Les bonnes étoiles

Par une nuit pluvieuse, So-young, une jeune femme, pose son bébé sur le sol, devant la boite prévue pour les abandons d'une église de Busan. Su-jin, une policière en surveillance dans sa voiture, en descend pour replacer le bébé dans la boite qui dispose d'un éclairage et une musique ad hoc. Elle est alors filmée par lavidéo de l'orphelinat de l'église. Dong-soo qui est de garde efface la vidéo et confie le bébé à son ami, Sang-hyun, venu tout exprès dans l'espoir de récupérer un bébé. Sur celui-ci, ils ne trouvent que le prénom, Woo-sung, et le traditionnel mot "Je reviendrai" dont ils connaissent le mensonge. Sang-hyun est donc tout heureux d'emporter le bébé. Il ne sait pas qu'il est suivi par la voiture de Su-jin et de sa jeune collègue, le lieutenant Kyung-soo, jusqu’au petit pressing de banlieue dont il est propriétaire.

A l'étonnement de Dong-soo, la jeune mère, So-young, revient le lendemain réclamer son bébé mais, comme il a effacé l'enregistrement vidéo, il peut facilement lui faire croire que son bébé a été emmené sans retour possible. Néanmoins, So-young s'accroche et comme Dong-soo et Sang-hyun ne veulent pas la faire souffrir… et craignent une enquête policière, ils lui avouent bien vite qu’ils ont pris soin du bébé. Ils préféreraient qu'elle renonce à lui puisqu'ils ont eu la générosité de s'en occuper mais ils avouent aussi qu'ils ont l'intention de le vendre à des parents adoptifs pour 100 000 yens. So-young en accepte l'idée si elle obtient la moitié de la somme. Juste avant de partir, deux truands viennent réclamer à Sang-hyun 50 000 yens avant la semaine suivante.

Sang-hyun embarque donc, dans sa camionnette du pressing qui ferme mal, Dong-soo ainsi So-young et son bébé. Ils doivent se rendre à Pohang où un couple en mal de bébé ont promis 100  000 yens. Mais sur un quai du port de Pohang où a lieu l'échange, les parents putatifs trouvent le bébé moins beau qu'en photo car sans beaucoup de sourcils et ne veulent verser que la moitié de la somme promise et de manière échelonnée.

La fourgonnette file alors vers Samcheok, l'orphelinat au bord de la plage, où Dong-soo et Sang-hyun sont accueillis en héros. Ce sont des anciens de l'orphelinat où Dong-soo détient le record de trois jours de fugue consécutifs. A So-young, qui s'énerve un peu du temps perdu, Sang-hyun explique que Dong-soo a été abandonné par sa mère avec le même mot qu'elle écrivit "Je reviendrai" et qu’il a ainsi toujours refusé d'être adopté sans que sa mère ne revienne jamais.

Sang-hyun, Dong-soo, So-young et son bébé partent donc pour Uljin où de riches clients se sont présentés. En chemin, ils découvrent un passager clandestin, le jeune Hae-jin, qui insiste pour les accompagner, refusant d'être ramené à l'orphelinat. Ils sont toujours suivis par les policières Su-jin et Kyung-soo sur lesquelles leurs supérieurs ont mis la pression. En effet, So-young a abandonné son bébé car il gênait sa fuite après l'assassinat d'un de ses riches clients chez qui elle se prostituait. A Uljin, les parents très attentionnés avec le bébé exigent que So-young ne le revoie plus jamais. Elle refuse et tous passent une belle journée en allant à la fête foraine. Dans la grande roue, Dong-soo se déclare auprès de So-youg pour fonder une famille. Mais arrivée au sommet, So-youg sait qui faudra redescendre et ne peut se défaire de la faute qu'elle pense impardonnable d'avoir abandonné son enfant. Elle refuse ainsi la proposition de Dong-soo et réaliste, sait qu'il lui faudra se rendre et trahir ceux qui l'aiment pour se sauver elle-même et repartir à zéro. Sang-hyun réconforte Hae-jin lorsqu'il se sent mal dans la grande roue. La journée se termine en prenant avec leurs derniers sous en poche une photo d'eux quatre dans le photomaton.

Le soir, Dong-soo voudrait que So-young parle enfin à son bébé et le remercie d'être né comme elle pourrait les remercier eux tous pour lui venir en aide. Ainsi lorsque So-youg remercie chacun d'être né, c'est Sang-hyun qui est le plus ému et Hae-jin qui termine en remerciant So-youg.

So-young a été contactée par la police pour qu'elle se rende et Sang-hyun par les truands envers qui il a des dettes pour rendre le bébé à la mère de l'homme assassiné par So-young. Pour protéger le bébé de So-young des griffes de sa grand-mère, Sang-hyun tue Tae-ho le jeune gangster. Il se sait sans espoir de retrouver sa femme depuis que sa fille lui a annoncé attendre un petit frère du nouveau compagnon de celle-ci. Il prend la fuite.

Les autres partent pour Séoul où les attendent le riche couple. Au moment de l'échange, Su-jin et de sa jeune collègue Kyung-soo sont là et arrêtent tout le monde. So-young les avaient trahi en se laissant mettre un micro et un GPS.

Trois ans plus tard, Su-jin écrit à So-young qui a purgé sa peine de prison. Elle pourra revoir son fils quand elle le souhaite. Même s'ils ne peuvent l'adopter étant en période probatoire, les riches parents adoptifs putatifs le voient régulièrement dans ce parc où depuis plusieurs mois elle lui donne aussi rendez-vous. En attendant, c'est elle qui s'occupe du bébé pour la plus garde joie de son couple. Cette fois peut-être So-young ira voir son bébé. Sans le savoir, elle est suivie par une camionnette avec, en pendentif de rétroviseur, la photo des quatre dans la fête foraine.

Road-movie classique dans la constitution d'une famille choisie tout au long du périple. L'originalité ici tient au parcours de plus ne plus difficile de chacun des personnages, révélé peu à peu, qui rend à la fois plus touchant la nécessité pour eux d'appartenir à cette familiale choisie tout en éloignant la possibilité d'un happy-end ; c'est sur ce fil rapprochement-rupture que tient toute l’émotion délicate du film.

Cinq couples

Dong-soo est le plus simple des personnages. Abandonné par sa mère à la naissance avec le faux espoir qu'elle reviendra le chercher, il est prêt à pardonner à So-youg d'avoir fait la même chose comme pour se réconcilier avec sa mère en comprenant les difficultés de la jeune femme. Il éprouve de l'attachement pour le bébé et souhaite fonder une famille avec elle.

Sang-hyun, propriétaire de la fourgonnette est celui qui conduit l'action. Il est perclus de dette et soumis au chantage des escrocs qui travaillent pour la belle-mère de So-youg et cherchent à récupérer le bébé. Hae-jin, le jeune fugueur lui ressemble et les deux forment une sorte de couple, père-fils qui fait écho à celui, mari et femme, de Dong-soo et So-youg.

A ces deux couples en fuite (Dong-soo et So-youg et Sang-hyun et Hae-jin) s'adjoint le couple de policières, Su-jin et Kyung-soo. La première veut réussir professionnellement car elle ne supporte plus les attitudes condescendantes de ses supérieurs masculins, pourtant moins professionnels. Sa subordonnée admirative n'en est pas moins plus sentimentale et lui envie son mari attentionné. Su-jin finira par lui rendre justice et sera joyeuse d'obtenir avec lui un temps la garde du bébé de So-youg.

Le nombre de couples grimpe à cinq si on leur adjoint ceux, odieux ou attentionnés, des putatifs parents adoptifs.

La grande roue et le cercle des mercis

La grande roue aurait pu marquer la constitution de la famille dans ses deux cabines où ont pris place d'un part Dong-soo et So-youg et d'autre part Sang-hyun et Hae-jin. Un autre cercle aurait pu boucler l'histoire, celui où So-youg remercie son bébé puis chacun d'être né avec Hae-jin qui termine en remerciant So-youg.

Mais, en dépit du chemin fait ensemble, la famille ne se constituera pas lors de ce bref voyage. Les traumatismes sont trop profonds pour eux cinq dont la naissance n'a pas été désirée et qui ont été abandonné. Un orphelin ne peut que rêver au miracle d'être un grand footballeur avait dit amèrement Dong-soo. Le voyage a permis d'autres alternatives et c'est bien là la fin la plus optimiste possible. Elle est ouverte : Woo-sung pourra être adopté par les riches habitants de Séoul par Su-jin et son mari ou retrouver sa mère, avec ou sans Dong-soo.

C'est Sang-hyun le blanchisseur qui nettoie les taches de sang des chemises des criminel et recoud les étoffes qui est le moteur du film, le conducteur de la fourgonnette; c'est lui qui permet à Hae-jin de rester avec eux, il le conduit dans la grande roue et s'occupe de lui lorsqu'il se sent mal dans celle-ci. Il est le premier à faire allusion aux rares sourcils du bébé qui seront source d'un humour à répétition et lui encore qui subit la douche lors du passage dans la laverie où Hae-jin a laissé ouverte la fenêtre de la voiture. Ainsi c’est certainement lui qui suit So-young en voiture à la fin et n'a probablement pas perdu les coordonnées de son ami. Quant au jeune Hae-jin, magnifiquement dirigé, son énergie à s’évader lui laisse quelque espoir...même s'il est toujours repris.

Jean-Luc Lacuve, le 30/12/2022