie et l'admiration de Lisa. Ophuls réconcilie donc in fine Lisa et Stefan s'éloignant de la fin de la nouvelle de Zweig :

Son regard tomba alors sur le vase bleu qui se trouvait devant lui sur son bureau. Il était vide, vide pour la première fois au jour de son anniversaire. Il eut un tressaillement de frayeur. Ce fut pour lui comme si, soudain, une porte invisible s'était ouverte et qu'un courant d'air glacé, sorti de l'autre monde, eût pénétré dans la quiétude de sa chambre. Il sentit que quelqu'un venait de mourir ; il sentit qu'il y avait eu là un immortel amour : au plus profond de son âme, quelque chose s'épanouit, et il eut pour l'amante invisible une pensée aussi immatérielle et aussi passionnée que pour une musique lointaine.

Les autres modifications vis à vis de la nouvelle découle de cette volonté de douceur, de délicatesse et de mélancolie. Dans le roman, Stefan est romancier et non musicien. Il rentre de voyage et n'est pas provoqué en duel. Lisa va, de ses seize à dix-huit ans, à Innsbruck et non Linz. Il n'y a pas de rupture de fiançailles avant le retour à Vienne. La sublime soirée au Prater n'existe pas. Après le restaurant Lisa renter directement dans la maison de Stefan et décrit avec insistance le sacrifice consenti de sa virginité. Il est précisé qu'eelle revient trois nuits avant le départ de Stefan en voyage. L'horreur de l'accouchement à l'hôpital est décrit avec crudité. Elle envoi pendant onze ans (et non neuf) de roses blanches à Stefan pour son anniversaire. Les roses blanches sont déjà dans l'appartement de Stefan dans un vase bleu. Lisa eut des amants pour lui permettre d'avoir une vie décente pour son enfant. Un comte veuf et âgé l'a protégé mais elle a refusé de l'épouser. Elle voit Stefan à l'opéra mais sans suite et c'est dans une taverne, Le Tabarin, qu'a lieu la dernière rencontre. Elle est accompagnée de son amant dont elle bafoue la dignité. Elle reste en revanche là toute la nuit sans fuir et description sensuelle de la nuit d'amour. Comme dans le film, Johan le domestique la reconnait mais il n'est pas muet, ce qui dans le film accentue son aspect d'ange gardien.

2001. Jacques Deray. Lettre d'une inconnue. Téléfilm. Avec : Irène Jacob (Rose), Christopher Thompson (Albert Rank), Joachim Bißmeier (Johann), Karlheinz Hackl (le comte), Theresa Martini (Rose), Nina Proll (Margarethe). 1h30.


Volpone
(1926)

Volpone est un commerçant levantin établi à Venise qui connaît quelques ennuis parce qu'un de ses navires est annoncé comme disparu. Emprisonné pour dettes, il rencontre en prison Mosea qui lui remonte le moral. Libéré à l'arrivée inespérée de son bateau, Volpone paie les dettes de Mosca, le prend comme confident et homme à tout faire et, pour se venger de ses créanciers qui l'avaient accablé, monte avec la complicité de Mosca une farce macabre : il va se faire passer pour mourant. Il envoie ce dernier répandre le bruit qu'il laissera son héritage à celui des Vénitiens qui lui témoignera la plus vive amitié !

La pièce de Ben Jonson, écrite en 1605, a été adaptée ensuite par Stephen Zweig et Jules Romains. C'est ce dernier qui est crédité au générique du Volpone de maurice Tourneur (1936) avec : Harry Baur (Volpone), Louis Jouvet (Mosca), Charles Dullin (Corbaccio). Le scénario du téléfilm de Frédéric Auburtin (2004) avec Gérard Depardieu, Daniel Prévost et Gérard Jugnot crédite lui ben Jonson.


Vingt-quatre heures de la vie d'une femme
(1927)

Au début du XXe siècle, dans un casino de la Riviera, une femme irréprochable, va vivre avec un joueur incorrigible, les 24 heures les plus intenses de sa vie. En voulant le sauver, elle s'enchaîne à un démon. Vingt ans plus tard, cette même femme, qui s'était enfermée dans le silence, confie son secret à un adolescent révolté par la mauvaise conduite de sa mère...

1952 : Victor Saville. 24 Hours of a Woman's Life. Avec : Merle Oberon (Linda Venning), Richard Todd (Le jeune homme), Leo Genn (Robert Sterling), Stephen Murray (Père Andre Benoit), Peter Reynolds (Peter). 1h30.

1961 : Silvio Narizzano 24 Hours of a Woman's Life. Avec : Ingrid Bergman (Clare Lester), Rip Torn (Paul), Helena de Crespo (Helen Lester), Jerry Orbach (Cristof). 1h30.

1968 : Dominique Delouche. 24 heures de la vie d'une femme. Avec : Danielle Darrieux (Alice), Robert Hoffmann (Thomas), Romina Power (Mariette), Léna Skerla (Mademoiselle Georges), Marthe Alycia (Madame Di Stefano). 1h24.

2003. Laurent Bouhnik. 24 heures de la vie d'une femme. Avec : Agnès Jaoui (Marie Collins-Brown), Michel Serrault (Louis), Nikolaj Coster-Waldau (Anton), Clément Van Den Bergh (Louis jeune), Bérénice Bejo (Olivia). 1h45.


Marie-Antoinette
(1932)

Le règne de Louis XV s'achève. À sa mort, en 1774, c'est son petit-fils, Louis XVI, qui lui succède. Depuis quatre ans, il est marié avec Marie-Antoinette d'Autriche, que l'on surnomme l'Autrichienne. Infiniment plus intelligente et sensible que son mari, MarieAntoinette ne tarde pas à exercer une influence considérable sur les affaires publiques. Épouse soumise et excellente mère, elle n'en est pas moins une grande amoureuse. Son penchant pour le comte de Fersen, ambassadeur de Suède, est très net. Axel de Fersen est entièrement dévoué à celle pour qui il a une véritable adoration. Il sauve la reine du scandale suscité par la fameuse " affaire du collier " et c'est lui encore qui facilite grandement la fuite de la famille royale en 1791. Reconnu par Drouet à Varennes, Louis XVI et sa famille sont ramenés à Paris et incarcérés. Profitant de son immunité diplomatique, le comte de Fersen rend souvent visite à sa bien-aimée et, au cours de ces rendez-vous sentimentaux, il ébauche un audacieux plan d'évasion. Hélas, les événements se précipitent et l'Autrichienne doit monter sur l'échafaud, après une ultime et pathétique entrevue avec son fidèle amoureux.

1938. W.S. Van Dyke : Marie Antoinette. Avec : Norma Shearer (Marie-Antoinette), Tyrone Power (Comte Axel de Fersen), John Barrymore (le Roi Louis XV), Robert Morley (le Roi Louis XVI), Anita Louise (Princesse Therese DeLamballe), Joseph Schildkraut (Duc Phillipe d'Orleans), Gladys George (Madame Du Barry), Henry Stephenson (Comte de Mercey), Cora Witherspoon (Comtesse De Noailles), Barnett Parker (Prince De Rohan). 2h29.

 


La Pitié dangereuse
(1939)

1946 Maurice Elvey, Beware of Pity (Amour tragique). Avec : Lilli Palmer (Barone Edith de Kekesfalva), Albert Lieven (Lt. Anton Marek), Cedric Hardwicke (Dr. Albert Condor), Gladys Cooper (Mrs. Klara Condor), Linden Travers (Ilona Domansky), Ernest Thesiger (Baron Emil de Kekesfalva). 1h45.

 


Le Joueur d’échecs
(1943)

1960 : Gerd Oswald. Schachnovelle. Avec : Curd Jürgens (Werner von Basil), Claire Bloom (Irene Andreny), Hansjörg Felmy (Hans Berger), Mario Adorf (Mirko Centowic). 1h43.

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