La voix off de Victor décrit les lieux de la ville de Lyon où aura lieu l'action qui va suivre. Il y a notamment le lycée où il enseignait et la classe de seconde où Thomas Duval a maintenant pris sa place. Dans ce lycée enseignent Alice, professeure d'histoire et de géographie, et surtout son amie Joan, professeure d'anglais, personnage principal de cette histoire.
Joan n'est plus amoureuse de Victor, le père de Nina, leur enfant, et souffre de se sentir malhonnête avec lui si elle ne le lui dit pas. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune. Joan prévient pourtant Victor qu'elle ne l'aime plus. Il promet d'être moins pressant. Après trois mois, Joan décide finalement de quitter Victor. Celui-ci, extrêmement malheureux de voir échouer ses efforts pour sauver son couple et notamment par le projet d'achat d'une maison, essaie une dernière fois de retenir Joan, en larmes, en vain. Il s'assoit dans un bar et commande mojito sur mojito avant de tituber vers sa voiture.
Le lendemain, Victor n'est pas en classe et des gendarmes viennent apprendre à Joan que Victor est mort dans un accident de voiture après avoir trop bu. La vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées...
Les trois amies sont guidées par leurs sentiments. Elles sont amenées à choisir pour cela de remettre en cause leur vie entière et trouvent finalement un surplus de vie dans leurs choix successifs, qu'ils aboutissent ou non. Une fois les principes de sa comédie sophistiquée mise en place, Emmanuel Mouret semble pourtant tourner un peu à vide.
Trois femmes, trois choix de vie
Alice aime la relation tendre et confortable qu'elle entretient avec Eric. Même la possibilité d'un amour extrêmement romanesque, choisi par le destin d'un numéro de téléphone rêvé, qui se révèle être celui d'un peintre talentueux, reconnu et épris d'elle, ne la fera pas changer d'avis. Elle sent, qu'en dépit de ses affirmations, son mari pourrait bien la quitter s'ils cessaient de jouer une comédie où ils croient dire le faux (je t’aime) alors qu'il s'agit bien de la vérité (ils s'aiment).
Rebecca, prête à toutes les aventures même celles du plus mauvais choix, celui du mari de sa meilleure amie, ou celle, idéale, avec Stéphane Leroi, aura finalement une vraie passion pour Antonin, d’abord rencontré sur une application de rencontre qu'elle avait alors dédaignée.
Joan, suscitant l'amour sincère de Victor ou Thomas, aime ceux qui ne s'attacheront pas à elle : Martin l'ami de Thomas ou Léo, le collègue d'Eric. L'important pour elle est de ressentir un sentiment qui s'impose à elle.
Une comédie sophistiquée
Il est pourtant dommage, qu'au-delà de ces principes, les personnages ne s'expriment pas plus précisément sur leurs sentiments. Les plans-séquences où les acteurs jouent à cache-cache avec les portes ouvertes ou entrebaillés sont certes forts élégants mais cela, couplé à la multiplication des duos amoureux possibles, finit par rendre un peu vain ces chassés-croisés. La musique occupe toute la place dans de nombreuses scènes censées exprimer l'amour (chez Leroi) ou le désamour (à la campagne) mais sans retrouver l'intensité du dialogue d'adieu de Victor ou ses apparitions comme fantôme.
L'action qui délaisse Paris au profit de Lyon (son Lugdunum-Musée et théâtres romains, ses rives de la Saône et du Rhône, ses ponts, La place des Terreaux, le parc de la tête d'or) se déroule au sein de la petite bourgeoisie intellectuelle, celle des professeurs de lycée et renouvelle ainsi la comédie sophistiquée, plus habituée aux sphères de la haute bourgeoisie; on pense notamment au Woody Allen de Hannah et ses soeurs ou de Un jour de pluie à New York. Les distractions sont choisies, notamment celle d'aller à une soirée de vernissage ou d'aller au cinéma voir Les enchaînés, Steamboat Bill Junior ou Sept ans de malheur.
Jean-Luc Lacuve, le 11 novembre 2024.