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Cléo de 5 à 7

1962

Avec : Corinne Marchand (Cléo), Antoine Bourseiller (Antoine), Dominique Davray (Angèle), Dorothée Blank (Dorothée), Michel Legrand (Bob), José Luis de Villalonga (José, l'amant), Loye Payen (Irma), Lucienne Marchand (La conductrice du taxi), Serge Korber (Plumitif). 1h30.

Cléo se fait tirer les cartes par madame Irma. La dernière carte retournée est la mort. Cléo est effondrée : elle attend ce soir le résultat d'une analyse médicale. Madame Irma tente de la rassurer mais, à peine sa cliente a-t-elle franchit la porte, qu'elle déclare à son mari : "Les cartes disent la mort. Et moi j'ai vu : j'ai vu le cancer. Elle est perdue !"

Chapitre I : Cléo de 17h05 à 17h08. Cléo descend les escaliers et s'arrête devant un miroir : "Minute beau papillon : être laide, c'est ça la mort. Tant que je suis belle, je suis vivante et dix fois plus que les autres." Elle parcourt ensuite la rue de Rivoli jusque dans un café à la recherche d'une amie, Angèle, à laquelle elle confie que son rendez-vous avec madame Irma n'a fait qu'accroitre sa peur.

Chapitre II : Angèle de 17h08 à 17h13. Angèle est en fait l'assistante et gouvernante de Cléo, chanteuse de petit renom. Angèle raconte au patron du café l'histoire de l'homme que les médecins avait condamné et qui est revenu d'un long voyage pour trouver sa femme morte. Cléo, distraite, assiste à la séparation d'un couple assis à sa gauche. Cléo achète un chapeau

Chapitres III à XI. Angèle et Cléo prennent un taxi pour rentrer chez elles. José, le riche amant de Cléo, vient lui rendre visite. Puis Cléo reçoit son pianiste, Bob, et son parolier, plumitif, qui ont cru spirituel de se déguiser en apothicaires. Elle répète une chanson.

Cléo sort dans la rue. Son regard est constamment accroché par tout ce qui rappelle la maladie et la mort. Elle entre au café du Dôme, puis dans un atelier de peinture où son amie Dorothée pose nue. Dorothée emmène Cléo en voiture, elle doit porter un film à son copain Raoul qui est projectionniste. De la cabine, Cléo regarde un film d'humour noir.

Cléo prend un taxi, puis se promène seule dans un parc Montsouris inondé de lumière. Elle rencontre Antoine, un jeune militaire qu'elle ne connaît pas. Il lui déclare qu'en ce premier jour de l'été, le soleil quitte les gémeaux pour entrer dans le cancer; ce qui irrite Cléo

Chapitre XII. Antoine de 18h12 à 18h15. Cléo et Antoine se réconcilient et c'est elle qui lui parle de son possible cancer. Ils décident d'aller ensemble à La Salpêtrière. Elle le raccompagnera gare de Lyon.

Chapitre XIII. Cléo et Antoine de 18h15 à 18h30. Cléo révèle à Antoine qu'elle s'appelle Florence, ce qui rend Antoine plus lyrique encore. Ils sortent du parc pour prendre le bus qui les conduit à l'hôpital de La Salpêtrière. Ils parlent longuement ("Vous êtes mélomane, pas celle qui aime la musique mais celle qui aime le mélo"). Cléo trouve auprès d'Antoine le réconfort qui lui manquait. Un médecin communique le résultat de l'examen avec des formules rassurantes toutes professionnelles.

Bien loin d'une aventure légère, que Cléo vivrait de 5 à 7, c'est bien plutôt un double bouleversement qui va intervenir dans la vie de Florence, le vrai nom de Cléo, ce mardi 21 juin 1961 de 17h00 à 18h30. Elle apprendra bien, comme les cartes l'avaient laissé voir au début du film, qu'elle devra suivre un traitement contre le cancer. Mais, Cléo jusque-là toute centrée sur son image, va découvrir la dureté de la vie et s'ouvrir aux autres. Cette métamorphose est d'autant plus spectaculaire qu'elle a lieu en temps réel et qu'elle se fait à l'unisson non seulement des horloges et des miroirs de la ville mais aussi dans un espace mental dans lequel la caméra relie personnage et spectateur dans le sentiment de la fragilité de la beauté, de l'amour face à la mort.

Cléo ne se croit vivante qu'en contemplant sa beauté dont elle reçoit les hommages tout en les dédaignant. Incapable de communiquer sur ce qui lui tient à cœur, sa maladie, elle explose quand elle n'est renvoyée qu'à elle-même dans la lyrique interprétation de la chanson "Sans toi". Le panoramique qui la saisit en plan large s'est resserré sur son visage sur fond noir. D'un rideau à l'autre, elle change de robe, enlève sa perruque et part déambuler dans Paris. Bribes de conversations entendues aux terrasses d'un café, hommes gagnant durement leur vie avec des spectacles où ils avalent des grenouilles ou se percent le biceps, femme effrayée par une balle perdue qui l'a frôlée de près tout fait soudainement sens jusqu'aux enseignes de boutiques, "Rivoli deuil", "Bonne santé" ou les noms de rue "Boulevard de l'hôpital"

A la précision géographique répond la précision historique. La guerre d'Algérie est évoquée lors du bulletin d'informations dans le taxi et Antoine dit sa tristesse de retourner en Algérie faire la guerre et d'y perdre sa vie pour rien.

Les indications des réveils et horloges ponctuent le film dont la durée épouse exactement les 90 minutes que vit Cléo. Dans sa première partie, les miroirs (au bas de l'escalier, dans le café, chez elle, le miroir brisé de Dorothée) vont redoubler l'emprisonnement. Puis la rue et surtout la nature du parc Montsouris vont libérer Cléo. Ce rôle libérateur de la nature est lyriquement développé avec l'ample mouvement de grue au début du chapitre XIII puis les deux minutes du travelling où la caméra part à la poursuite de Cléo et Antoine, les rattrape et les dépasse légèrement pour les filmer de trois quart face puis, enfin les laissent partir de dos dans l'allée du parc qui conduit à la sortie.

Varda utilise aussi des moyens plus modernes : le jump-cut lorsque Cléo descend les escaliers et les des images mentales (l'homme aux grenouilles, celui aux biceps percés, la visite de l'amant et de Bob) lorsqu'elle marche, fatiguée, dans la rue.

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