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Aphrodite est la déesse de la beauté et de l'amour, née de l'écume des flots (aphros = écume) après la mutilation d'Ouranos par Cronos. Aphrodite surgit nue de l'écume de la mer, chevaucha une conque aborda d'abord sur l'île de Cythère, mais s'étant aperçue que c'était une petite île, elle se rendit au Péloponnèse et finalement s'installa à Paphos, dans l'île de Chypre qui allait devenir son centre de culte principal. A Paphos, les Saisons, filles de Thémis, se hâtèrent de la vêtir et de la parer. Elle fait partie du cercle des douze grands dieux Olympiens. Elle fut assimilée à Vénus chez les Romains.

I - La statuaire antique

Les trois principaux motifs grâce auxquels Vénus sera représentée durant tout l'art classique trouvent leur origine dans la statuaire grecque.

Vénus sortant des eaux (Vénus anadyomène) trouve sa première occurrence avec l'Aphrodite de Cnide (Praxitèle, - 350), première représentation connue de la nudité féminine complète dans la grande statuaire grecque. Selon la tradition antique, le sculpteur prend pour modèle sa maîtresse, la célèbre courtisane Phryné, après qu'elle s'est baignée nue dans la mer lors des Éleusinies ; le peintre Apelle peignant de son côté une Vénus anadyomène. Praxitèle réalise en fait deux statues d'Aphrodite, l'une vêtue et l'autre déshabillée. Les citoyens de Cos achètent la première, jugée "pudique et sévère" tandis que ceux de Cnide acquièrent la seconde qui, placée dans un temple qui permet de l'observer de face comme de dos, devient beaucoup plus célèbre que l'autre dès l'Antiquité.

Se dégage ainsi le thème de la Vénus nue, innocente, sortant de l'eau mais s'offrant aux désirs de ceux qui la regardent. Ce désir étant peut-être d'autant plus fort que la déesse protège plus ou moins pudiquement sa nudité. Sans doute est-ce là l'origine du succès de la Vénus pudica dont la première occurrence connue est La Vénus de Médicis (-100) mais dont le modèle sera extrêmement célèbre jusqu'au XVIIIe.

L'autre grand motif est celui de Vénus à son miroir, pose dans laquelle se tenait probablement La Vénus de Capoue (-330), et son probable dérivé La Vénus de Milo -(110), qui contemple sa beauté.

 

II - La Vénus anadyomène

Dans la célèbre La naissance de Vénus (Sandro Botticelli, 1485), Vénus sort de l'eau sur une coquille, conduite sur le rivage par le dieu du vent au milieu d'une pluie de roses. Lorsqu'elle va poser le pied à terre, une nymphe, l'une des Heures probablement, l'accueille avec un vêtement pourpre. Il est fort probable que commanditaire de la toile de Botticelli, membre ou ami de la riche et puissante famille des Médicis, ait expliqué au peintre la façon qu'avaient les anciens de représenter Vénus sortant des flots. Botticelli connaissait sans nul doute la collection de gemmes antiques des Médicis, ornées de néréides et de divinité marines et la Venus de Médicis. De la statuaire grecque classique, l'artiste de la Renaissance a repris l'appui sur une seule jambe, le séduisant déhanchement de la déesse et son geste de pudeur. Elle correspond au "canon" que des artistes comme Polyclète et Praxitèle avaient élaboré dans leur recherche d'harmonie et d'un idéal esthétique. Ce canon veut, par exemple, que l'écart entre les deux mamelons soit égal à celui qui sépare les mamelons du nombril et le nombril de l'entre-jambes.

La naissance de Vénus
Sandro Botticelli, 1485
Vénus anadyomène
Le Titien, 1520
Vénus anadyomène
Ingres, 1848

Une pluie de rose accompagne la déesse de l'amour. C'est ainsi que le poète grec Anachréon (environ 580 à 495 av. J. C.) conte qu'un buisson de roses aurait jailli de terre lorsqu'elle posa pour la première fois le pied sur le rivage. Des roses rouge pâle enlacent la taille de la jeune fille qui attend Vénus sur la grève. Il pourrait s'agir d'une des trois Grâces qui, dans l'Antiquité, faisaient partie de la suite de la déesse, ou encore d'une des trois Heures, personnification des saisons. Les anémones à ses pieds et sa robe parsemée de bleuets annoncent l'Heure du printemps- la saison durant laquelle Vénus faisait revenir la beauté et l'amour après les rigueurs de l'hiver.

Au moyen-âge, on attribua les symboles traditionnels de la Vénus antique, les roses par exemple, au personnage qui, désormais, dominait tout et en était le pôle opposé, la Vierge Marie. Il en va de même avec le coquillage. En relation avec la déesse païenne, il signifie, à l'instar de l'eau, la fécondité et -en raison de sa ressemblance avec le sexe féminin- le plaisir des sens et la sexualité. Mais lorsqu'il forme une voûte au-dessus de la madone du retable de saint Barnabé, il symbolise la virginité. On croyait, au Moyen-Age, que les coquillages étaient fécondés par la rosée. Botticelli n'éprouvait visiblement aucun scrupule à employer le même motif pour deux thèmes opposés.

Dans sa Théogonie, écrite au VIIe siècle avant Jésus-Christ, Hésiode raconte que lors du combat des dieux, Chronos renversa et émascula son père, Ouranos, le ciel. Lorsque la semence de ce dernier se répandit dans les flots, la déesse de l'amour naquit de l'écume de la mer, fécondée par le ciel. Cette naissance avait le caractère d'un mystère, ce que figure aussi Botticelli avec le manteau de pourpre présenté à la déesse sur le rivage. Il n'a pas seulement une fonction esthétique, mais aussi une signification rituelle. Figurant déjà que les vases grec de l'Antiquité, il marque la frontière entre deux domaines : le nouveau-né comme le mort était toujours enveloppé dans un linge.

La naissance de Vénus est ainsi le symbole de la transmission de la beauté de l'ordre divin au monde des mortels. La Vénus de Botticelli est si belle que nous ne remarquons pas la longueur artificielle de son cou, la chute excessive de ses épaules et l'étrange façon dont son bras gauche est relié au corps. Ou plutôt, nous devrions dire que les libertés que Botticelli a prises avec la nature pour réaliser son oeuvre ajoutent à la beauté en communiquant l'idée que la féminité et la délicatesse ont été apporté sur nos rivages par un cadeau du ciel.

La naissance de Vénus
Bouguereau, 1879
Vénus et Amours
Salvador Dali, 1925

III - La Vénus pudica

La Vénus de Médicis est une sculpture en marbre grandeur nature du premier siècle avant JC, probablement faite à Athènes à partir d'un bronze original grec du type de L'Aphrodite de Cnide qui aurait été fait par un élève de Praxitèle. Elle s'en distingue par le fait que la déesse cache son sexe de la main gauche et les seins de la main droite, d'où son surnom de Vénus pudica. La déesse est représentée dans son mouvement comme surprise au moment où elle sort de l'eau (ainsi que l'évoque le dauphin à ses pieds, peut-être absent du bronze original).

La Vénus pudica est popularisée dans l'art gothique italien par Giovanni Pisanelo et à la Renaissance par Masaccio dans son Adam et Eve chassés du paradis. L'Eve de Masaccio lui ressemble cependant que par la posture mais semble supporter toute la souffrance du monde.

 

IV - Vénus au miroir

Vénus au miroir
Le Titien, 1555
Vénus au miroir
Véronèse, 1585
Vénus au miroir
P. P. Rubens, 1615
Vénus à son miroir
Vélasquez, 1651

La Vénus au miroir du Titien prend une pose qui est également inspirée de la Vénus Médicis, ou vénus pudica de l'antiquité.

Le thème mythologique devient de moins en moins fréquent mais le motif perdure associé au thème de la femme au miroir.

 

V- Vénus dans un intérieur ou un paysage

Vénus endormie
Giogione, 1510
La Vénus d'Urbino
Titien, 1538
Vénus dans un paysage
Lucas Cranach, 1529

En 1510, Giorgione "invente" le motif de vénus dans un paysage qui servira de modèle jusqu'à Manet et son Olympia.

La Vénus à son miroir dans une pose sensuelle et érotique semble pourtant chaste. Cupidon, désarmé, sans arc ni flèche, tient un miroir, les mains attachées par des liens roses fragiles. Condamné à ne faire rien, il est complètement immergé dans la contemplation de la belle déesse. Le thème omniprésent en est la réflexion, dans toutes les acceptations du terme. L'image du miroir - au mépris de toutes les lois d'optique - ne révèle pas l'autre côté de Vénus, mais permet seulement la réflexion imprécise de son visage. Cela peut révéler la signification sous-jacente de l'image : il ne s'agit pas d'une femme spécifique nue, ni même d'une représentation de Vénus, mais d'une allégorie de la beauté égocentrique. Vénus n'apparait pas ici comme la déesse mythique mais comme l'image de beauté elle-même.

A moins que Vénus ne réfléchisse à sa beauté que reflète le miroir ; puisque son visage nous apparaît dans la glace, elle doit y voir le reflet du notre. On peut s'imaginer qu'elle songe à l'effet que produit sur nous sa beauté. Cette femme, à la taille fine et à la hanche saillante ne ressemble nullement aux nus italiens plus enveloppés et plus ronds qui s'inspirent des sculptures antiques. Elle a en outre une coiffure tout à fait moderne. Seule la présence du potelé Cupidon, qui manifeste une déférence emprunte d'innocence, fait de cette femme une déesse. Le peintre a modelé le corps féminin à l'aide de fins dégradés soigneusement effectués à partir d'un noir et d'un rouge sourd, de blanc, de rose et de gris. Le satin gris noir qui se reflète sur sa peau lumineuse présente lui-même les reflets nacrés de sa peau. Le peintre a tracé d'un seul coup de pinceau, chargé de noir, la ligne qui cerne le contour inférieur du corps, courant du milieu du dos jusque sous le mollet. Ces touches libres et spontanées sont, au même titre que le rendu très précis de l'aspect des choses, le fruit d'un long mûrissement et d'une pratique assidue.

Tributaire du puritanisme religieux, l'art espagnol compte peu de nus féminins. Les artistes qui du temps de l'Inquisition osaient des peintures licencieuses ou immorales étaient excommuniés, condamnés à de lourdes amendes et bannis. Elle fut commandée par le jeune fils du Premier ministre de Philippe IV, jeune homme connu pour être à la fois mécène et coureur de jupons. Il allait par la suite devenir marquis de Carpio puis vice-roi de Naples, et c'est très certainement sa présence à la cour qui lui permit de commander un tableau de ce genre sans être inquiété par l'Inquisition.

 

VI - Autres symboliques associées à Vénus

Dans les symboliques négatives on retiendra L'Allégorie avec Vénus et Cupidon dont le sujet est l'amour charnel auquel préside le plaisir et que la tromperie encourage. Dans le coin supérieur gauche, Oubli tente de tendre un voile sur l'ensemble de la scène, mais il en est empêché par le Temps, l'énergique vieillard à droite, ce qui est peut-être une allusion aux effets à retardement de la syphilis

Déchiffrer le symbolisme de l'œuvre aurait aussi servi de prétexte à une longue contemplation des corps de Vénus et de Cupidon et des détails lubriques de leur étreinte. La déesse de l'Amour et de la beauté, identifiable à la pomme que Pâris lui avait donnée et à ses colombes, a retiré sa flèche à Cupidon. A ses pieds, des masques, symbolisant peut-être la sensualité de la nymphe et du satyre, semblent lever les yeux vers les amants. L'enfant riant qui, un anneau et des clochettes à la cheville, jette sur eux des pétales de roses, sans se soucier de l'épine qui lui transperce le pied droit, incarne le Plaisir. Derrière lui, la figure au visage franc mais au corps monstrueux qui présente d'une main un rayon de miel et cache de l'autre le dard de sa queue, incarne, quant à elle, la tromperie. De l'autre côté des amants se tient une figure sombre, autrefois considérée comme une personnification de la Jalousie mais récemment identifiée comme celle de la Syphilis, maladie du Nouveau Monde qui avait probablement fait son entrée en Europe et pris des proportions endémiques au XVIème siècle.

Plus fréquentes sont les associations positives ainsi la Venus inspiratrice, associée à la vue dans Vénus avec organiste et Cupidon Titien, 1548 ou Vénus avec joueur de luth et Cupidon Titien, 1570

La figure nue domine la toile. Allongée sur le divan, reposant négligemment sur son coude, elle personnifie la beauté avec son corps plein et la vivacité vibrante de sa peau. L'organiste lui tourne le dos mais il tourne ostensiblement la tête et joue grâce à l'inspiration provoquée par la vue d'une telle beauté. C'est une présentation claire du thème de l'inspiration dans lequel Vénus accomplit le rôle de la Muse. Son comportement est cérémonial et passif. Elle n'accorde aucune attention au musicien tandis qu'il doit faire un grand effort pour la voir toujours.

Vénus a pour attributs le myrte, la rose ; divers fruits, comme la pomme ou la grenade ; les animaux de nature ardente ou prolifique, comme le bélier, le bouc, le lièvre, le cygne, la tourterelle ou la colombe.

VII - Vénus et ses amours

Dans l'Olympe, Aphrodite/Vénus est mariée à Héphaïstos/Vulcain qu'elle trompe fréquemment. Elle aime de nombreux dieux en particulier Arès/Mars et de simples mortels. On lui prête de nombreux enfants (Deismos, Phoebus, Eros, Antéros et Harmonie avec Ares ; Priape avec Dyonysos ; Hermaphrodite avec Hermès ; Béroé avec Adonis ; Enée et Lyrus avec Anchise).

Vénus et Mars
Sandro Botticelli, 1490

Arès ne vivait en bonne intelligence qu'avec Aphrodite qu'il venait voir la nuit de peur que Phoebus qui voit tout, rapporta les faits à Héphaïstos époux légitime d'Aphrodite. Arès postait devant la porte un jeune éphèbe du nom d'Alectryon qui devait l'avertir afin qu'il puisse quitter la chambre avant le lever du soleil. Malheureusement un matin ce dernier oublia la consigne et les deux amants, furent surpris par Héphaïstos, qui les enferma dans un filet magique qu'il est seul capable de manoeuvrer et les exposa ainsi à la risée des Immortels, exception faite des déesses qui ne voulurent pas désobliger Aphrodite. Il fallut que Poséidon promît de payer la dette à la demande de Zeus pour qu'Héphaïstos finisse enfin par les relâcher. Arès s'en alla en Thrace non sans avoir transformé le pauvre Alectryon en coq et en le condamnant pour l'éternité à avertir de l'arrivée du soleil. Honteuse, Aphrodite quitta quelques temps l'Olympe pour aller à Paphos puis elle réfugia dans le Caucase. Tous les dieux la cherchèrent en vain et c'est une vieille femme qui leur indiqua les bois profonds du Caucase. Aphrodite la changea en rocher pour la punir de son bavardage.

Mais si elle savait inspirer l'amour elle en fut aussi la victime puisqu'elle ressentit une forte passion pour Adonis et pleura longuement sa mort. Plus tard elle enleva Phaéton à Eôs et ne sut résister à Cinyras le roi de Chypre qu'elle combla de présents.

Vénus et Adonis
Le Titien, 1554
Vénus et Adonis
Véronèse, 1582
Vénus et Adonis
Annibal Carrache, 1590

Titien réalise plus de trente versions de Vénus et Adonis dont la plus célèbre est celle envoyée à Philippe II en 1554. Carrache, Rubens, Veronèse s'y confronteront.

Vénus et Adonis
Pierre Paul Rubens, 1635
Vénus pleurant la mort d'Adonis
Nicolas Poussin, 1625

Venus reçut de Pâris la fameuse pomme d'or en lui offrant l'amour d'Hélène. Le premier récit du Jugement de Pâris se trouve dans les Chants cypriens, une épopée perdue du Cycle troyen dont les événements prennent place avant ceux de l’Iliade. Aux noces de Pélée et Thétis sur l'Olympe, tous les dieux sont invités excepté Éris, déesse de la Discorde. Pour se venger, elle leur jette une pomme d'or avec la mention : "Pour la plus belle" — c'est la "pomme de discorde". Trois déesses revendiquent alors le fruit, Héra, Athéna et Aphrodite. Afin de mettre un terme à la dispute, Zeus ordonne à Hermès d'emmener les déesses sur le mont Ida, à charge pour Pâris de désigner la gagnante. Le jeune homme accorde finalement le prix à Aphrodite, qui lui a promis l'amour d'Hélène. Ce premier récit, dont seul un résumé nous est parvenu grâce à la Chrestomathie de Proclos, ne précise pas si Athéna et Héra offrent elles aussi quelque chose au jeune homme. Des ouvrages plus tardifs, dont la Bibliothèque d'Apollodore, font toutefois état de telles promesses (Athéna offre la victoire à la guerre et Héra, la souveraineté sur tous les hommes).

Le jugement de Pâris
Pierre Paul Rubens, 1635
Vénus demande à Vulcain
François Boucher

 

VIII - Les cycles de Vénus

L'importance de Vénus dans la mythologie depuis sa naissance jusqu'à son intervention pour protéger Enée lors de la création de Rome est telle qu'il est difficile de lui consacrer un programme iconographique pour la décoration d'une salle ou d'une galerie. Seul, au XVII, l'Albane s'y est attaché dans une série de quatre tableaux dominés par le thème du combat entre l'amour et la chasteté.

La toilette de Vénus
L'Albane, 1633
Les Amours désarmés
L'Albane, 1633