La gynécologue examine Chloé, une jeune femme fragile et dépressive, qui se plaint de maux de ventre. Elle ne discerne qu'une légère infection en voie de disparition. Elle pourrait commander une échographie mais préfère la diriger vers un psychanalyste, Paul Meyer. Chloé entreprend une psychothérapie et tombe amoureuse de Paul. Ses maux disparaissent : l’amour qu'elle ressent pour le jeune médecin lui a redonné confiance en elle ce qui lui a permis d'obtenir un emploi de gardienne de musée. Paul semble aussi avoir trouvé l'origine son mal. Fille unique, elle a été délaissée par une mère occupée par sa vie professionnelle, qui n'a jamais voulu d'elle dans son ventre. Paul s'aperçoit qu'il aime aussi Chloé. Il lui propose de changer de thérapeute, ce qu'elle trouve inutile, et de s'installer avec lui, en haut d'un grand appartement qui domine la ville. Ils ont pour voisine Rose, une veuve célibataire, qui vit dans le souvenir de sa fille morte et du chat de celle-ci, mort aussi.
En rangeant des cartons, Chloé découvre un passeport de son compagnon au nom de Paul Delord. Paul lui explique que ses parents ont été impliqué dans un scandale financier, célèbre à l'époque, et qu'il a du prendre le nom de famille de sa mère pour exercer plus tranquillement son métier. Chloé est contente d'exercer au palais de Tokyo où l'exposition Flesch and Blood marque son imaginaire. En rentrant du travail, à travers les vitres d’un autobus, Chloé croit reconnaître Paul discutant avec une femme. Chez elle, elle interroge Paul sur sa présence dans le XVIe alors qu'il lui a affirmé être resté toute la journée à l'hôpital. Paul lui fait comprendre qu'il s'agit d'une méprise et alors, qu'elle se plaint du retour de ses maux de ventre, lui conseille de reprendre une thérapie.
Chloé décide d'en avoir le cœur net. Elle découvre devant l'immeuble où elle a cru voir Paul une plaque au nom de Louis Delord. Elle demande un rendez-vous qu'elle obtient pour le lendemain. Louis Delord, s’avère être une réplique inversée, en miroir, de Paul… L’un est doux et bienveillant, l’autre dur, cassant, voire sadique, mais tous deux attirent la jeune femme. Chloé se laisse tomber avec volupté sous la coupe du jumeau maléfique. Elle a de plus en plus de mal à faire la différence entre eux, ne parvient à échapper à aucun et subit avec terreur l'emprise des jumeaux.
Une visite à Sandra Schenker, dont Louis lui a affirmé qu'elle était à l'origine de la brouille d'avec son frère, perturbe encore davantage Chloé. Sandra aurait fait une tentative de suicide en se tirant une balle dans la tête après son rejet par Paul une fois que Louis l'aurait violée. Sandra est clouée au lit, veillée par une mère qui devient agressive quand elle comprend que Chloé jouit de sa relation avec les jumeaux. Chloé, affolée du retour de Paul plus tôt que prévu d'un colloque, surgit chez Louis, prête à le tuer. Paul,goguenard, surgit derrière lui. Chloé tire au hasard sur l'un des jumeaux avant de s'écrouler et de voir son ventre éclater pour laisser apparaitre la petite main d'un fœtus.
Paul et la mère de Chloé sont ensemble à l'hôpital. Les médecins leur expliquent que Chloé portait dans son ventre les vestiges d'un jumeaux parasite; alors fœtus, Chloé avait absorbé celui de sa sœur. Inconsciemment traumatisée par cet événement, elle reste névrosée par le manque de cette sœur et avait inventé un double à Paul. Sa mère, qu'elle avait transformée en Mme Schenker et qui portait la broche du chat que Louis lui avait offerte, promet d'être dorénavant toujours là pour elle, tout comme Paul. Mais cela suffira-t-il ? Alors que Paul et Chloé font l'amour, celle-ci voit surgir sa soeur jumelle derrière la vitre, tentant de la briser avec son poing.
Le thème des jumeaux maléfique a déjà été abordé de manière inoubliable dans Faux-semblants (Cronenberg, 1988) et Sœurs de sang (De Palma, 1973). Le soupçon d'inutilité d'un nouvel avatar de ce thème, couplé au fait qu'il s'agisse de l'adaptation d’un roman de Joyce Carol Oates (L’Amour en double) peut rapidement faire décrocher le spectateur. Qui plus est, la mise en scène très formaliste de Ozon (split screen, répétition des mêmes motifs, escaliers en colimaçon, orchidée blanche avec ou sans terre, chat évoquant le regard castrateur de la mère, voisine aussi inquiétante que chez Polanski et avatar trouble de la mère) contribue à une première impression de cinéma choc et chic déployant son jeu gratuit pour bourgeoisie en mal de fantasme homosexuel et trioliste.
Un peu à la manière du Sixième sens (Shyamalan 1999), c'est pourtant la révélation finale, le traumatisme réel de Chloé et sa névrose bien réelle qui émeuvent et permet de voir le film comme il doit l'être, en grande partie une construction mentale. Le réalisateur, loin de se jouer de nous, fournit indice sur indice... Presque certain que notre attente superficielle nous empêchera de les décoder avant la fin. Emouvant et virtuose.
Jean-Luc Lacuve le 29/05/2017