Wong Kar-wai |
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né en 1958 |
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12 films | ||
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histoire du cinéma : Crise de l'image-action |
1 - Mise en scène
Wong Kar-wai arrive après la génération de la Nouvelle vague à Hong Kong (Allen Fong, Anne Hui, Patrick Tam, Stanley Kwan). Il se démarque de cette école classique par un univers plastique chatoyant et contemporain, où dominent l'ivresse et la mélancolie avec un sens immense de la poésie cinématographique dans la saisie des gestes fugaces ou fulgurants, filmés avec accélérés, ralentis et arrêts sur image.
Pour paraphraser Truffaut à propos de Orson Welles, Wong Kar-wai sait "conjuguer le mouvement descendant des sentiments avec la courbe ascendante du cinéma." Pour Thierry Jousse, Wong Kar-wai est encore romantique dans les "bulles de temps" de In the mood for love (circuits longs de la mémoire et du temps, des nappes de passé ramenées à des pointes de présent) alors que 2046 est un "espace labyrinthique" qui le rattache plus nettement au maniérisme de le la crise de l'image-action.
Cinéaste sensible au passage du temps, au besoin de trouver "comment ça a commencé", de retrouver les sensations perdues, d'éprouver la douleur, le regret de n'avoir pas compris au moment où on les éprouvait que ses sensations étaient importantes. ("Au début je voulais savoir comment ça avait commencé. Maintenant je le sais. Les choses passent sans qu'on s'en aperçoive.")
Cette quête du passé ne peut se retrouver que dans ses traces éparses et ses fragments : rouge à lèvre, morceau de papier, fumée de cigarette, pieds ou poitrine des femmes. Le plan est fragmenté, coupé par des cloisons. Le décor est fragmenté avec une prédominance des scènes en intérieur, des villes jamais montrées en plans généraux. Les champs contre-champs sont désaxés et l'histoire elle-même se dissout dans le souvenir, le roman ou l'histoire. L'ensemble étant pris dans une musique nostalgique qui vient rappeler, la toute-puissance de l'auteur, sa part de confession et d'autobiographie au-delà du coût de production, souvent important, du film.
2 - Biographie
Les parents de Wong Kar-wai émigrent à Hong Kong en 1963. Se sentant isolée au milieu de tous ces cantonais dont elle comprend mal le dialecte, sa mère se réfugie au cinéma où Run Run Shaw passe des films en mandarin. Elle y entraîne son fils. Une obsession est née. A la fin des années 70, Wong Kar-wai abandonne ses études à Polytechnique pour un stage de production à la compagnie de Télévision TVE qu'il poursuit par des travaux de scénaristes pour le cinéma.
Dès le début de sa carrière, Wong Kar-wai a eu à se confronter à des producteurs commerciaux. Expérience satisfaisant pour son premier film As tears go by (1989) qui fut invité au festival de Cannes. Il donne à Andy Lau et à Maggie Cheung (devenue depuis la première star chinoise à remporter le prix de la meilleure actrice au Festival de Berlin pour Center Stage de Stanley Kwan) leur premier rôle sérieux.
Mais il doit sa réputation flamboyante au conflit spectaculaire qui l'a opposé au producteur de Nos années sauvages (Days of being wild, 1993). Il avait obtenu les capitaux pour tourner, avec les vedettes les plus chères de la colonie, un film en deux parties dont le tournage s'étirait. Le producteur visionne les rushes : au lieu de la comédie d'action qu'il attendait, il se retrouve face à une histoire subtile de chassés croisés affectifs et d'amour perdu. La deuxième partie est annulée sur le champ. Sur le plan commercial Nos années sauvages est le plus grand four de l'histoire du cinéma de Hong Kong. Sur le plan international, c'est la consécration.
Mais Wong Kar-wai a désormais la réputation d'être difficile: on parle de sa lenteur de tournage, de sa tendance obsessionnelle à réécrire les dialogues à la dernière minute, à imposer un nombre presque sadique de prises aux acteurs, à retourner des scènes, à complètement recomposer le film au montage. Le tournage des Cendres du temps (1994) ne fait que confirmer cette réputation. Et puis, avec insolence, avec élégance Wong profite d'une pause dans son plan de travail pour tourner, en moins de trois mois Chungking express (1994) un petit film léger et bien enlevé qui déclenche l'enthousiasme à Hong-Kong comme à l'étranger. Il y fait tourner Brigitte Lin Chin-hsia, la star la mieux payée de Hong-Kong dans le rôle énigmatique de la femme en perruque blonde et découvre deux débutants : Takeshi Kaneshiro et la nouvelle sensation, la chanteuse pop Faye Wang. Et Les cendres du temps vaut à son chef opérateur, l'Australien Chris Doyle un prix à Venise.
Avec Happy together, tourné en Argentine, Wong Kar-Wai remporte le Prix de la mise en scène à Cannes et, offre en 2000 le Prix d'interprétation masculine du Festival à Tony Leung pour In the mood for love . Avec ce film, le cinéaste réalise un vieux projet, celui de recréer l'environnement qu'il avait connu enfant à Hong Kong, celui des chinois quittant la Chine en 1949 au moment de l'arrivée des communistes au pouvoir.
En 2004, le cinéaste revient sur la Croisette avec 2046, suite de son précédent film et présenté en compétition. Entre temps, Wong Kar-Wai participe avec Steven Soderbergh et Michelangelo Antonioni au projet Eros, signant le court-métrage La Main dans lequel il met en scène l'héroïne de 2046, Gong Li. Particulairement lié au festival de Cannes, Wong Kar-Wai est nommé président du jury en 2006, décernant la Palme d'Or au Vent se lève de Ken Loach. L'année suivante, le cinéaste est l'un des 60 signataires de la collection de courts-métrages Chacun son cinéma, réalisée à l'occasion du soixantième anniversaire de la mythique manifestation cannoise.
Evoqué un temps pour réaliser un long-métrage autour de la catastrophe relative à l'ouragan Katerina, Wong Kar-Wai réalise finalement son premier film aux USA à l'occasion de My Blueberry Nights (2007). Pour ce premier tournage en langue anglaise, le cinéaste s'entoure d'un casting prestigieux (Jude Law, Natalie Portman, Rachel Weisz) et offre même son premier rôle au cinéma à la chanteuse Norah Jones. Après un projet avorté de The Lady from Shanghai avec Nicole Kidman, le cinéaste revient en Chine pour réaliser The grandmaster (2013)
Bibliographie :
Thierry Jousse : Wong Kar-Wai, 2006, collection Les petits cahiers, éditions Cahiers du cinéma. 8,95 euros.
3 - Filmographie :
1988 | As tears go by |
(Wong gok ka moon). Avec : Andy Lau (Wah), Maggie Cheung (Ngor), Jacky Cheung (Fly). 1h42. |
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1991 | Nos années sauvages |
(A Fei jing juen). Avec : Leslie Cheung (Yuddy), Maggie Cheung (Su Lizhen), Andy Lau (Tide), Carina Lau (Leung Fung-Ying). 1h34. Hong-Kong, 1960. Indolent et charmeur, Yuddy passe son temps à fumer, danser et sauter de bras en bras. Elevé par sa mère adoptive et obsédé par le besoin de découvrir ses origines, il décide de tout plaquer pour partir aux Philippines, à la recherche d'une vérité qui lui a toujours été refusée. Il ignore qu'elle risque de le détruire... |
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1994 | Chungking express |
(Chung hing sam lam). Avec : Brigitte Lin (La femme à la perruque blonde), Tony Leung (le flic 663), Faye Wong (Faye), Takeshi Kaneshiro (He Zhiwu, le flic 223), Valerie Chow (L'hotesse de l'air). 1h37. Dans le quartier hétéroclite de Chungking House, une trafiquante de drogue à la recherche de passeurs en fuite tombe sur un jeune flic en peine d'amour. Dans une autre histoire mais dans le même quartier, une idylle s'ébauche entre un deuxième flic amoureux d'une hôtesse de l'air et la serveuse du fast food qu'il fréquente. |
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1994 | Les cendres du temps |
(Dung che sai duk). Avec : Leslie Cheung (Feng), Tony Leung Ka Fai (Yao-shi), Maggie Cheung (La femme). 1h31. Feng est originaire de la Montagne du Chameau Blanc. C'est le printemps. Il espère que les affaires vont reprendre dans son auberge en plein désert. Il propose aux clients de passage de les débarrasser de leurs ennemis. Charge à lui ensuite de trouver des mercenaires pour réaliser le marché en les aidant parfois lui-même. Huang Yao-shi, comme tous les ans, vient lui rendre visite... |
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1995 | Les anges déchus |
(Duo luo tian shi / Fallen angel). Avec : Leon Lai (Wong Chi-Ming, le tueur), Michelle Reis (son agent), Takeshi Kaneshiro (He Zhiwu), Charlie Yeung (Charlie/Cherry), Karen Mok (Punkie/Blondie/Baby). 1h36 Un tueur à gages en a assez de tuer. Une jeune femme lui sert d'agent et rêve qu'il tombe amoureux d'elle. Une jeune fille veut se venger d'un amour déçu. Une jeune femme guette le grand amour. Un garçon muet déambule dans les rues. Les anges déchus qui errent dans Hong-Kong la nuit sont romantiques, insomniaques et survoltés. |
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1997 | Happy together |
(Cheun gwong tsa sit). Avec :
Leslie Cheung (Ho Po-wing), Tony Leung (Lai Yiu-fai), Chen Chang (Chang).
1h36.
Lai et Ho, deux garçons, étaient amoureux. Mais quand ils sont partis pour l'Argentine, quelque chose a mal tourné et Ho a quitté son amant. Depuis, Lai travaille à Buenos Aires, et quand Ho réapparaît dans sa vie, il l'accepte chez lui mais refuse de redevenir son amant. Lai réalise que tout a changé lorsqu'il rencontre Chang. |
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2000 | In the mood for love |
(Fa yeung nin wa). Avec : Maggie Cheung (Su Li-zhen), Tony Leung (Chow Mo-wan), Ping Lam Siu (Ah Ping). 1h38. Hong-Kong, 1962. M. Chow et Mme Chan emménagent le même jour très près l'un de l'autre. Sans savoir comment cela a commencé, tous deux découvrent que leurs époux respectifs ont une liaison. N'osant leur en parler, eux-même continuent à se fréquenter, en tout bien tout honneur. Mais peu à peu, M. Chow commence à éprouver des sentiments... |
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2004 | 2046 |
Avec : Tony Leung (Chow Mo-wan), Li Gong (Su Li-zhen), Takuya Kimura (Tak), Faye Wong (Wang Jing-wen). 2h09. 2046, cest un nombre qui évoque une année, cinquante ans après la cession de Hong Kong à la Chine mais cest aussi le nombre qui ne quitte pas lesprit de Chow Mo-Wan. Est-ce un nombre lié à son passé qui le hante ? Est-ce un nombre de son présent, alors quil se réfugie dans des chambres dhôtel bon marché ? Ou est-ce le nombre qui simpose à lui dans le feuilleton de science fiction quil écrit pour gagner sa vie ? |
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2004 | La main |
Troisième épisode du film Eros, coréalisé avec Michelangelo Antonioni et Steven Sodernerg. Avec : Gong Li (Miss Hua), Chang Chen (Zhang). Un jour de pluie, un homme assiste aux derniers instants d'une courtisane déchue, rongée par la tuberculose. Il se souvient... |
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2007 | I travelled 9 000 km to give it to you |
24e Segment de Chacun son cinéma. Avec : Fan Chih Wei, Farini Chang. 0h03. Deux spectateurs dans une salle de cinéma se partagent une orange. Les mains s'étreignent, touchent cuisses et corps, les oranges tombent... |
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2007 | My blueberry nights |
Avec : Norah Jones (Elizabeth), Jude Law (Jeremy), David Strathairn (Arnie), Rachel Weisz (Sue Lynne), Natalie Portman (Leslie). 1h35. Dans un petit bar bondé de New York, Jeremy le patron demande à ce que son interlocutrice au bout du fil lui décrive le client qu'elle veut voir. Plus tard dans la nuit, la jeune femme, Elizabeth, revient l'interroger et apprend que son petit ami était ce soir là accompagné dune autre femme puisque Jeremy a servi deux plats à sa table. |
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2013 | The grandmaster |
(Yi dai zong shi). Avec Tony Leung (Ip Man), Zhang Ziyi (Gong Er), Chang Chen (La lame), Qingxiang Wang (Gong Baosen). 2h10. 1936. Ip Man, maître du Wing Chun, un des divers styles de kung-fu, mène une vie prospère à Foshan où il partage son temps entre sa famille et les arts-martiaux. C’est à ce moment que le Grand maître Baosen, à la tête de l’Ordre des Arts Martiaux Chinois, cherche son successeur. Pour sa cérémonie d’adieux, il se rend à Foshan, avec sa fille Gong Er, elle-même maître du style Ba Gua et la seule à connaître la figure mortelle des 64 mains. Divisions et complots naissent alors au sein des différentes écoles d’arts martiaux, poussant Ip Man et Gong Er à prendre des décisions qui changeront leur vie à jamais… |
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