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The Sweet East

 

Sean Price Williams
2023

49e festival du cinéma américain de Deauville Avec : Talia Ryder (Lillian), Simon Rex (Lawrence), Earl Cave (Caleb), Jacob Elordi (Ian), Jeremy O. Harris (Matthew), Ayo Edebiri (Molly), Rish Shah (Mohammad). 1h44.

La lycéenne Lillian, en voyage scolaire à Washington, se réveille aux côtés de son partenaire d'un soir, infatué de sa performance sexuelle. Lilian se sent étrangère aux chahuts et débordements puérils de ses camarades. Elle s'éloigne ainsi dans un bar pour être tranquille. Alors qu'elle est dans les toilettes, surgit un déséquilibré armé d’un pistolet tirant en l’air, puis menaçant le barman s'il ne lui avoue pas être un pédophile pratiquant des sévices dans son sous-sol.

L'un des hippies présents rejoint Lilian et la fait fuir par une porte dérobée pour rejoindre la rue. Il lui propose de l'accompagner dans sa communauté d'artistes-activiste vivant en autosuffisance dans un squat. Lilian y passe la nuit fumant de l'herbe avec une jeune femme lui racontant avoir fui son compagnon qui la méprisait et la frappait. Le lendemain, Lilian accompagne le groupe à Trenton pour contrer une manifestation suprématiste dans un parc. Celui-ci s'avère désert et Lilian s'éloigne pour uriner.

C’est là qu'elle découvre le groupe suprématiste dont le professeur d’université Lawrence qui l'invite à dîner, puis chez lui pour le temps qu'elle veut. Il l'initie à l'amour de la nature dans la Mohawk Valley, des papillons et d'Edgar Allan Poe. Lilian qui se fait appeler Annabel suscite peut-être chez Lawrence le désir qu'elle soit la réincarnation d'Annabel Lee et il refuse obstinément ses avances. Un soir, un suprématiste lui apporte un sac rouge qui intrigue Lilian d'autant qu’il doit partir à New York ; elle s'offre à lui s'il l'amène. Lawrence contient son désir comme habituellement mais amène Lilian à New York. Elle est déçue qu'il ne la conduise que dans un hôtel de banlieue populaire et évite les lieux touristiques. Il la conduit alors dans un luxueux hôtel du centre où elle l'aguiche en sous-vêtements blancs. Mais là encore, il refuse ses avances, restant toute la nuit dans un fauteuil à la porte de sa chambre ouverte. Au matin, Lilian lui demande de lui acheter un vernis à ongle et profite de son absence pour s'enfuir avec le sac rouge dont elle découvre qu'il est plein de billets.

Dans la rue, Lilian est abordée par Matthew et Molly, un producteur et une réalisatrice d'avant-garde qui ont un éblouissement : elle sera l'actrice de leur film, une relecture de l'histoire de l'Amérique du point de vue des minorités avec le célèbre Ian. Le tournage se passe au mieux et Lilian est en passe de devenir une star alors que ses parents lancent un appel national pour la retrouver. Mais les suprématistes ont capturé Lawrence et débarquent armés sur le plateau, dézinguant tout le monde.

Lilian s’enfuit grâce à Mohammad, un technicien amoureux d'elle, qui la conduit dans une cabane perdue en pleine forêt. Elle est alors à proximité d'un groupe de paramilitaires islamistes homosexuels dirigé par le frère de Mohamed. Elle s'enfuit à pied et s'évanouit dans la forêt sous la neige. Elle est recueillie par un prêtre qui avertit la police.

Un mois après, chez elle en Caroline du Sud, Lilian s'ennuie et ne pense qu'à fuguer de nouveau.

analyseAu fil de ses rencontres, Lilian est supposée traverser tout le prisme des radicalités et délires contemporains, des suprématistes aux islamistes, en passant par des néo-punks ou des avant-gardistes woke. À chaque escale, ce sont des bulles où l’on parle beaucoup et tout seul, dans une parfaite ignorance des mondes voisins.

L'ennui c’est que ces milieux sont traversés trop rapidement mettant en valeur la seule Lilian (la jolie et excellente Talia Ryder) sans que les rencontres aient réellement lieu; les personnages ayant juste envie de garder Lilian auprès d'eux sans y toucher. Femme sans qualité, Lilian se definit par "les petites qualités" qu'elle apprend chez les autres, ainsi qu'elle nomme la connaissance des arbres de Mohammad.

Le réalisateur revendique de filmer à la manière d'un jeu de marelle ou d'une variation d’Alice au pays des merveilles, la dislocation mentale, sociale et politique des États-Unis ; une sorte de récit à la croisée du conte, du récit picaresque et des films-ballades des années 70. Il est hélas bien loin Easy rider (Dennis Hopper, 1969), Macadam cowboy (John Schlesinger, 1969); Macadam à deux voies (Monte Hellman, 1971), La balade sauvage (Terrence Malick, 1974), ou des réussites plus récentes : American honey (Andrea Arnold, 2016), Leave no trace (Debra Granik, 2018), Palm trees and power lines (Jamie Dack, 2022).

Il s’agit de la première réalisation en solo du directeur de la photographie américain Sean Price Williams, que le New Yorker a décrit comme "Le directeur de la photographie d’un grand nombre des meilleurs et des plus importants films indépendants de la dernière décennie". Sean a notamment travaillé avec des réalisateurs tels qu’Alex Ross Perry (Listen Up Philip) et Josh & Benny Safdie (Good Time). The Sweet East a été écrit avec le scénariste et célèbre critique de cinéma Nicholas Pinkerton, avec qui il a collaboré au mythique Kim’s Video Store dans l’East Village à New York.

Jean-Luc Lacuve, le 22 mars 2024

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