Après 14 ans de vie commune, Ale(jendra) et Alex ont, un dimanche matin au réveil, une idée un peu folle : organiser une fête pour célébrer leur séparation. Ale trouve que c’est une bonne idée de film mais que cela pourrait paraître artificiel dans la vraie vie. Alex rappelle pourtant qu’il s’agit de l'idée du père d’Ale lequel a toujours dit qu’il valait mieux célébrer les divorces que les unions. Ainsi, dès le petit déjeuner, il appelle Manu, son ami musicien en Andalousie qu’il n'a pas revu depuis longtemps et l'invite à la fête de séparation. Le batteur, incrédule accepte. Ale et Alex passent leur dimanche aux puces. Ils pourraient vendre leur DVD devenus obsolètes. Alex achète une théière semblable à celle cassée par Ale.
Le lundi matin, Simon, le professeur d'anglais à domicile du couple est informé que ses leçons familiales n'auront plus lieu sous cette forme suite à leur séparation prochaine. Simon est tout aussi incrédule que Manu. Alex et Ale visitent un 60m2 sur cour qui ne leur plait pas et dont le prix leur paraît exorbitant. Ale prend un taxi pour se rendre au travail alors qu'Alex préfère marcher le long d'un pont et contempler la ville. Ale lors d'une pause cigarette où elle voient célébrer un mariage dans l'église d'en face explique à son ami monteur qu'elle n'a aucun goût pour la mariée. Le seul auquel elle est assisté étant celui de son père alors qu'elle avait quatre ans et qu'il fit pour éviter un enrôlement. Dans la salle de montage, elle accepte volontier l'idée de raccourcir la scène du pont avec Alex qui ne commencera qu'avec le passage du bus afin d'imiter l'effet de volet du montage classique et se poursuivra avec l'entrée d'Alex dans le studio de peinture d'Ana où Alex vient d'entrer. Celui-ci reprend en effet ses cours après l'interruption de l'été. Dans ce cours, Ana a demandé à ce que chacun peigne d'après une photo qui lui tient à cœur. Alex a choisi le visage d'Ale et ne sait trop comment le finir. Ana lui conseille de renverser le tableau, tête en bas, pour ne peindre que ce qu'il voit,lignes et courbes.
Ale rend visite à son ami Fer, un acteur sur le tournage d'une série. Elle le trouve rajeuni par la teinture de ses cheveux et des boucles d'oreilles et admire la roulotte mise à sa disposition par la production. Fer lui explique que la série a pour sujet la vie d'un couple sur 10 ans de 2006 à 2016. Quand elle lui annonce la séparation et la fête qui aura lieu le 22 septembre, dernier jour de l'été, il désapprouve. Il évoque le couple Ingmar Bergman Liv Ullmann fait de déchirures et de réconciliations tant et si bien que l'actrice avait disposé au-dessus de la porte de leur chambre un tableau sur lequel elle dessinait une pierre ou un coeur selon l'humeur du couple et qu'il n'y avait presque plus que des coeurs sur la fin. Il montre son tarot-Bergman fait de photogrammes et de mots pour interpréter le passé et le présent et prédire l'avenir. Extrait du reportage sur Bergman et Liv Ullmann avec le fameux tableau de pierres et de coeurs.
Le soir, Ale montre à Alex le fameux tarot-Bergman que lui a donné Fer. Alex raconte sa journée avec José, son agent, qui lui a réclamé une self-tape pour la série où il est pressenti comme acteur, mais surtout la survenue d'Andréa, qui s'est dit ravie de cette fête de séparation et a promis de venir avec sa compagne, Carla. Ale est mécontent de la venue d'Andréa qui a rompu récemment avec son frère et dont la présence pourrait indisposer ce dernier. Ils décident de voir un film à la maison : ce sera L'amour est une grande aventure qui est l'occasion d'une nouvelle discussion entre eux. Son père avait deja montré le film à Ale et celle-ci reconnait que les gags sont bien construits mais elle désapouve la vision depravée de l'amour qui est donné, un regard du cinéaste qui chosifie la femme. Même si Alex dit adorer Alyson Reed, il doit reconnaître qu'il s'agit d'un film qui est tout entier du côté du regard masculin et dont la représentation de la crise de la quarantaine est hors de propos aujourd'hui.
Le lendemain (mardi), Ale reparle du film avec un ami, Leonardo et dit appreceir le personnage masculin du film qui retoune avec sa femme alors que celle-ci attend un enfant d'un autre. Alex dit qu'il aimerait élever un enfant qui ne serait pas le sien et qui aurait toutes les qualités d'Ale. Avec Leonardo et son fils, ils vont au musée d'histoire naturelle où Alex annonce au téléphone sa séparation d'avec Ale à sa mère, ce qui la fait pleurer. Le soir, c'est Ale qui doit la rappeler pour la calmer.
Dans la nuit, Alex apaise le cauchemar d'Ale. Le matin (mercredi) Ale s'en explique avec son moteur : elle a rêvé d'être un chat prisonnier entre deux portes. Elle apprécie la musique qu'il a placé sur cette scène de cauchemar, et voit la séquence où Alex l'écoute avec son téléphone puis celle ou elle imprègne la séquence suivante où elle prend le bus pour rejoindre son frère à la sortie du zoo qu'il vient de visiter avec son fils, Max,avant la rentrée des cours. Max est déçu que les paons devant lui ne fassent pas la roue. Mais on est à en été non au au printemps qui est la saison des amours. Ale lui annonce la nouvelle de la fête de séparation qu'il juge être une connerie. Ils se rendent déjeuner chez leur père qui renie sa phrase d'autrefois sur la célébration des séparations ; on le dit mais on ne le fait pas; c'est d'ailleurs devenu vulgaire aux USA ou rituel en Mauritanie. "je pense que vous vous retrouverez" dit-il tout en proposant sa maison pour la fête le 22 septembre, dont le choix lui rappelle la triste chanson de Brassens. Il lui conseille la lecture de La répétition de Kierkegaard pour qui les systèmes philosophiques du passé élaborés par Kant ou Hegel ne pouvaient pas rendre complet des sentiments et qui a pensé à une philosophie de la vie ouvrant la voie à Schopenhauer et Nietzsche. Il offre deux livres de cavell rendre meilleur offre au couple une deuxième chance pour faire mieux (sur un écran noir, de courts dialogues entre Katharine Hepburn et Cary Grant dans Indiscrétions)
Là pourrait apparaître le titre Volveréis revenir, voir
Alex se saoule dans un bar avec Simon et la barmaid, il se sent trop présent dans le film d'Ale. Le lendemain matin (jeudi), Alex a la gueule de bois et constate avec Ale que leur evier est de nouveau bouché. Alex y verse une mixture qui semble efficace. Ale raconte avoir vu son père la veille qui a proposé que la fête se fasse chez lui. Cela convient à Alex malgré les réticences d'Ale. Alors qu'elle est partie travailler, Dominique, le voisin, apporte à Alex un colis déposé la veille pour Ale. En faisant le lit, Alex découvre une tache de sang sur les draps et les livres d'Ale. Dans la rue, Ale pleure. Le soir, elle rejoint tardivement leurs amis, Ada et Javi, qui viennent d'acheter une maison à la campagne. Ils parlent ensemble de la beauté du geste de leur fête de séparation même s'ils reconnaissent boire et fumer davantage. En rentrant dans la nuit, ils discutent de l'appartement qu'Ale a visité dans la journée. Il lui a plu mais refuse que ce soit pour elle et préfère rester dans leur grand appartement au loyer bloqué. Alex devra le prendre avant lundi . En rentrant, elle ferme la porte pour deballer son paquet, un pyjama de soie blanc.
(vendredi) Antonio déboucher l'évier et conseille une tuyauterie en PVC. Ale l'invite à leur fête de séparation ce dont il n'a que faire demandant juste les 60 euros de son intervention. Alex trouve aussi déplacé d'avoir invité Antonio qui n'a que faire de leur idée de séparation pour aller mieux.
Le soir est organisée la projection du film d'Ale pour l'équipe. Après les félicitations d'usage, c'est Leonardo l'ami d'Alex qui, studieux comme à son habitude, relève les défauts qu'il a notés sur son calepin : le film est très long et répétitif et ne semble pas posséder de développement linéaire. Il est aussi trop centré sur le personnage d'Ale. Du coup, Ale et Alex, un peu découragés, hésitent pour leur fête.
(dimanche) Ale filme Alex tentant de vendre les DVD aux puces puis intéressé par deux fauteuils à 350 euros dont le vendeur refuse de lui n'en vendre qu'un sous prétexte qu'on ne sépare pas les couples. Ale surgit alors et propose d'acheter le deuxième. C'est ainsi assis sur leur deux nouveaux fauteuils qu'Ale et Alex sortent les cartes du tarot Bergman qui donnent "memory" pour le passé, "horizontal" pour le présent, et pour le futur "soaring" ce qu'Ale traduit par "voler haut". Du coup, l'enthousiasme pour la fête est relancé. Il faut même limiter les invités à 50. Alex offre son tableau fini offert mais ne convainc pas Ale. Alex qui goûte les plats du traiteur, ils font des essayages rapides de vêtements pour la fête.
Supposons que l'on soit le 22 septembre. Alex fait ses cartons, aidé par David, le frère d'Ale qui lui laisse le jouet de "la 4L de maman". Alex qui procrastine beaucoup est penaud de demander à Ale de le filmer pour le bout d'essai qu'il doit envoyer dans la journée. Il sait son texte : "Je ne veux plus que l'on soit ensemble, je ne me sens pas à la hauteur", Ale le filme et lui donne la réplique : "Moi je suis amoureuse, j'aime tout de toi". Au moment de l'envoyer à partir de son ordinateur, Ale tombe sur une ancienne vidéo d'elle et Alex il y a dix ans à Paris : au centre Pompidou, commandant difficilement une crêpe en français ou devant Notre-Dame ou à la recherche de la tombe de François Truffaut à Montmartre. Émue par le souvenir des jours heureux, Ale demande "Pourquoi tu ne m'embrasses pas?" C'est ainsi qu'il vont faire l'amour dans la chambre, la 4L roulant ensuite sur la courbure du dos d'Ale. Ils roucoulent en riant comme deux paons et lisent et relisent les phrases de La répétition de Kierkegaard : l’amour-répétition est le seul amour heureux car il ne présente ni l’inquiétude de l’espoir ni la mélancolie du souvenir mais la délicieuse assurance de l'instant.
Dans le jardin du père, sur l'estrade, Ale répète la chanson qu'elle va interpréter pour la fête. Derrière Alex qui la contemple, le vase de fleurs tombe avec le vent. Alex le redresse. La fête à lieu, un kaléidoscope d'amis heureux d'être là alors que le groupe des amis musiciens entonne la chanson festive: ne laisse pas le sombre pénétrer dans ton espace, fuis les faux semblants, bas-toi pour la vérité de tes actions...
La narration se concentre sur le seul cheminement pour la fête de séparation. Celle-ci n'intervient que comme fond d’écran kaléidoscopique lors du générique final. C’est dire qu’il ne s’agit pas de nouer une intrigue pour la dénouer dans un morceau de bravoure où le couple en crise se reforme comme dans les célèbres comédies du remariage dont Jonas Trueba s’inspire via Stanley Cavell. Le propos est beaucoup plus moderne. Il cite franchement et massivement ses sources d'inspiration pour mieux s'en écarter et faire ainsi de chaque scène un moment risqué, inventif, sensible et personnel. Le traitement du temps est soumis, via le film dans le film, aux même éléments perturbateurs, semblant ralentir ou accélérer un film qui tient la gageure de tenir tout entier sur une semaine avant qu'un carton ne vienne de façon désinvolte proposer "Supposons que l'on soit le 22 septembre". Il fait ainsi in fine dérailler le coté sombre qu'il empruntait alors peut-être en référence à la chanson de Brassens, évoquant une séparation que l'on oublie. Ici, si éternel retour il y a bien, c'est le retour du risque, celui du lancer de dé qui relance le couple toujours sur un fil, menacé de tomber à force de ne pas s'installer dans la durée.
La charpente des références
Le père d'Ale lui offre trois livres comme autant d'antidotes à la phrase sur la célébration des ruptures qu'il regrette. Le premier est La répétition de Kierkegaard dont le couple va répéter plusieurs fois la phrase : "l’amour-répétition est le seul amour heureux car il ne présente ni l’inquiétude de l’espoir ni la mélancolie du souvenir mais la délicieuse assurance de l'instant". Les deux autres sont deux livres de Stanley Cavell sur le cinéma : À la recherche du bonheur, Hollywood et la comédie du remariage (1981) et Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale. Pour le philosophe « ce que le couple fait ensemble est moins important que le fait qu’ils fassent tout ce qu’il font ensemble, qu’ils sachent passer du temps ensemble, que même ils préféreraient perdre du temps ensemble plutôt que faire autre chose ». Si le film met bien en oeuvre cette complicité de tous les instants, le père d'Ale se contente de lui indiquer les films qui servent de base au propos du philosophe : New York-Miami (Frank Capra, 1934), Cette sacrée vérité (Leo McCarey, 1937) ; L'impossible M. Bébé (Howard Hawks, 1938), Indiscrétions (George Cukor, 1940), La dame du vendredi (Howard Hawks, 1940), Un coeur pris au piège (Preston Sturges, 1941), Madame porte la culotte (George Cukor, 1949)et de de préciser que dans chacune de ces comédies du remariage une deuxième chance pour faire mieux s'offre au couple. Trueba clôt cette séquence par un extrait sonore d'Indiscretions sur fond noir puis se permet d'adjoindre un hommage à La huitième femme de Barbe-bleue (Ernst Lubitsch, 1938) avec l'achat des deux fauteuils nécessitant qu'Ale se joigne à Alex pour emporter le lot comme Claudette Colbert et Gary Cooper pour l'achat du haut et du bas de pyjama. La référence est assumée par le dispositif qui signale un film dans le film : en début de séquence, Ale se retire précipitamment du champ pour laisser la place à Alex sortant avec ses deux gros sacs de DVD.
La critique de la comédie du remariage intervient avec la discussion à propos de L'amour est une grande aventure (Blake Edwards, 1989) dont Ale conteste le propos misogyne. Cavell précisait en effet que ces histoires romanesques se révèlent être des comédies de la conversation débouchant sur une reconnaissance mutuelle. Ainsi, le genre cinématographique requiert la création d’une nouvelle femme, au ton libre, décontracté et insolent, répliquant du tac au tac à son interlocuteur. « On peut comprendre nos films comme autant de paraboles d’une phase dans le progrès de la conscience, phase où le combat a pour enjeu la réciprocité ou l’égalité de conscience entre une femme et un homme ».
Une semaine sans attendre
Le film se déroule sur une semaine avant qu'un carton ne précipite la fin en inscrivant "Supposons que l'on soit le 22 septembre". Le film débute en effet une nuit d'orage, celle du dimanche où se prend la décision. Après le petit déjeuner, c'est la visite aux puces. Le lundi débute par la leçon d'anglais puis la visite d'un appartement et le montage de la séquence du pont qui révèle que l'on aura parallèlement la progression du film dans le film. Pendant qu'Alex va dans son cours de peinture, Ale rend visite à Fer dans sa roulotte de tournage. Le soir, le couple se retrouve pour une discussion autour du film de Blake Edwards. Mardi, Alex poursuit la discussion sur le film avec Fernando et annonce au téléphone sa rupture à sa mère qui doit être calmée le soir par Ale. Mercredi visite au zoo et au père; jeudi soirée avec Ada et Javi conclue par la décision pour l'appartement à prendre avant lundi. Vendredi débouchage et visionnage d'équipe et dimanche les puces sont de nouveau filmées pour les deux fauteuils et tarot le soir. C'est ainsi un vrai reportage sur ce qu'est une semaine à deux sans recours à des éléments dramatiques. ce sont ensuite des scènes en accéléré sur la table de montage pour pour aboutir au carton "Supposons que l'on soit le 22 septembre". C'est d'ailleurs à peine le cas puisque scène de déménagement d'Alex, filmage de la self-tape, et dans la foulée du souvenir parisien en vidéo et de la scène d'amour avant que ne surviennent la répétition puis la fameuse fête du 22 septembre.
Ce traitement du temps est redoublé par le montage de scène du film qui sont le film d'Ale. Bien entendu, il est invraisemblable que le film soit tourné, monté et mixé en une semaine. Trueba est déjà très fier d'avoir pu réaliser son film en un temps record d'une année. Le film dans le film vient juste redoubler la façon dont la séparation est travaillée par Ale. Alex a également droit à une scène de séparation qui dit tout son amour pour sa compagne et combien elle est plus puissante que lui alors que la lumière changeante renforce l'émotion de la séquence.
Volveréis
"Volveréis (vous vous retrouverez)" dit le père d'Ale. L'éternel retour, celui du renouveau du lancé de dés pour un résultat chaque fois différent n'est pas retour du même, de l'identique. Les solutions formelles trouvées par Trueba pour faire de chacun des jours de la semaine une invention en témoignent à leur manière : split screen lors du petit-déjeuner du dimanche, les jump cut quand Alex téléphone à sa mère et toutes les séquences du film dans le film ; émouvant est également le faux flash-back d’Ale et Alex découvrant Paris en 2014. Il s'agit d'une vidéo de l’acteur Vito Sanz jeune, filmé dans la vraie vie par une amie. Trueba transforme cette archive en souvenir des temps heureux. L'amour-répétition est une réinvention permanente.
Jonas Trueba joue ses références cartes sur table pour élever toujours plus haut ses personnages, toujours à relancer leur couple, toujours complices, toujours retrouvés à chaque coup de dé, rendant possible que cela dure toujours sous une forme toujours à réinventer.
Jean-Luc Lacuve, le 29 août 2024.