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Le grand couteau

1955

Genre : Film noir

(The big knife). Avec : Jack Palance (Charlie Castle), Ida Lupino (Marion Castle), Wendell Corey (Smiley Coy), Jean Hagen (Connie Bliss), Rod Steiger (Stanley Hoff), Shelley Winters (Dixie Evans), Everett Sloane (Nat Danziger). 1h51.

dvd

Bel-Air, dans la luxueuse résidence de Charlie Castle, célèbre acteur de cinéma qui est à un tournant de sa carrière. Sa femme, Marion, est sur le point de le quitter, lui reprochant sa vie dissolue et sa faiblesse envers la presse à scandale et son producteur, le perfide et retors Stanley Hoff.

Celui-ci survient précisément pour arracher à sa vedette la signature d'un contrat qui le lie à lui pour sept ans. Un chantage l'y aide : Charlie a en effet sur la conscience le meurtre accidentel d'une fillette, alors qu'il conduisait en état d'ivresse et en galante compagnie. L'affaire a été étouffée mais va rebondir à la suite des bavardages d'une figurante sans malice, Dixie.

Pris entre sa femme qui le pousse à tout quitter et son producteur prêt à toutes les compromissions, Charlie tergiverse. Jusqu'au moment où l'on apprend que Dixie a été trouvée morte - accidentellement, bien sûr...

A bout de nerfs, prenant enfin conscience de sa veulerie et du milieu corrompu qui est le sien, Charlie s'ouvre les veines dans sa salle de bains. Smiley, le bras droit du producteur, dicte aux journalistes une version habilement édulcorée de l'événement. Marion hurle son désespoir pendant que Nat se jure de rendre public le scandale dont il a été témoin.

En 1954-55, Aldrich réalise coup sur coup, westerns (Bronco Apache, Vera Cruz), film criminel (En quatrième vitesse) et ce drame psychologique. D'après la pièce de Clifford Odets, c'est le premier des trois films d'Aldrich sur le cinéma avant Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? sur deux stars oubliées de Hollywood et Le démon des femmes en 1968.

Le film fait intervenir commère, producteur, réalisateur et acteurs. La commère a 18 millions de lecteurs et se comporte en fasciste avec ce mot d'ordre qui justifie pour elle l'interpénétration entre vie publique et vie privée : "cette ville doit rester propre". C'est, pour elle, une erreur de reprendre un condamné même s'il a payé sa dette en allant en prison.

Rod Steiger est la caricature du producteur hollywoodien. Il pourrait évoquer Harry Cone, le patron de la Columbia, le plus méchant et vulgaire des producteurs. Mais l'on n'a pas ici dans une vue documentaire sur Hollywood. C'est une charge violente qui s'éloigne du réalisme pour un pessimisme noir. La pièce s'inscrit dans l'après Popular front des années 30 de l'ère Roosevelt. Eisenhower et le conflit coréen ont assombri les idéaux de Marion et Charles Castle. "Santé, travail, steak et bons scénarios" sont devenus les crédos de celui-ci. Le générique avait déjà prévenu "Charlie Castle, métier : star, son problème : la survie".

Marion cite tous les cinéastes importants d'alors : "Stevens, Mankiewicz, Kazan, Huston, Wyler, Wilder, Stanley Kramer, jamais Stanley Hoffe". Elle constate, amèr: e "Il y aura toujours un homme qui mènera les autres au mépris de l'honnêteté et de la dignité".

La fiction repose sur un cadavre dans le placard : le coupable est protégé pour des raisons liées au système. Charlie est tenu par un incident et Hoff lui dit nettement : "tu signes ou tu vas en taule". Et Nat ne pourra que constater : " Il n'y a pas torture plus raffinée que l'homme qui a brisé ses rêves mais ne peut les oublier."

Jack Palence, d'habitude le méchant, est ici une victime. "Je travaille dans le cinéma, je ne peux m'offrir ta franchise" dit-il à sa femme et il se compare volontiers à un vieux clown, attendant seulement de faire son tour de piste.

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, juin 2009. Film : 1h57. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20 euros.

Supplément :

  • Préface de Marc Cerusuelo, enseignant à l'université de Provence.
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