Snake eyes

1998

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Genre : Film noir

Avec : Nicolas Cage (Rick Santoro), Gary Sinise (Le commandant Kevin Dunne), Carla Gugino (Julia Costello), John Heard (Gilbert Powell), Stan Shaw (Lincoln Tyler), Kevin Dunn (Lou Logan), Michael Rispoli (Jimmy George). 1h38.

Tandis que menace l'ouragan Jezebel, au Palais des sports d'Atlantic City, un match de boxe oppose le poids lourd Lincoln Tyler à un challenger. 14 000 spectateurs y assistent, dont le Secrétaire d'État à la Défense, Charles Kirkland et Rick Santoro, inspecteur de police, flambeur et corrompu. Rick, harcelé au téléphone par sa maîtresse et sa femme, récupère aussi de l'argent auprès de Cyrus, un petit malfrat. En rejoignant sa place, il a la surprise d'y retrouver  son vieil ami, le commandant de marine Kevin Dunne, chargé de la sécurité de Kirkland.

Soudain, un coup de feu est tiré dans la foule, blessant mortellement Kirkland alors qu'une seconde balle touche la blonde assise à côté de Santoro au bras. Témoin de l'attentat, Santoro est intrigué : Tyler, qui venait d'être mis K.O., a néanmoins sursauté en entendant les coups de feu tirés contre le meurtrier, le terroriste palestinien Tarik Ben Rabat, par  Dunne. Celui-ci se reproche pourtant d'avoir abandonné sa place pour suivre une jolie rousse suspecte. Dunne lui conseille d'abandonner ses états d'âme et décide de prendre les choses en main. Il fait bloquer les issues et, jusqu'à l'arrivée du FBI, repousse les inspecteurs des jeux : la salle sera bientôt intégrée au casino mais elle est encore municipale. Il laisse Lou Logan obtenir l'exclusivité des retransmissions vidéo contre 5 000 dollars et se fait repasser la bande vidéo de la séquence du K.O. du combat. La 4e caméra, en plongée, confirme que le coup du K.O. a été porté dans le vide.

Interrogé, Tyler avoue qu'il a dû accepter de "se coucher" mais jure ignorer qu'il s'agissait de permettre un assassinat. Tyler ne peut que confirmer que ses yeux se sont ouverts quand il a entendu les coups de feu. Tyler visait le titre mondial des poids lourds. Il raconte alors ce qui s'est passé avant le match Jimmy était venu expliquer que sa côte s'écroulait puis Cyrus était aussi venu. C'est là que Santoro l'avait poursuivi. Tyler explique ensuite qu'il devait se coucher quand il entendrait "ça va faire mal" d'un spectateur au premier rang dont il avait remarqué qu'il portait une oreillette. Tyler raconte enfin son pitoyable combat et comment il avait été contacté auparavant par une jeune femme à la chevelure rousse.

Dunne explique à la télévision qu'il a abattu un terroriste palestinien dont on a retrouvé une lettre de motivation dans la poche. Mais Rick est maintenant persuadé d'un complot. Dunne lui raconte alors qu'il revenait de Norfolk après une euphorique démonstration du dernier antimissile de Gilbert Powell. Il avait suivi la jolie rousse et flirtait avec elle quand il avait dû tirer sur l'assassin. Il recommande donc à Rick, sans succès, de s'en tenir à la simple version du terroriste.

Dunne est ainsi perturbé lorsqu'il rejoint... l'homme à la chemise verte et la rousse qui sont ses complices et des militaires comme lui. Il leur explique qu'ils ont été repérés et qu'il doit changer ses plans.... et les abats froidement.

À la faveur du mouvement de panique, la blonde-brune s'était enfuie à travers le dédale du casino et du gigantesque complexe hôtelier bâti tout autour par le milliardaire Gilbert Powell. Rick tente de la retrouver grâce aux 820 caméras de l'hôtel-casino. Il la  repère en même temps que Dunne averti par les gardes de sécurité. La jolie brune tente de se faire passer pour une call-girl auprès d'un gros client afin qu'il la conduise dans une chambre où elle pourra se reposer. Mais celui-ci la jette dehors... dans les bras de Rick. Celui-ci, après qu'il ait lui-même jeté le client hors de sa chambre, entraine la jeune femme au calme dans des escaliers de l'hôtel et lui demande de raconter son histoire.  Cette mystérieuse jeune femme brune s'appelle Julia Costello. Elle lui déclare être employée par la Powell Aircraft, qui s'apprête à mettre sur le marché un système anti-missile, l'AirGuard, tout en le sachant défaillant. Ne songeant qu'à sauver la vie des soldats susceptibles de l'utiliser, Julia a entrepris de dénoncer la manœuvre auprès de Kirkland, naïvement contacté par E-mail, ce qui n'a eu pour effet que de faciliter la tâche des comploteurs. Elle affirme avoir vu Dunne en compagnie de Rabat et de deux autres complices. Rick refuse pourtant de se rendre à l'évidence : Dunne lui a menti et est complice du meurtre. Celui-ci dans le même temps rend compte à Powell, qui, soulagé a appris la mort de Kirkland, que leur plan ne se passe pas comme prévu.

Rick, déstabilisé, enferme Julia en haut du casino pour la protéger. Il parcourt le hall de sport et se souvient avoir vu au-dessus de la régie de télévision filmant le combat un œil volant. Il demande à voir la bande et découvre la preuve de l'implication de Dunne. Celui-ci l'a repéré.

Kirkland n'était pas un soldat. Politicien, il cherchait surtout à réduire le budget militaire. Il a forcé Powell à faire des essais trop tôt l'Airguard est certes actuellement défaillant mais va être amélioré et finalisé. Il propose d'acheter le silence de Rick pour un million de dollars à condition qu'il lui livre Julia. Mais un billet taché de sang, sans douté égaré par Lou Logan, fait prendre conscience à Santoro qu'il n'a jamais tué personne. De plus Tyler pourrait parler aussi. Mais celui-ci arrive encadré par deux sbires de Powell et est manifestement du côte de Dunne : snake as, the house wins (double as la banque ramasse, ou 21, t'es lessivé en Français) dit alors Dunne qui emmène Rick se faire tabasser par Tyler pour qu'il avoue où il a caché Julia. Comme Rick, rué de coups, refuse toujours, il lui colle un mouchard électronique dans le dos. Rick échappe à la fausse surveillance des gardes et conduit Dunne sur la terrasse du millenium. Pendant ce temps, l'équipe de télévision de Lou Logan a repéré que le gros globe de métal emblème du millénium de Powell était tombé au sol et veulent en faire un objet de reportage. Devant le danger que suscite ce globe métallique sans amarre la police intervient aussi. Ils surprennent alors Dunne menant Rick et Julia de son arme. "Tu as le double as" conclut Santoro avant que Dunne acculé, sommé de se rendre par la patrouille de police et filmé par la télévision, retourne son arme contre lui et se suicide.

Santoro, après avoir connu son heure de gloire, sera poursuivi pour corruption. Julia viendra pourtant la remercier alors qu'il s'apprête à vivre une nouvelle vie. Elle a 26 ans lui 35 et après un baiser, ils promettent de se revoir bientôt. Après leur départ, les ouvriers installent un pilier de béton pour le nouveau Millenium. La main d'un ouvrier découvre dans celui-ci la bague rouge de la jeune femme rousse dont le corps avait été immerge dans le béton par les sbires de Powell.

Le titre du film est une expression américaine symbolisant la plus mauvaise combinaison possible dans un jeu de dé : le "double as". Les deux points noirs au milieu de leur face blanche, c'est le snake eyes. Tel est souvent la combinaison des lanceurs d'alerte qui tentent de changer le monde. Le regard du serpent c'est aussi celui, acéré, de Brian de Palma qui signe ici un de ses films les plus virtuoses révélant la vanité du regard tout puissant face à la recherche obstinée de la vérité.

Le snake eyes des lanceurs d'alerte

"Snake as, the house wins" (double as la banque ramasse) ou "21, t'es lessivé" (en version française) est prononcé d'abord par Dunne lorsqu'il fait apparaitre Tyler dans le champ. Celui-ci, désormais de son coté, va tabasser Rick pour qu'il avoue où il a caché Julia. L'expression revient une seconde fois, dans la bouche en sang de Rick lorsqu'il refuse d'aider Dunne pris en flagrant délit par la police et la télévision. Elle est enfin contenue dans le second couplet de la chanson finale du générique, "Sin City" par Meredith Brooks :

In this town of pain
You could be the lucky one
Fate turns on a dime
The only thing that will change
Are the lights when they get brighter
They replace the sun

Out the door, you get burned
And there is no way back in
You've got nothing
Snake eyes, the house always wins

Le générique et cette chanson sont essentiels pour comprendre le message du film puisque la dernière image révèle la bague rouge de la jeune femme rousse dont le corps avait été immerge dans le béton par les sbires de Powell. Qui plus est, la chanson fait écho au dialogue final entre Rick et Julia : "Les choses changent. Vous refusez peut être de le voir. Mais c'est vrai, la vie a vraiment changé à Atlantic city" affirme Julia toujours idéaliste. Rick lui déclare qu'il y a des siècles, les pirates installaient des phares près des rochers et allaient piller les navires dont ils avaient provoque le naufrage. Une seule chose a changé depuis : les lumières sont plus brillantes.

Générique de fin, et chanson "Sin city" :
des lumières pièges toujours plus brillantes

On pourra interpréter de diverses manières l'éclat de la bague de cette dernière image du film. La plus positive consisterait à dire que Powell n'ayant pas été inquiété pour le complot mené contre Kirkland pour lequel seul Dunne a payé, il pourrait être arrêté par les enquêteurs qui découvriraient un cadavre qui n'a pu être coulé dans le béton que par ses hommes  de main. On les a vus à l'œuvre lorsque Rick s'échappait du sous-sol.

La rousse assassinée
et coulée dans le béton

Mais la chanson et les dernières paroles de Rick sont bien plus pessimistes. Les vrais coupables échappent au châtiment et seuls les idéalistes croient pouvoir changer le monde; la jeune femme rousse ignorait tout des crimes qui allaient être commis, celui de Tarak comme le sien évidemment. Elle est aussi une victime des projets immobiliers de potentats d'Atlantic city.

Mise en scène virtuose.

Pour en arriver là, De Palma déploie tout son arsenal de virtuose: plan-séquence, flashes-back sophistiqué, split-screen et suspens rythmé par le montage alterné.

Le film débute par un plan-séquence d'anthologie de 12'50 où Rick se croit maître du jeu :

Sur le générique, Anthea, la reporter de Powell télévision, annonce, sous une pluie battante l'arrivée de l'ouragan qui fonce droit sur l'Arena d'Atlantic city où sont rassemblé 14000 personnes pour un match de boxe. Elle reprend en remplaçant ouragan par tempête tropicale. Un travelling vers la gauche révèle qu'elle était vue dans un des écrans de contrôle de la régie de la télévision du casino. Dans l'écran de gauche apparait le journaliste Lou Loganun qui se prépare à commenter le match depuis l'intérieur, bientôt rejoint par Rick Santoro (1'40). Un rapide panoramique les recadre dans cette régie où ils discutent des paris à prendre pour le match du soir Rick se met en marche vers la salle de sport alors qu'il est appelé au téléphone par Monique, sa maitresse à laquelle il promet un cadeau surprise (2'30- fin du générique). Rick croise Jimmy George, le bookmaker qui vient de sortir du salon dédié pour la soirée à Tyler (3'20) Comme on lui ferme la porte au nez, Rick revient miser 5 000 dollars sur Tyler. Jimmy George refuse car Rick n'a pas la somme sur lui. C'est alors qu'il voit de nouveau la porte s'ouvrir et apparaitre Cyrus, petite frappe, qu'il poursuit (4'10). Il passe derrière un mur (4'15) et descend l'escalator pour récupérer l'argent que Cyrus lui doit au sous-sol (5'30). Comme Jimmy George descend l'escalator, il lui redonne les 3 000 dollars à parier moins les 100 dollars du billet taché de sang. C'est alors que descend Tyler qu'il encourage. Le costume d'un garde du corps obstrue l'écran (6'). Rick rencontre la pompom girl du carton du 7e round, à laquelle il donne son numéro (6'20). Rick entre dans la grande salle du Palais des sports et est appelée au téléphone par sa femme et son fils, auquel il promet un autographe de Tyler. Il poursuit son chemin et apostrophe son ami, Kevin Dunne (7') qui lui désigne le speaker sur le ring faisant l'éloge de Kirkland. Un rapide panoramique en sens inverse revient vers le secrétaire d'Etat. Rick et Kevin continuent de marcher ; la caméra saisit Powell sous les acclamations puis le garde de sécurité (8'). Ils discussion sur le fils de Rick qui veut visiter un sous-marin, la caméra s'attarde sur Tyler (9') puis sur la rousse assise (10'). Rick et Kevin s'assoient au premier rang et discutent jusqu'à ce que Kevin demande son billet à la rousse (11') Rick est de nouveau appelé par Monique puis Angela (11'50). Une femme blonde dans une robe blanche s'assoit à côté de lui. Un homme crie "ça va faire mal" (12'25). Rick est appelé au téléphone par la pompom girl porteuse du numéro 7 (12'50). Fin du plan séquence avec un plan du ballon de vidéosurveillance qui surplombe la n°7 et un gros plans sur elle alors que le premier coup de feu éclate.

Ce grand plan-séquence est constitué de plusieurs plans raccordés de manière invisible, à la façon de certains plans de La corde de Hitchcock. Ainsi les raccords sur un mur à 4'15 et sur un costume à 6'. Il est aussi possible que des raccords soient camouflés dans les rapides panoramiques qui vont d'un personnage à l'autre dans le palais des sports.

Plusieurs séquences du film montreront dans des flashes-back qu'il n'avait pas compris ce qui se tramait alors. Ceux-ci sont formellemnnt trs variés. Le prmeier est celui de la revision du KO sur la 4e caméra de télévision, le second est celuide la série de trois raconté par Tyler, le trosieme est le emsnonge de Dunne metantne scne le retour euphorique de Norfolk et la séduction d ela rousse. le quatrième, fractionné en deux est celui où Julia raconte son histoire en split-screen. le cinquime intervient quanr Rick parcourant le palais des ports se souvient de l'appel et et de caémrade surveillance, l'oeil volant. le sixieme est celui où l'oiel volan confrme les dires de Julia

La séquence de split-screen, le dessin de l'œil dans le gros ballon portant la caméra, les multiples caméras et écrans de télévision et les lunettes brisées de Julia travaillent ce même thème du regard fractionné qu'il faut toujours réajuster.

l'oeil du ballon de télésurveillance, juste après et comme un contrepoint à l'illusoire maitrise du plan séquence
Les lunettes vont se briser

Jean-Luc Lacuve le 23/09/2015

 

"Sin City" de Meredith Brooks

In this town of pain
You could be the lucky one
Fate turns on a dime
The only thing that will change
Are the lights when they get brighter
They replace the sun

Out the door, you get burned
And there is no way back in
You've got nothing
Snake eyes, the house always wins

[Chorus:]
A drowning man does not die silently
You can feel the final warning
And the black money follows
Through the veins of the shallow
Change the name to protect the guilty
You'll never leave Sin City
Where you are king

In this room of shame
You could sink this town
And breathe another day
The mirror faces you
You cannot look away
Blood is on your hand
The streets will be the same
Under your feet like quicksand
Touch the face where a kiss of hope can last

[Chorus]
Ooohhh where you are king ooohhh

A drowning man does not die silently
You can feel the final warning
And the black money follows
Through the veins of the shallow
Change the name to protect the guilty
You'll never leave Sin City

Just one kiss from the shadow
Will be the touch of an angel
Just one kiss is all that you need
If you never leave Sin City
You never leave Sin City
You never leave Sin City
Where you are king

Just one kiss ohhhh-oh-oh-oh
Where you are king [repeat]


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