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Editeur : Carlotta-Films, novembre 2010. 3DVD, 4 films . DVD1 : L'heure suprême. DVD2 : L'ange de la rue. DVD3 : Lucky Star, La femme au corbeau. Nouveaux masters restaurés aux formats d'origine de 1.20 à 1.30, cartons en version originale, sous-titres français. 50 €. Suppléments :
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Ce coffret est exceptionnel à plus d'un titre. Non content de rassembler quatre chef-d'oeuvres mythiques de l'histoire du cinéma, il propose les deux plus beaux d'entre eux au format d'origine, presque carré, dans un rapport largeur hauteur de 1.20. Ce format n'exista qu'entre 1928 et 1932 mais il fallait cette édition pour que l'on ne nous propose pas le format tronqué en haut ou en bas du cinéma, comme lors du Festival Lumière 2010 par exemple. Exceptionnels aussi les supplements du coffret : les trois moyens-métrages de Frank Borzage tournés dans le cadre de Screen directors playhouse, série pour la télévision en 1955-56 et les entreteins avec Hervé Dumont, historien du cinéma et auteur de Frank Borzage, Sarastro à Hollywood.
Au septième ciel (20 mn). Hervé Dumont
parle de L'heure suprême
Le film est adapté d'une pièce à succès de Austin Strong qui joue à guichet fermé pendant trois ans à Brodway. Toutes les actrices veulent le rôle et notamment Mary Pickford, Bessie Love, Dolores Costello et Joan Crawford. Mais Borzage a déjà choisi Janet Gaynor, qui a tout juste vingt ans, une femme enfant ingénue qu'il a déjà repéré sur un plateau. John Gilbert est pressenti pour le rôle masculin mais Borzage impose aussi Charles Farrell, colosse d'une candeur à la limite de la naïveté. Le couple Janet Gaynor-Charles Farrell tournera douze films ensemble. William Fox engage tous ses réalisateurs à venir sur le plateau de L'Aurore voir les innovations en provenance de Berlin. Borzage doit attendre la fin du tournage de L'Aurore pour entreprendre L'heure suprême car Murnau a aussi choisi Janet Gaynor pour interpréter Indre. Borzage part vivre deux mois à Paris où est censé se dérouler l'action avec son frère, Lou Borzage, qui restera toujours son assistant, le chef opérateur Ernest Palmer et Harry Oliver, le décorateur. Ils ne tournent pas mais ramènent dessins, photos et même le taxi du film. L'influence de Murnau se remarque dans la stylisation de l'image qui s'éloigne du réalisme. Les mouvements d'appareil accentuent l'expressivité de l'image. le tournage de L'Aurore ayant pris du retard, Janet Gaynor jouera quinze jours chez Murnau le jour et chez Borzage le soir. C'est histoire d'une ascension, d'un éboueur qui travaille dans les égouts de Montmartre et rêve de nettoyer les rues, de passer de l'eau souillée à l'eau qui purifie. Il habite près des étoiles en vivant au septième étage d'un immeuble de Montmartre. Les stéréotypes victoriens vont devenir des archétypes universels. Mariage sous le firmament, communication transfigurée par la passion amoureuse. André Breton insiste pour que tous ses amis voient le film dans lequel il reconnaît les prémisses de l'amour fou. C'est John Ford qui tourne les scènes de bataille. Borzage déteste les armes et la guerre. En 1932, dans L'adieu aux armes ce sera Jean Negulesco qui les tournera. le film sera diffusé dans le monde en entier et notamment en Asie où il donnera lieu à quatre remakes en Chine et deux à Hong Kong. Dans Jour de jeunesse de Kurosawa, on voit un poster de L'heure suprême. Henry King réalise en remake en 1932 mais le son n'apporte rien et le film semble aussi vieux que la pièce de théâtre.
Quête de pureté (12 mn). Hervé
Dumont parle de L'ange
de la rue
Film que l'on a cru perdu jusque dans les années 70 avant qu'il ne soit retrouvé aux Etats Unis. C'est presque une suite de L'heure suprême qui s'impose après le succès de ce dernier film dont il reprend les ingrédients : pittoresque sentimental, cadre européen, protagonistes hors normes et pauvres. le film reprend les apartés intimes : l'heure de sursis avant d'être emprisonnée est un remake des adieux de L'heure suprême.Le film s'inspire de Cristilinda, un roman de l'Irlandais, Monckton Hoffe. Cristilinda, est une jeune écuyère qui travaille dans le cirque immense de son père à Londres. Elle fait une chute de cheval et devient infirme. Elle est amoureuse d'un peintre, un faussaire de génie. Borzage, tout puissant, son propre producteur, déplace l'intrigue de Londres à Naples, hommage probable à ses ancêtres, les Borzaga. Chistilinda devient Angela, fille très pauvre que l'on appelle l'ange des rues, un euphémisme pour une prostituée. Elle finit par attérir dans un tout petit cirque ambulant et devient amoureuse d'un peintre de génie, manipulé par des faussaires. Oliver, le décorateur part un mois à Naples dans les quartiers pauvres de Santa Giovanna pour ramener des détails exotiques. Ill construit un immense décor circulaire au centre duquel est édifiée une grue capable de pivoter à 360°. La lumière module une traduction picturale des etats d'âme. Les espaces deviennent des formes géométriques pures. Le port dans la brume rapelle l'expressionnsime de Pabst. Un expressionnisme qui précéde les films d'horreur des années 30 avec les Frankenstein de James Whale. Borzage veut prouver qu'il est capable de faire la même chose que Murnau mais au service de sa propre thématique. Ce sont les balbutiement du cinéma sonore. Les personnages sifflent sans doute un peu trop mais le son de cloche lorsque Angela est emmenée par la police sans que son amoureux le sache est un des premiers effets sonores émouvants. La citation en exergue : "Partout, dans chaque ville, dans chaque rue, nous croisons sans les avoir les âmes humaines grandies par l'amour et l'adversité" pourrait être la profession de foi des films de Borzage. Ses films sont peuplés de personnages isolés, de victimes, de rejetés, vagabonds, chômeurs, déserteurs qui vont se revaloriser mutuellement. En créant un espace protégé, les amants peuvent vaincre l'adversité. Ils ne cherchent pas à être intégrés à la société donc pas de regard moralisant. Ici la quête de la pureté se fait au travers de l'art. La peinture découvre au peintre le visage intérieur de la femme qu'il aime. Le film connu un succès plus grand encore que celui de L'heure suprême. Le seul accueil défavorable eut lieu en Italie. Il est interdit par Mussolini qui change le titre et ampute le film de 40 minutes. Dans l'Italie fasciste, la prostitution et le vol n'existent plus... Fank Borzage : les ailes du désir (15 mn)
analyse de Michael Henry Wilson
Pour Michael Henry Wilson, historien du cinéma, Borzage ne glorifie ni la nation ni la communauté, ni les institutions ni les corps constitués, la seule aventure digne d'etre vécue c'est l'amour fou. La montée de l'escalier annonce l'élévation à laquelle les héros sont promis. Hors du couple point de salut. L'homme et la femme sont égaux devant l'amour. L'homme est un mécréant qui marche la tête haute, les dons qu'il lui fait trahissent ses sentiments naissants. Aventurier, fils de personne, il se fait lui-même, animé d'une ambition personnelle. Ingénieux et déterminé, il se construit une péniche, un fauteuil roulant. L'héroïne est transfigurée. Sa sensualité se fait amoureuse : il n'y a pas de fille perdue quand elle aime. Le film marche vers l'allégresse d'une renaissance.
Ce sont des orphelins au sens propre ou figuré. La seule famille
qui compte c'est celle qu'on crée soi-même. Anarchisme poétique (12 mn). Hervé
Dumont parle de Lucky star
Lucky star est un film dont on n'avait aucune image jusqu'en 1990 où une pellicule 35 mm fut retrouvée par la cinémathèque hollandaise. Les intertitres originaux ont été retrouvés dans les archives de la Fox. Dernier film à la Fox avec Gaynor, et dernier film muet de Borzage. William Fox achète un millier de salles juste avant la crise de 29. Après six semaines de tournage, 70 % du scénario ont été filmé. William Fox fait cependant tout interrompre pour tout recommencer en parlant. Farrell et Gaynor prennent des cours de diction. On impose ensuite à Borzage un "Dialog director" qu'il ne tarde pas à renvoyer. Comme Murnau avec Les quatre diables ou City Girl, on impose à Borzage des parties parlés. Heureusement la version sonore est destinée au marché américain alors qu'est tournée en parallèle une version muette destinée à l'étranger car le doublage n'est pas au point. Et c'est cette version muette, retrouvée en Hollande, qui est la seule à avoir survécue. Le film est tiré d'une petite nouvelle, Three épisodes in the life of Timothy Osborn de Tristan Tupper, journaliste misanthrope vivant seul dans les forêts de la Caroline du Nord. Dans les cinq-six pages de la nouvelle, le personnage est blessé lors des derniers jours de la guerre. Infirme, il rencontre une jeune fille riche de la ville et une plus pauvre de la campagne avec laquelle il reste. Borzage filme un prologue en 1914, où le héros est réparateur de lignes électriques où la mère de la jeune fille, très pauvre, essaie de placer sa fille. Le héros est blessé en 1917 et pas à la fin de la guerre. Il n'y a plus de jeune fille riche. La fin est totalement inventée par Borzage. Les scènes les plus remarquables sont d'une part la transformation de Gaynor de chenille en papillon avec la double révélation : elle est blonde, elle est femme etd'autre part, la fin totalement folle. La neige qui tombe c'est la lumière, l'eau, le ciel qui parle. Elle immobilise ceux qui marchent et fait marcher ceux qui sont immobilisés. Lucky star c'est, l'étoile qui porte chance à l'autre: elle devient femme, il retrouve ses jambes. Seul, en France, Marcel Carné, jeune critique, défend le film. |
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présente
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Coffret Frank
Borzage
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