De nos jours ...

Sang-won est une actrice encore jeune mais qui a décidé d'arrêter le cinéma. Elle est hébergée par son amie, Jung-soo, une femme particulièrement attachée à son chat, "Nous", et ne se refusant jamais un verre de vin quand elle travaille. Sang-Won en se levant reproche à son amie de ne pas l'avoir réveillée comme si elle voulait profiter d'un moment de solitude. Les deux amies se réconcilient dans l'admiration de Nous, un gros chat placide blanc et roux que Sang-won nourrie de croquettes pendant que Jung-soo la flatte en disant que son chat l'aime mieux qu'elle même. Bien que Sang-Won ait reproché à son amie de ne pas l'avoir réveillée, elle retourne au lit et s'endort. Un peu plus tard, c'est sa jeune cousine, Ji-soo, venue lui demander des conseils pour être actrice qui frappe à sa porte.

Hong est un vieux poète qui connaît un succès grandissant et inattendu parmi les jeunes. Il reçoit Kijoo, une apprentie cinéaste, venue faire un documentaire sur lui. Elle a déjà enregistré des conversations de Hong sur son art et est ravie de le voir avaler le ramyeon agrémenté d'une sauce rouge très épicée pour documenter la vie quotidienne du poète. Hong lui raconte que sa vie a perdu de sa saveur depuis que son médecin lui a interdit l'alcool et le tabac sous peine d'un arrêt cardiaque imminent. Kijoo lui propose alors d'aller faire une course et Hong rejoint son lit pour une sieste. Il est réveillé par Jae-won, un acteur en formation, venu lui demander des conseils.

Sang-won déballe la boîte-cadeaux que sa cousine lui a ramenée du Brésil où elle voyageait. Sang-won apprécie chacun des petits cadeaux sauf les savons qui lui irritent la peau. Jung-soo propose alors de se les approprier. Ainsi quand Ji-soo veut la questionner sur son métier d'actrice, Sang-won lui propose d'aller discuter sur le balcon. Elles admirent les plantes de Jung-soo puis Sang-won répond à sa cousine sur ce qu'est être une actrice et pourquoi elle a arrêté. Cet échec fait couler une larme à Ji-soo tout comme l'échec de Sang-won dans ses études d'architecture entreprises ensuite mais trop difficiles.

Ki-joo revient avec les bières sans alcool qui semblent combler d'aise Hong. Il lui offre sa guitare dont il ne se sert plus. Celui-ci propose d'aller discuter sur le balcon. Hong est tellement content qu’il nomme K-ijoo sa fille adoptive. Jaewon y voit là un grand signe d'amitié. Puis ils reviennent dans le salon où K-ijoo filme la conversation de Hong avec Jae-won.

Sang-won propose à Ji-soo de choisir quoi commander à manger et se résout à choisir elle-même. Ce sera du ramyeon auquel elle ajoute une sauce rouge très épicée. Ji-soo essaie de l'imiter mais doit se résoudre à aller aux toilettes calmer la brûlure de l'épice.

Hong propose de jouer à pierre-feuille-ciseaux et Jae-won va chercher de l'alcool. Ils sont bientôt saouls tous les trois mais Jae-won décide de repartir avec Ki-joo.

Jung-soo est paniquée car son chat, Nous, a disparu. Sang-won le recherche vainement et Jung-soo est effondrée, elle déclare l'aimer plus que son amie et est prête à offrir dix millions de yens de récompense. Ji-soo le lui ramène; il s'était égaré chez le boulanger. Elles fêtent d'un bon repas ce retour.

Hong savoure cigarettes et whisky sur sa terrasse.

Le film est composé de deux récits entrelacés, distincts, mais possédant de multiples caractéristiques communes. Le jeu d'échos qu'ils entretiennent renforce subtilement le message de dépouillement et de joie profonde à être soi-même que dégage le film.

Etre soi-même

Le long discours de Sang-won est le plus explicite quant au message du film. Pour être actrice, il faut se dépouiller de tout ce que les autres attendent de vous, ne pas se fier au jeu stéréotypé des actrices populaires mais chercher qui on est vraiment. Sang-won ajoute que pour chaque rôle, on lui demandait de jouer dans un seul registre. Même si c'est elle-même qui en avait fait la proposition, cette unique option ne permettait pas d'être soi-même, c'est pourquoi elle a arrêté. C'est un discours pro domo puisque, depuis sa reconnaissance internationale dans Mademoiselle (Park Chan-Wook,), Kim Min-hee joue uniquement pour Hong Sang-soo (Un jour avec, un jour sans, Le jour d’après, La femme qui s’est enfuie…) avec lequel elle partage sa vie. Elle en est également la directrice de production, photographe de plateau et parfois directrice artistique. Dans La romancière, le film et le heureux hasard (2022), elle jouait aussi une actrice, Kil-soo, qui s'était éloignée des plateaux de cinéma et vivait heureuse avec son mari, un potier célèbre, dans cette banlieue tranquille de Séoul. Si elle reprenait le métier, c'était pour un film documentaire sur sa vie. Kim Min-hee - Sang-won ne peut ainsi jouer autre chose qu'elle-même et porter ce discours.

Hong est interrogé par Jae-won sur la poésie, le sens de la vie, de l'amour. Il lui répond que toute réponse est fausse dans le sens où elle serait unique alors que la vie est multiple. Il n'y a pas de sens surplombant à la vie, il faut l'affronter au jour le jour. Il est lâche de l'affronter avec le bouclier d'une philosophie. Il est toujours prêt à aimer la nouveauté qui se présente à lui. Il appelle lui-aussi à se débarrasser de l'esprit de système, souvent imposé de l'extérieur, pour être soi-même et savoir à quoi l'on tient.

Des correspondances subtiles

Le jeu d'échos entre les deux histoires qui se déroulent sur une même journée renforce sans être systémique le message de dépouillement et de joie profonde à être soi-même que dégage le film. Seul point de rencontre possible entre les deux histoires, l’actrice mentionne une rencontre avec un poète qui l’a un jour inspirée pour toujours ajouter une sauce rouge très épicée au ramyeon. Ce déjeuner intervient dans la première séquence pour le poète et se passe assez tard pour l'actrice et ne peut manquer à ce moment-là d'éveiller notre attention rétrospectivement sur les situations semblables des deux histoires.

Chacune des séquences initiales se termine par un endormissement qui pour une fois ne débouche pas sur une séquence rêvée. Pourtant une coupe franche similaire sépare ces endormissements de l'entrée d'une jeune admiratrice et de l'arrivée d'un admirateur qui viennent frapper à la porte pour demander conseil. Les deux jeunes gens emmènent un cadeau qui sera finalement déballé. Les deux jeunes gens rencontrent une jeune femme qui est déjà avec la personne qu'ils admirent. Dans chacune des deux histoires, on quitte le petit salon pour aller discuter sur le balcon, où l'on entend des travaux en cours. Chacun des personnages finit la journée dans la joie; celle du repas autour du chat retrouvé, un départ ensemble deux jeunes gens plus désireux désormais de nouer une relation entre eux qu'avec Hong. Celui-ci savourant alors, apaisé, face à lui-même et au monde environnant, sur sa terrasse, whisky et cigarettes.

Le titre français n'est pas mauvais dans le sens où il met en avant l'importance du moment présent, se dégageant du passé. Il perd toutefois le double sens du titre coréen qui peut être aussi bien traduit par «Notre Jour» que par « Le Jour de Nous » qui fait alors echo au nom du chat, exemple de ce à quoi on tient, qui nous rassemble justement dans nos irréductibles individualités.

Jean-Luc Lacuve, le 29 juillet 2023