Maxime, jeune traducteur, vient dans la campagne avignonnaise rendre visite à son cousin François. Mais celui-ci, responsable d'un chantier de construction, est retenu en région parisienne. C’est Daphné, sa compagne enceinte de trois mois, qui se retrouve seule pour accueillir Maxime. Elle ne l'avait jamais rencontré. Ils font petit à petit connaissance et se confient des récits de plus en plus intimes sur leurs histoires d'amour présentes et passées.
Maxime vivait à Paris une relation adultère avec Victorine, une femme mariée, décidée à réussir sa vie sur tous les plans en choisissant toujours le meilleur. Elle se trouva être la demi-sœur de Sandra que Maxime rencontra bientôt et dont il retomba immédiatement amoureux comme il le fut quelques années auparavant. Sandra lui expliqua qu’autrefois elle s’apprêtait à se donner à lui quand la rencontre impromptue d'une amie en bas de chez lui la détourna de son objectif. Comme Maxime ne répondit ensuite au téléphone qu'à la quatrième sonnerie, elle renonça à entamer une aventure avec lui. Maxime, qui vivait alors en colocation avec Gaspard, son ami traducteur, s'apprêta donc à reconquérir Sandra lors d'une fête qu'elle donnait avec quelques amis. Mais c’est Gaspard qui la séduisit instantanément. S'étant entendu dire par Maxime que son histoire avec Sandra était de l’histoire ancienne, Gaspard entame une relation amoureuse avec elle.
La fin de l'après-midi, dans le château qu’ils visitent, permet à Daphné de raconter ses aventures. Elle était la monteuse d’un réalisateur auquel elle n’osa jamais déclarer sa flamme. Elle fut tellement déçue qu’il ne l’invita un soir au restaurant que pour lui proposer un nouveau travail qu'elle accepta la proposition incongrue de François de parler avec lui dans un bar alors qu'il venait y chercher son écharpe perdue. Par dépit, elle accepta de coucher avec lui, croyant, que marié, cette histoire n’aurait pas de suite. Mais François s’accrocha et, à force de gentillesses et d’attentions, su créer avec elle une relation forte et durable.
Le soir, autour de la table du repas, Daphné incite Maxime à poursuivre le récit de ses amours malheureuses. Maxime fut en effet surpris que Gaspard et Sandra lui proposent d'emménager avec eux dans un grand appartement après qu'elle en hérita. Témoin de leurs amours aussi bien que de leurs chamailleries incessantes, Maxime, se sentant obligé de faire bonne figure, y vécut un enfer. Et puis Gaspard, excédé des caprices de Sandra, décida de partir donner des cours en province. Une nuit Sandra et Maxime firent l’amour ; celui-ci, ayant plus l’impression de se voir vivre enfin son rêve que de l'accomplir. Pire, bientôt Gaspard, lassé d'une aventure en province, revint et lui souffla définitivement Sandra.
Le lendemain Daphné et Maxime se promènent dans les villages environnants et rencontrent par hasard Victoire. Elle informe Maxime que son plan de carrière sentimentalo-professionnel en or au Japon s’est vite transformé en échec et qu'elle est désormais divorcée. Elle les invite à venir dîner le soir même. Daphné incite Maxime à y aller seule et lui raconte la fin de ses aventures avec François.
Quelques temps après leur mise en ménage, Louise, la femme de François, les invita à diner dans sa maison de campagne avec son nouveau compagnon, Stéphane. Leur entente leur parut si parfaite qu’ils n’éprouvèrent plus aucun remords de l’avoir trompée durant des mois.
Le soir, alors que Maxime est chez Victoire, Daphné téléphone à François et n’a pas grand-chose à lui dire.
Maxime revient au matin et explique à Daphné qu’il ne sait rien passé entre lui et Victoire, il n’est pas rentré la nuit parce qu'il avait un peu trop bu. Lors d'une nouvelle visite touristique dans la région, Daphné et Maxime, que le récit de leurs aventures a rapproché, pensent l'un à l'autre. Maxime étreint Daphné dans ses bras le soir et décide de partir dès le lendemain pour ne pas tromper son cousin. Mais le désir partagé s'avère le plus fort et Daphné et Maxime passent la nuit ensemble. Ils ont tout juste le temps le matin de filer chacun dans leur chambre avant l’arrivée de François.
François part se promener avec Maxime avant son départ imminent en train et lui raconte la révélation qu'il reçut durant ces quelques jours d'absence. Au retour de l'accident de chantier, il rencontra par hasard Stéphane dans un tout autre contexte que celui de leur denière rencontre avec Louise et Daphné. Propriétaire d’un bar, Stéphane est marié avec des enfants que sa femme va chercher à l’école. Stéphane lui explique alors la machination généreuse ourdie par Louise auquel il participa. A son initiative, il fit semblant de jouer le compagnon modèle pour que Daphné et François puissent vivre un amour sans remords. Bouleversé par cette révélation, François partit voir Louise chez elle qui lui confirma le don généreux de sa rupture.
Elle apprit en effet par hasard sa relation adultère et, sur les conseils de son amie, évita de dire ses reproches et de se montrer désagréable. Bien au contraire, elle se fit le plus charmante possible pour qu'il revienne vers elle. Mais rien n’y fit ; il s’endormait près d'elle, indifférent, le parfum de Daphné sur lui. C’est alors que Louise ecouta le discours du philosophe dans le film monté par Daphné et que François avait ramené à la maison. Celui-ci parlant du don, de l’échange notait que dans nos civilisations l’amour n’était pas ce sentiment désintéressé qu'il prétendait être mais un sentiment bourgeois de propriétaire du désir de l’autre. Louise comprit alors que l’amour qu'elle éprouvait pour son mari pouvait faire preuve d'une générosité totale dont elle sortirait grandie. C’est pourquoi, elle lui fit le don d'une rupture à son initiative pour qu'il puisse partir l'esprit libre.
François fut bouleversé par cette immense générosité et bien près de retourner avec sa femme mais il s'était désormais engagé avec Daphné et ne voulait plus changer à nouveau le cours de sa vie alors qu'il allait être père à nouveau.
Maxime pourrait lui dire le sentiment qu'il éprouve pour Daphné mais il se tait et prend le train dans l'après-midi. François et Daphné l'accompagnent sur le quai. Alors qu'elle s'en retourne, Daphné est prise d'un sentiment violent et court rejoindre Maxime dans son compartiment. Ils échangent des baisers. François, interloqué du départ de Daphné, ne comprend pas ce qu'elle est partie faire et s'inquiète de ne plus la voir sur le quai d'en face. Inquiétude vite dissipée par le retour de Daphné, qui était finalement descendue du train.
Le Noël suivant, Daphné, cette fois très visiblement enceinte, aperçoit Maxime à la recherche, comme elle, d'un sapin à acheter. Alors, qu'émue, elle s'approche de lui, elle voit Victoire, enceinte, le prendre par la main. Daphné ne peut alors que s'amuser de voir François, ridicule et attendrissant, revenir vers elle, décoré de guirlandes.
Maxime, écrivain en devenir qui ressent les choses sans pouvoir les dire, trouve en Daphné une confidente qui lui permet de déployer ses aventures romanesques. A l’image du livre qu’il aimerait écrire, ce sont moins des histoires d’amour que des histoires de sentiments qu’il raconte à Daphné en laquelle il trouve une âme sœur malheureuse. Si la conclusion romanesque va se révéler sans éclat pour les deux protagonistes principaux, la mise en scène déploie élégance du langage et multiples variations qui rendent grâce à ce qui aurait pu être.
Confidents et âmes sœurs
Daphné et Maxime ont tous deux aimé secrètement sans pouvoir exprimer leurs sentiments ; l’une aima un réalisateur, l’autre Sandra. Au fil de la discussion, se révèle entre eux le sentiment partagé d'un vide à combler. Alors que l'amour se déclare presque toujours par le regard porté sur l’autre, la grande tension qui s'intensifie selon le crescendo musical entre eux lors de la visite de l’avant dernier jour est filmée sur leurs nuques respectives. Rien là donc qui relève du classique champ contrechamp de regards en gros plan mais une manière adéquate et affirmée de filmer les pensées de chacun.
Cette béance amoureuse, que Maxime et Daphné éprouvent et rencontrent chez l’autre, provoque ce désir d'union fusionnelle qui donnera lieu à l’unique nuit d’amour. Si, ensuite, Daphné est émue par le départ de Maxime en train puis, quelques mois plus tard, sa rencontre sur un marché de Noël, sans doute est-ce parce que ce désir d’un amour partagé, violent et concomitant n’a jamais eu lieu. Et c’est la réalité qui surgit alors avec Victoire, ayant renoncé à son mirifique plan de carrière, et François, décoré comme un sapin de noël.
Acceptant cette conclusion sans éclat, le film déploie en revanche des variations du récit en forme de jeux de miroirs sublimés par la musique et quelques très beaux plans.
Jeux de miroir sur des sentiments
Le film se construit principalement sur une double narration, celles de Maxime et Daphné. Mais des personnages secondaires prennent en charge le récit dans l'épisode final : Stéphane puis Louise faisant tous deux un flash-back dans le flash-back de François. Gaspard avait aussi pris brièvement le relais de Maxime pour raconter son aventure amoureuse en province. Les jeux de miroirs se multiplient : Maxime dit à Gaspard qu’il n’aime plus Sandra, laissant à celui-ci le champ libre pour l’aimer ; Louise dit à François qu'elle ne l’aime plus, lui laissant le champ libre pour aimer Daphné. Daphné ne dit pas au réalisateur qu'elle l’aime, Louise ne dit pas sa souffrance à François.
Le discours du philosophe, interprété par Claude Pommereau mais proche de la pensée de René Girard (1923-2015), donne lieu aussi à l'écoute de deux de ses thèses. La première est celle désir mimétique : on ne désire jamais l’autre en soi, mais parce qu’on le sait lui-même désiré par un tiers. Mais cette façon de tomber amoureux n'est pas mise en œuvre dans le film. Gaspard aime certes celle qui a été aimée par Maxime mais il s'agit d'un coup de foudre parfait : habillés de rouge devant un meuble rouge, Gaspard et Sandra sont en couple dès les premières paroles échangées (au sujet d'ailleurs d'une application qui ferait faire des rencontres au hasard). Quant à Maxime et Daphné, ils tombent justement amoureux l'un de l'autre parce qu'ils sont chacun délaissés. La seconde thèse de René Girard est celle de l'amour comme un don, à l'opposé d’un désir propriétaire qui asservit l’autre. Cette thèse qu'ont entendu Daphné, la monteuse, et François, c'est Louise, sa femme, qui saura la faire sienne.
Cependant ici l’amour, ce rêve de deux désirs en un, se construit dans un contexte plus large où un troisième est l’obstacle quand ce ne sont pas les circonstances (amie rencontrée en bas de chez Maxime). François se rend compte un peu tard qu'il aurait pu être plus heureux avec Louise ; Daphné avec Maxime, Maxime avec Sandra. Sandra, personnage le moins sympathique, peu attentive aux autres, la plus prosaïque, égoïste, cruelle (faire emménager Maxime avec elle et Gaspard) accepte ses désirs multiples et se révèle finalement la moins malheureuse.
La balance du titre, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, n'est probablement pas une recherche de contradictions entre les deux termes. C'était le cas chez Eric Rohmer où la parole assurée des personnages est contredite et discréditée par la caméra qui montre la réalité du désir. Bien davantage, le film déploie ici une farandole de sentiments où les choses qu’on dit, les choses qu'on fait, ne peuvent hélas qu'engager sur une seule voie dans la vie réelle ; charge alors au cinéma de faire miroiter les possibles; ce qui aurait pu être.
Jean-Luc Lacuve, le 7 octobre 2020.
B. O. du film : Berceuse (opus 7) - Frédéric Chopin; Valses Sentimentales (34) for piano, D. 779 (Op. 50) N° 5 in B flat Major - Franz Schubert ; Arabesque n°1 - Claude Debussy ; Suite Bergamasque : III Clair - Lune - Claude Debussy ; Les Contes d'Hoffmann Op.67 - Barcarolle - Jacques Offenbach; Waltz N°2 - Frédéric Chopin ; Finale Intro - Cecil Milner Stabat Mater RV 621 - Eja Mater, fons amoris - Antonio Vivaldi ; Valse L'Adieu Op. 69 No. 1 in A Flat Posth - Frédéric Chopin ; Sonate pour piano en ré majeur, Hob.XVI/24 - Adagio - Joseph Haydn ; Les contes d'Hoffmann - Les oiseaux dans les Charmilles - Jacques Offenbach ; Sonate pour piano N°59 in en Mi bémol Majeur - Finale, tempo di menuet - Joseph Haydn ; Concerto pour piano en Mi Mineur op.11 - Romance : Larghetto - Frédéric Chopin; Sonata en ré majeur Hob. XVI/24 « Adagio » - Joseph Haydn ; Waltz N°6 (The Minute Waltz) Op.64 - Frédéric Chopin; Liberation Afro Beat - El Machete - Martin Perna; Gayaneh - Berceuse - Aram Khatchaturian ; Sonate pour Piano n°3 in B-Flat, K 281:2 Andante amoroso - Wolfgang Amadeus Mozart; Sonate pour piano K.482 Mi bémol Majeur - Adagio - Wolfgang Amadeus Mozart ; Spanish Dances N°2 - Enrique Granados; Solveig's Song (Peer Gynt) - Edvard Grieg ; When Night Her Purple Veil - Henry Purcell ; The Seasons, Op. 37b: VI. June: Barcarolle - P.I. Tchaikovsky Sonate pour Piano n°3 in B-Flat, K 281:2 Andante amoroso - Wolfgang Amadeus Mozart; Nocturne n°20 - Frédéric Chopin; Symphony No. 9 in D Major Concerto Piano et Orchestre - Francis Poulenc; Tosca act III «El lucevan le stelle» - Giacomo Puccini Waltz N°7 - Frédéric Chopin 4 Préludes, Op.28 - 4. In E Minor - Frédéric Chopin Gnossienne N°3 - Erik Satie Gymnopédies n°1 : Lent et Douloureux - Erik Satie Adagio for String - Samuel Barber Nocturne n°21 en ut mineur op. posth. - Frédéric Chopin