Comté de Cork au sud de l'Irlande, 1920. Le docteur Damien O'Donovan est sur le point de quitter son village natal pour pratiquer la médecine dans un hôpital de Londres. Pendant ce temps, son frère, Teddy, commande une brigade de l'armée républicaine irlandaise. Après un match de hurling, Damien assiste à l'exécution sommaire de son ami, Micheál, par les britanniques. Bien que bouleversé, Damien rejette les supplications de ses amis de rester en Irlande et de rejoindre l'IRA. Il affirme que la guerre est impossible à gagner. Alors qu'il quitte la ville, Damien voit l'armée britannique tenter en vain d'intimider des cheminots pour avoir refusé de permettre aux troupes de monter à bord d'un train. Cette fois, Damien décide de rester et entre dans la brigade de l'IRA commandée par Teddy.
Après s'être entrainée dans les montagnes, la colonne attaque la caserne de la Royal Irish Company du village pour acquérir des revolvers, puis les utilise pour assassiner quatre auxiliaires. Mais le propriétaire foncier anglo-irlandais Sir John Hamilton contraint l'un de ses serviteurs, Chris Reilly, membre de l'IRA, à transmettre des informations au Corps du renseignement de l'armée britannique. En conséquence, toute la brigade est arrêtée. Dans sa cellule, Damien fait la connaissance du conducteur du train, Dan, un responsable syndical qui partage ses vues socialistes.
Pendant ce temps, des officiers britanniques interrogent Teddy, lui arrachant les ongles quand il refuse de leur donner les noms des membres de l'IRA. Johnny Gogan, un soldat britannique d'origine irlandaise, aide les prisonniers à s'échapper, mais trois d'entre eux restent captifs. Après que les actions de Sir John et Chris aient été révélées au réseau de renseignement de l'IRA, les deux traitres sont pris en otage. Alors que Teddy se remet toujours, Damien est temporairement placé aux commandes. La nouvelle arrive que les trois autres prisonniers de l'IRA ont été torturés et fusillés. La brigade reçoit alors l’ordre d'exécuter les espions.
Malgré le fait que Chris soit un ami de toujours, Damien l'exécute ainsi que Sir John. Dans la ville aux mains des républicains, Teddy s'oppose déjà au tribunal révolutionnaire, qui défend une veuve peu au courant des pratiques commerciales. Pour garder les vielles pratiques de racket auprès des riches pour fiancer l'armement. Seaned tente de réconforter Damien, inconsolable de la mort de Chris que la mère de celui-ci ne veut plus voir.
Plus tard, l'IRA tend une embuscade et anéantit un convoi militaire. En représailles un autre détachement anglais pille et brûle la ferme de l'amie de Damien, Sinéad Sullivan. Sinéad est tenue sous la menace d'une arme alors que sa tête est tondue et son crâne blessé par les cheveux arrachés à poignées. Plus tard, alors que Damien la soigne, un messager arrive avec la nouvelle d'un cessez-le-feu entre la Grande-Bretagne et l'IRA.
La victoire quise dessine est l'ocacsionde réjouissnaces et Dameine t Seaned font l'amour. Après la signature du traité anglo-irlandais, la brigade apprend néanmoins qu'une Irlande partitionnée ne recevra le statut d'indépendance qu'au sein de l'Empire britannique. En conséquence, la brigade se déchire pour accepter ou non les termes du Traité. Teddy et ses alliés soutiennent que l'acceptation du Traité apportera la paix dès à présent et que d'autres avancées pourront être obtenues plus tard. D'autres s'opposent au traité, proposant de continuer à se battre jusqu'à ce qu'une République irlandaise unie puisse exister. Dan et Damien réclament en outre la collectivisation de l'industrie et de l'agriculture. Tout autre parcours, déclare Dan, ne changera que «les accents des puissants et la couleur du drapeau».
Bientôt, l'État libre d'Irlande remplace la domination britannique, et Teddy et ses alliés commencent à patrouiller dans les uniformes de l'armée nationale. Pendant ce temps, Damien et ses alliés rejoignent l'IRA qui s'oppose au traité. La bataille de Dublin lance la guerre civile irlandaise. Alors que la violence s'intensifie, Teddy craint que les Britanniques n'envahissent le pays si les républicains prennent le dessus.
Peu de temps après, Dan est tué et Damien est capturé lors d'un raid pour obtenir des armes dans une caserne de l'armée irlandaise commandée par Teddy. Condamné à mort, Damien est détenu dans la même cellule où l'armée britannique les a emprisonnés plus tôt. Désespéré d'exécuter son frère, Teddy supplie Damien de révéler où l'IRA cache les fusils volés. En retour, Teddy offre à Damien une amnistie complète, une vie avec Sinéad et la vision d'une Irlande où les Irlandais pro et anti-traités peuvent élever des familles côte à côte. Damien répond en disant qu'il ne «vendra» jamais la République comme Chris Reilly l'a fait et Teddy quitte la cellule en larmes. Damien écrit une lettre d'adieu à Sinéad, lui exprimant son amour pour elle et citant les paroles de Dan: "C'est facile de savoir ce à quoi tu t'opposes, plus ardu est de savoir ce pour quoi tu te bats". Il dit savoir ce qu'il représente et qu'il n'a pas peur de mourir pour cela. Il demande aussi à Sinéad de s'occuper de Teddy. À l'aube, Damien meurt devant un peloton d'exécution commandé par un Teddy au cœur brisé mais obstiné. Teddy livre la lettre de Damien à Sinéad, désemparé et navré. Elle lui ordonne de quitter sa terre.
Palme d'or au 59ème festival de Cannes 2006, Le vent se lève avait tout pour faire partie des films à thèse de Ken Loach. Dans ceux-ci, Hidden Agenda, The navigators, Just a kiss, il se contente d'illustrer un scénario en recherchant une invisibilité de la mise en scène qui confine à l'académisme.
Un film de guerre...
Ici l'appartenance au genre du film de guerre impose, dès l'ouverture, un engagement dans la description que Ken Loach passe avec brio. La bêtise, le racisme, la grossièreté, la violence crasse des soldats anglais recrutés parmi la lie de la société anglaise éclate et impose ce montage brutal et sans fioritures qui nous embarque avec Damien lorsqu'il décide de ne pas prendre le train pour relever le conducteur mis à mal par les soldats. L'entraînement des soldats de l'IRA (Irish Republican Army), leurs ripostes meurtrières aux insultes des soldats puis leur emprisonnement suite à une dénonciation sont aussi efficaces que les scènes d'actions du cinéma américain de la meilleure veine.
Le film bascule avec l'exécution des traîtres et notamment du jeune Chris. Damien, désorienté moralement et physiquement, ne sera plus jamais le même. Sa narration à Sinead de sa marche avec la mère de Chris vers la tombe du jeune homme figure sans doute parmi les séquences les plus émouvantes du film. A l'innocence perdue (thème récurrent de tout film de guerre) va succéder pour Damien un engagement radical. C'est seulement à ce moment que transparaît la position partisane de Ken Loach du côté non pas seulement d'une république irlandaise mais d'une république socialiste selon la volonté de Conolly (?) exprimée en 1916 lors de l'éphémère prise de Dublin.
L'opposition entre ces deux thèses s'incarne alors dans celle des deux frères pendant la scène du procès républicain : l'un souhaitant gagner la guerre (et exonérer le commerçant de sanction) et l'autre instaurer une république socialiste (où l'exploitation des plus faibles n'a plus sa place). Le traité du 6 décembre 1921 -occasion d'une projection de séquence d'actualités commentée par la salle puis d'une discussion plus académique- sera par la suite le déclencheur de la guerre civile et fratricide de 1922-1923.
... épuré en tragédie
L'histoire personnelle de Damien, qui a perdu son humanisme
en tuant Chris, transforme la thèse en tragédie. Elle le pousse
à une radicalisation sans issue. La tragédie balaye ensuite
Le titre original du film est celui d'une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley, d'après un poème de Robert Dwyer Joyce, un auteur irlandais du XIXe siècle, qui évoque le soulèvement irlandais de 1798. Elle est chantée par une vieille femme lors de la veillée funèbre de Micheál. Ce titre original, Le vent qui agite l'orge, rend davantage compte de cette tragédie où le vent de l'histoire souffle et agite les hommes sans plus d'égards qu'il n'en témoigne pour les épis.
C'est par la forme tragique donnée à la révolution irlandaise que Ken Loach assume le mieux ses opinions politiques. Les socialistes sont émouvants dans l'évocation de leurs rêves (en prison) mais la politique se gagne dans les urnes de la démocratie. Et Ken Loach sent bien que l'idéal des républicains irlandais s'est éteint.
De Valera qui déclencha la guerre civile à la tête de l'IRA après la ratification du traité par le parlement irlandais en 1922 arrêtera les combats au printemps 1923. Par une succession de votes et de négociation avec l'Angleterre (voir de compromission avec l'Allemagne) l'Irlande gagnera ensuite sous ses couleurs (puis celles de Costello) son indépendance en 1949... Et l'Irlande voguera vers le libéralisme conservateur qu'elle incarne sans doute aujourd'hui plus qu'aucun autre pays européen. Tout ça pour ça !
Jean-Luc Lacuve le 28/08/2006