Pour l'inauguration du "Paradise", le "Palais du Rock", Swan, directeur de la firme "Death", est à la recherche de nouvelles sonorités. Avec l'aide de Philbin, il a dérobé à un jeune compositeur inconnu, Winslow Leach, sa cantate qui fait partie d'un opéra inspiré de la légende de Faust. Pour se débarrasser de Winslow, Swan le fait enfermer à Sing-Sing pour trafic de drogue. Fou de rage, le malheureux compositeur parvient à s'évader et, en tentant de saboter, par vengeance, une presse à disque dans l'usine de Swan, se fait défigurer. De plus, il n'a plus de voix car, en prison, il a servi de cobaye pour des expériences médicales. Tombé dans le fleuve, on le croit mort.
Dissimulé sous un masque d'oiseau en acier, Winslow revient hanter le "Paradise" pour se venger. Il fait ainsi exploser une voiture en carton-pâte lors d'une répétition. Swan l'a repéré grâce à ses caméras de surveillance et, lorsque Winslow veut le tuer, il lui propose une nouvelle collaboration, notamment de lui reconstituer sa voix électroniquement et de lui donner de nouveau le pouvoir de créer. Il promet de lui laisser choisir qui interprétera ses chansons. Winslow accepte d'autant plus que c'est Phoenix, une jeune chanteuse dont il est amoureux, qui se présente à l'audition. Swan lui demande si elle est prête à lui donner sa voix et l'engage. Le 10 décembre 1974, Winslow a donc une semaine pour réécrire sa cantate pour elle car Swan l'assure : les Juicy fruits sont passés de mode. Il signe un étrange contrat avec une goutte de sang.
Mais Swan a menti, il déteste la perfection de la voix de Phoenix et veut plus de puissance. Il donne ainsi la vedette du show à Beef, un chanteur délirant et efféminé, et emmure Winslow dès qu'il a terminé la cantate. Mais avec l'énergie du désespoir, Winslow brise le mur et s'en vient terroriser Beef sous sa douche le menaçant de mort s'il ne laisse pas la vedette à Phoenix. Beef veut s'enfuir mais il est rattrapé par Philbin et accepte ainsi d'ouvrir pour le Paradise. Il est électrocuté par Winslow. Swan demande alors à Phoenix de le remplacer Beef. Elle triomphe et se laisse convaincre par Swan qu'il l'aime et va en faire sa vedette. Winslow s'efforce en vain de mettre en garde contre les agissements de Swan. Elle ne le reconnait pas avec son masque et le fantôme n'a rien à lui offrir alors qu'elle veut être une star. Winslow ne peut que constater que Phoenix et Swan sont devenus amants et il se suicide. Mais Swan, qui a joui de son suicide grâce aux caméras sur le toit, vient lui dire qu'il ne peut mourir ainsi : son contrat ne prend fin qu'avec la vie de Swan : Il a renoncé à son droit de dormir en paix. Sa blessure ne se rouvrira qu'à la mort de Swan. Winslow tente alors de tuer Swan: vainement, celui-ci lui affirme aussi être sous contrat.
Pour se défaire de Phoenix, Swan annonce qu'il va l'épouser sur scène lors du final de Faust. Une fan révèle que Swann n'a pas changé d'aspect depuis vingt ans. Winslow pénètre dans son antre privé et découvre un contrat filmé sur bande. Le 19 novembre 1953, Swan s'était enregistré pour filmer son suicide dans sa baignoire. Il ne supportait plus de vieillir. Le diable lui proposa de ressembler toujours à son image jeune. Sera fixé sur bande son reflet qui va vieillir à sa place et qu'il pourra contempler pour voir sa chance. Si les bandes sont détruites, il mourra.
Winslow découvre sur la bande son propre contrat et celui de Phoenix. Le contrat de celle-ci avec Swan ne prendra fin qu'après que la mort les sépare. Winslow voit aussi l'ordre du meurtre de Phoenix donné par Swan à un tueur alors que Philbin est déguisé en évêque.
Winslow parvient à éviter le meurtre de Phoenix en détournant le tir du tueur sur Philibin et alors que les bandes vidéos contenant le pacte de Swan avec le Diable flambent, le visage de Swan apparait comme celui d'un grand brûlé. Mais son existence étant liée à celle de Swan, Winslow meurt avec son ennemi pour sauver Phoenix.
Phantom of the Paradise (1974) s'inscrit dans la relève qu'apporta le rock au film musical. Après Woodstock (Michael Wadleigh, 1970), sortiront ainsi The Rocky horror picture show (Jim Sharman, 1975) et Tommy (Ken Russell, 1975). Encadrant cette trilogie, Cabaret (Bob Fosse, 1972) et La fièvre du samedi soir (John Badham, 1977) et New York, New York (Martin Scorsese, 1977), montrent toutefois la brièveté de cette apogée du film d'opéra-rock. Phantom of the Paradise n'aura d'ailleurs qu'un accueil mitigé, tant les adolescents qui devaient constituer son public essentiel furent surpris par son constant mélange des genres, allant du burlesque (Goodbye, Eddie, Goodbye) au tragique (le suicide raté) en passant par le romantisme de sa chanson phare (Old Souls).
Au fil du temps, le film deviendra culte, d'abord pour la qualité des chansons composées par Paul Williams. Brian de Palma demanda au compositeur du film d'interpréter le rôle de Winslow Leach mais Paul Williams ne se trouvait pas assez grand pour être en mesure de faire peur et préféra interpréter le rôle du voleur de musique plutôt que celui qui la compose, laissant ce rôle à William Finlay. Brian de Palma approuva, estimant que son physique, "très petit, très étrange mais très intéressant" ainsi que son "humour noir" siéraient au personnage. D'autre part, son aspect napoléonien, aussi inquiétant que séducteur, rappelait la personnalité controversée du producteur Phil Spector.
Le film est aussi culte pour les multiples défis de mise en scène que De Palma relève en se confrontant aux récits littéraires et cinématographiques qui l'ont précédés.
De Palma adapte Le fantôme de l'opéra, le roman de Gaston Leroux paru en 1910 au travers de son adaptation par Rupert Julian Le fantôme de l'Opéra (1925). Le nom de Philbin, le bras droit de Swan, est un clin d'œil à Mary Philbin, l'actrice qui interprète le rôle de Christine dans le film de Rupert Julian. Le personnage de Faust et le contrat signé avec le diable reprend, dans la signature avec la goutte de sang d'un contrat illisible, un plan du Faust de Murnau. Le Frankenstein de James Whale est aussi évoqué lors du spectacle final. De Palma transpose aussi la malédiction du Portrait de Dorian Gray : c'est la pellicule qui, remplaçant le tableau, conserve l'apparence de Swan. Le cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene) est évoqué avec Beef présenté au public sortant de son cercueil à l'aéroport comme l'éveil de Cesare. Les décors de la chanson "Somebody super like you" ressemblent à ceux du film de Robert Wiene.
Bien entendu, De Palma cite Hitchcock. Mais la référence à Psychose et l'assassinat dans la salle de bain, au premier degré dans Sœurs de sang, son précédant film, se teinte cette fois d'une ironie et d'une distanciation assumée : Beef se voit cloué le bec par une ventouse servant à déboucher les tuyauteries. Le canon de fusil visant Phoenix lors du spectacle final évoque aussi la scène du Royal Albert hall et le canon sortant des teintures dans L'homme qui en savait trop. Autre fil rouge propre à De Palma l'assassinat en direct à la télévision voulue par Swan sur Phoenix, souvenir du traumatisme de l'assassinat du président Kennedy vue au travers du Zapruder film.
Mais la référence la plus virtuosement mise en scène est celle au célèbre plan séquence ouvrant La soif du mal. Brian de Palma va jusqu'à le doubler en le présentant en split-screen, la même séquence étant vue par deux caméras. La première donne à gauche de l'écran, une reprise ironique du plan séquence de Welles, allant jusqu'à faire dire au chanteur blond qu'il entend un tic tac auquel il est donné la même réponse que dans le film de Welles : "C'est dans ta tête". La seconde caméra, dont on voit le rendu à droite, donne un plan séquence plus mobile allant saisir par exemple Swan à la fin du plan regardant l'explosion de la voiture.
Jean-Luc Lacuve le 12/04/2017
Editeur : Carlotta-Films. avril 2017. DVD ou Blu-ray 20,06 €. En coffret collector 2 DVD+ 1 Blu-ray. 50,16 €. |
|
Présentation de Gerrit Graham, Paradise Regained (52 mn), documentaire rétrospectif sur le tournage et l’impact du film jusqu’à aujourd’hui. Karaoké 6 chansons. Spots radio. Bandes annonces. Nombreux suppléments dans le coffret. |