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L'innocence

2023

(Kaibutsu). Avec : Sakura Andô (Saori), Eita Nagayama (Hori), Soya Kurokawa (Minato), Hinata Hiiragi (Eri), Yuko Tanaka (Fushimi), Mitsuki Takahata (Hirona), Akihiro Kakuta (Shoda), Shido Nakamura (Kiyotaka). 2h09.

Saori Mugino est une jeune veuve qui élève son fils d'une dizaine d'années, Minato. Au soir d’un incendie qui ravage une tour commerciale en face de leur immeuble dans une petite ville côtière, Saori s'inquiète du comportement renfermé de Minato, son fils unique. Celui-ci adopte un comportement étrange, comme demander si on est encore un être humain si on se fait greffer un cerveau de cochon ; se couper les cheveux ; rentrer à la maison avec une seule chaussure. Une nuit, Minato ne rentre pas du tout à la maison et après avoir appelé, Saori le retrouve dans un tunnel ferroviaire abandonné avec une oreille ensanglantée. Lorsqu'elle l'interroge et lui souhaite une belle vie avec enfant, il ouvre la portière et tombe sur la route provoquant la perte de contrôle de son véhicule par Saori qui emboutit son pare-choc.

Saori Mugino demande alors une entrevue à la directrice de l'école, soupçonnant une maltraitance de la part de Hori, le professeur de son fils dont la rumeur dénonce qu'il fréquente les bars à hôtesses. Mais la directrice semble absente et fuir sa demande. Les cadres administratifs de l'école s'excusent en indiquant à Saori que la directrice vient de perdre sa petite-fille. Encadré par les cadres de l'école, Hori fait des excuses de circonstance sans répondre aux faits précis dont l'accuse Saori. Lorsqu'elle interroge frontalement, Hori lui laisse entendre que Minato intimide en fait un autre étudiant nommé Eri.

Saori se rend chez Eri. Il la fait rentrer en l'absence de son père, ce qui est un comportement étrange. Elle constate qu'il a gardé la chaussure manquante de Minato et semble affectueux et inquiet pour lui. 

Hori est finalement renvoyé de l'école, mais revient quelques jours plus tard et Minato tombe dans un escalier en essayant de lui échapper. Un soir d'orage, Saori monte dans la chambre de son fils pour découvrir qu'il a disparu.

Le soir de l'incendie de la tour commerciale, Hori passe par là en revenant chercher sa petite amie, Hirona, qui vient passer la nuit chez lui. Hori ne prend pas garde à ses élèves qui les filment dans la rue avec à l'arrière plan les hôtesses de bar descendues de l'immeuble en flamme. Il est anxieux d'affronter sa première plainte face à une mère celibataire qui, le juge-t-il, en tant que mère célibataire surpotege son fils. Hirona le rassure tout en soulignant combien son sourire pourtant très tendre lui donne une image un peu inquiétante comme l'est aussi sa passion de rechercher des coquilles dans les livres ou les magazines dont il informe les éditeurs.

Lorsque la directrice l'informe de la demande de Saori d'avoir une explication, il réfute toute action répréhensible. Certes il a surpris Minato s'en prenat aux affares de Eri avec une rage folle mais ce nest que malenconterusemnt que pour le calmer il l'a légerement blessé au nez. La directrice et les cadres administratifs lui ordonnent de ne rien dire et d'apprendre par cœur un discours d'excuses.

Comme cela ne convainc pas Saori qui demande une nouvelle confrontation, il tente sans succès de rallier les témoignages des élèves car ils l'ont pris en grippe car trop fragile. Il tente aussi de contacter Eri qu'il a vu enfermé dans les toilettes juste après un passage de Minato. Mais, en allant chez lui, il ne trouve que son père, Kiyotaka, rentré saoul du travail, méprisant envers les petist salaires des professurs et qui ne considère guère son fils auquel dit-il on a greffé un cerveau de cochon; Hori se tourne vers Minato qu'il aime bien pourtant mais n'aboutit qu'à le faire malencontreusement tomber sans gravité dans l'escalier mais aux yeux de tous. Hori envisage alors de sauter du toit.

Non seulement il est obligé à une confession publique dans son école avant son renvoi mais, traqué par les journalistes, il est quitté par Hori. En corrigeant les copies, il découvre toutefois le message crypté de Eri déclarant son lien indéfectible avec Minato. Malgré L'orage qui gronde, il court alors vers la maison de Minato mais constate, comme sa mère au balcon qu'il a disparu.

C'est bien avant l'incendie de la tour que les relations entre Minato et Eri se sont resserrées. L'un a perdu son père, l'autre sa mère. Eri est régulièrement harcelé par les autres garçons pour son comportement asocial et apparemment efféminé. Eri joue avec les cheveux de Minato, que ce dernier coupe ensuite impulsivement. Les deux garçons se rapprochent et Minato commence à le défendre contre ses harceleurs. Un jour cependant cette protection est devenue trop évidente et les collégiens en profitent pour se moquer des "amoureux". Minato, refusant ce qu' il considère comme une insulte, s'en prend violemment à Eri qui se défend en le blessant à l'oreille. Minato senprend alors aux affaires de Eri qu'il balance dans le couloir.c'est alors quinervient Hori qui croit voir un harcèlement de Eri par Minato. il calme les deux garçons. La nuit de l'incendie, Minato se rend chez Eri mais celui-ci et son père, Kiyotaka, déclarent que Eri a été « guéri ». Eri se rétracte rapidement, ce qui suscite la colère de son père. Pendant la tempête, Minato trouve Eori abandonné tout habillé dans sa baignoire et les deux s'échappent vers le wagon abandonné, qui est devenu leur cachette.

Quand Saori dit à Hori, criant ses excuses, que Minato a disparu, ils se rendent dans le tunnel ferroviaire pour le retrouver. Sous la tempête bravant le barrage des policiers, ils trouvent le wagon presque enfoui dans la boue, et lorsqu'ils l'ouvrent, ils ne voient que le poncho de Minato. C'est trop tard, Minato et Eri sortent du wagon sous le plein soleil d'un paradis qu'ils ne pouvaient atteindre dans la vie. 

Le film traite de deux sujets : les effets devastateurs de la rumeur et la lente prise de conscience d'un amour homosexuel entre deux collégiens. Cet amour est assumé par le plus jeune, Eri, mais révulse le plus âgé, Minato, qui voudrait se montrer le digne fils de son père, disparu depuis peu.

Le scénario s'appesantit sans doute trop sur le premier sujet voulant par un effet à la Rashomon dégager trois aspects possibles de la vérité. Il ne fait pourtant, un peu laborieusement, que rétablir l'ordre des faits et des méprises successives. Ce n'est ainsi, presqu'en creux, que se développe l'histoire d'amour entre les deux garçons. C'est alors la figure d'un autre film de Kurosawa, le train de Dodes’kaden (1970) qui devient le repère majeur, celui d'une échappée vers l'imaginaire quand la réalité est trop difficile à supporter.

C'est Hori qui aurait pu être conduit au sucide tant les circonstances (assez rocambolesques) s'accumulent contre lui. On regrette un peu que le scénariste choisisse de faire mourir les enfants comme une conclusion un peu facile, sorte de renoncement à traiter complètement ce second sujet que la mise en scène magnifie pourtant. Ainsi la séquence avec Minato suivant Eri rentrant chez lui sous les cerisiers en fleurs : les deux garçons penchent successivement leur visage sur la bouche d'égoût censée abriter un chat puis Minato offre sa chaussure à Eri, chacun avançant d'une seule jambe, comme voulant se compléter. Cette mort des garçons est d'autant plus incompréhensible que, suite à l’aveu que fait Minato à la directrice de l’école, aussi professeure de musique, également éprouvée par un drame intime, elle se saisit d’un cor et, lui tendant un trombone, lui intime ceci : "Tout ce que tu ne peux pas dire, souffle-le. Le bonheur est toujours possible"

Jean-Luc Lacuve, le 3 février 2024.

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