Toute image est déjà une abstraction de la réalité. Elle simplifie,
elle met en évidence les éléments importants.
I Abstraction
définitions du "Petit Robert" :1361 "séparation, isolement"
du bas latin abstractio
- 1) (vieux) Action de séparer d'isoler. "Faire abstraction de": écarter
par la pensée, ne pas tenir compte.
- 2) (terme de Philosophie) Fait de considérer à part un
élément (qualité ou relation) d'une représentation ou d'une notion, en portant
spécialement l'attention sur lui et en négligeant les autres. Résultat de
cette opération, qualité ou relation isolée par l'esprit. "La couleur, la
forme sont des abstractions."
- 3) (courant) Idée abstraite opposée à représentation concrète,
à réalité vécue.
II Vers l'abstraction
1)Mouvement général des idées
Quand l'esthétique est née, vers 1750, comme une branche de
la philosophie, la pensée avait acquis la certitude qu'elle ne rendait pas
compte de la création artistique en décrivant l'œuvre d'art. En dehors des
éléments susceptibles d'être décrits, celle-ci comportait une part qui demeurait
irréductible à ses traits extérieurs. Contenu et forme ont ainsi été distingués.
Puis l'examen de leurs particularités les a opposés et c'est
alors qu'est apparue l'autonomie de la forme. A peine l'esthétique avait-elle
été en mesure de formuler (et le mérite en revient au XIXème siècle), que
la forme, reconnue indépendante, se libérait du contenu, devenait elle-même
son propre contenu, sa liberté devant la conduire jusqu'à l'abstraction. C'est
ce qui s'est produit au début du siècle.
2) "Abstraktion und Einfühlung" (Abstraction et sympathie
symbolique) de Worringer en 1908.
Marqué par Shopenhauer, Worringer part du principe que l'art
doit dorénavant être conçu comme une histoire de la volonté de faire et non
plus comme une histoire du pouvoir faire.
L'intraduisible mot Einfühlung exprime un état où le sentiment
lie l'être humain au monde qui l'entoure; l'Einfühlung, trait d'union entre
le dedans et le dehors, oriente le moi vers une forme extérieure qui le reflète.
C'est en cette faculté d'être un avec le réel que réside le pouvoir créateur
de l'homme. L'idée d'Einfühlung accentue donc très fortement la signification
intérieure de la forme et rend du même coup secondaire la lecture de ce qu'elle
représente. Le réalisme indique que l'être humain domine le monde extérieur;
l'Einfülhung peut avoir lieu car l'entendement a pris le dessus sur l'instinct.
Or l'instinct, pour Worringer, c'est la peur, l'angoisse devant la réalité
du monde. L'instinct est insécurité il ne peut s'élever à l'Einfülhung. Et
l'Einfühlung décide du degré de réalisme dans un art.
Worringer se propose de dépasser "notre étroit point de vue
d'européen" pour qui "toutes nos définitions de l'art sont des définitions
de l'art classique". Pour lui "La poussée de l'Einfühlung a pour condition
un rapport de confiance total et heureux entre l'homme et les phénomènes extérieurs,
alors que la poussée de l'abstraction est, au contraire, la conséquence d'une
grande inquiétude intérieure chez l'homme, provoquée par les phénomènes du
monde extérieur."
3) éléments socio-économiques
Possibilité de s'écarter du rendu du réel souhaité par l'acheteur.
Emergence d'un marché constitué d'amateurs d'art, de connaisseurs grâce aux
salons. Importance de la publicité: sélectionner des informations simples
affiches de théâtre, de spectacles Toulouse-Lautrec. Les artistes réfléchissent
à la spécificité de leur art vis à vis de la photographie.
4) éléments dans la peinture
C'est sur la couleur que vont s'opposer les peintres. La loi
optique des contrastes simultanés régit la vision des impressionnistes. La
couleur est une donnée abstraite séparée du ton local (donc de la réalité)
pour être livrée à la spéculation. Quand Gauguin se demande quel est l'équivalent
coloré de la lumière, il répond "la couleur pure". C'est cette toute puissance
de la couleur qui guide Kandinsky, comme il l'avoue lui-même, quand il se
lance dans l'abstraction. Pendant que la couleur (et avec elle la touche)
se libère de la représentation et apparaît comme une valeur en elle-même,
la construction, la conception du volume et de la ligne changent également
grâce à Seurat, à Cézanne. Dans leurs tableaux la forme se consolide, se dresse
contre l'éphémère. Elle n'est plus l'image de l'instant multipliable à l'infini.
Elle est l'invariable que le peintre fixe sous le variable. La peinture remonte
de l'accidentel à l'absolu, du concret à l'abstrait, de l'objet à la géométrie
de l'objet. Ainsi la forme conduit-elle, et tout droit, à l'art abstrait.
III Différentes formes de la peinture abstraite
1- Abstraction géométrique (1910 - 1945)
- Abstraction chaude : Le senti :Kandinsky, Klee, Malevitch
- Abstraction froide : grille de lecture : Mondrian
2- Le surréalisme (1925-1945)
- La pluspart des surréalistes préférèrent la
déformation de la figure à l'abstraction (Picasson Dali).
Mais les signes de Miro ou l'écriture automatique Masson sont abstrait
3-L'Abstraction Lyrique : s'oppose et prolonge l'abstraction géométrique
de l'entre-deux guerres. C'est un mouvement essentiellement américain. Il
trouve ses origines dans l'emigration pendant la guerre des Surréalistes (Masson,
Ernst,Dali, Matta) et dans les enseignements de l'expressionniste allemand
Hans Hofman et de Joseph Albers avec less théories du Bauhaus. L'Abstraction
Lyrique comporte plusieurs branches :
- L'Expressionnisme Abstrait ou " Action Painting" ou Peinture gestuelles.
C'est la branche la plus féconde (pour les critiques actuels et le marché
de l'art). Elle est presque exclusivement américaine. Les principaux peintres
sont Pollock (et sa technique du dripping) ,De Kooning, et Sam Francis.
Ils travaillent surtout à New-York. Leur professeur est hans Hofmann.En
France Mathieu a connu une certaine gloire.
- " Le Tachisme" Dès 1933 Hans Hartung s'était fait le précurseur de la
peinture gestuelle. Il donne à la ligne un aspect de sismographe psychique.
Poiur la première fois le tracé d'une ligne n'est plus entrainé aux équivalences
plastiques du réel ou du conceptuel.
- COBRA En Europe,la réunion de Asger Jorn,karel Appel,Alechinsky et Corneille
notamment aboutit à la formation du groupe Cobra qui est une autre branche
de l'abstraction lyrique.
- Color field peinting Au début des années cinquantes des peintres américains
donnent un nouveau soufle à l'abstraction. Mark Rotko, Clifford Still et
Morris Louis sont les chefs de fil du "Color field peinting". Comme Tobey
(influencé aussi par l'art oriental) ces peintres travaillent d'abord sur
la côte ouest des Etats-Unis
- Hard edge Peinting: Franck Stella,Kenneth Nolan,Ellsworth Kelly (arête
dure) Leur professeur est Joseph Albers qui reprend la tradition des Color
Field Peinters avec l'idéée d'une peinture absolument directe mais aussi
libre de toute atmosphère et de connotation mystique. Ce mouvement se perpétue
dans l'Op Art.
- Op Art : Vasarely, Kenneth Nolan
4 - Entre signes et figure
- L'Art Informel : Fautrier avec la série des otages en 1944 et Jean Dubuffet
avec ses hautes pates et la revendication de l'Art Brut ainsi qu' Antonio
Tapiès (23) et Wols representent l'alternative la plus intéressante pour
échapper à la pénétration des peintres américains.
- La Nouvelle Ecole de Paris : Jean Bazaine (1904), Albert
Gleizes, Bissière, Estève, Vieira da Silva (1908), Nicolas de Staël. Ce
sont les tenants de la tradition française de la peinture moderne. Héritiés
du cubisme de Picasso, ils sont néanmoins abstraits mais restent fidèles
au principe de composition où le bon goût prédomine . Vieira da Silva et
Nicolas de Stäel sont les premiers à réintroduire une certaine figuration
dans l'abstraction. En 1954 Francis Bacon reçoit le grand prix de la biennale
de Venise.
- Peinture gestuelle : Degottex, Debré, Hartung, Fontana, Barré
- Peinture aléatoire: Cy Twombly, Henri Michaux, Hantaï.
5 - L' Art Minimal et l'Art Conceptuel
- L'art Minimal : Bruce Nauman, Franck Stella, Robert Morris Sol Lewitt,
Donald Judd, Tony Smith, Richard Serra, Carl André
Le mot d'ordre le plus célèbre est celui de l'architecte Wright:"Less is
more". Mais là n'est peut-être pas le plus important: Les années 50 avaient
marquées la prédominance du geste sur l'intention, l'art minimal veut renverser
cette hierarchie:"l'éxécution est une affaire sans importance l'idée devient
la machine qui fabrique tout.". Dans le jeu à trois entre créateur, oeuvre
et, spectateur, ce sont les deux derniers qui sont privilégiers.Il faut
laisser fonctionner le matériaux "l'emploi de la couleur est contestable
parce qu'elle met l'accent sur les qualités optiques et pervertit les qualités
physiques". Et "L'objet n'est plus qu'un des termes de la relation qui met
en présence l'objet lui même,l'espace dans lequel il se trouve, la lumière
qui l'éclaire, et la situation du spectateur qui y est confronté." (Robert
Morris)
- Art Conceptuel : Joseph Kosuth, Sol Lewitt, Robert Ryman, On Kawara
L'art conceptuel perpétue l'entreprise de disparition de l'objet art opérée
par les minimalistes. La structure physique du matériau n'est même plus
importante, et le rapport au spectateur devient purement intellectuel."l'artiste
engagé dans l'art conceptuel a pour objectif de rendre son oeuvre mentalement
interessante pour le spectateur et c'est pourquoi il tient à ce qu'elle
soit émotionnellement sèche."(Sol Lewitt).Toute pratique artistique est
abandonnée au profit d'une réflexion sur l'art
- BMPT : Daniel Buren, Olivier Mosset(44), Michel Parmentier(38), Niels
Torini Ce groupe créé en 1967 se désagrège en 1971. Ses quatre membres se
tiennent à un vocabulaire de base extremement réduit : des bandes verticales
de 87mm de large pour Buren, un cercle pour Mosset, des bandes horizontales
pour Parmentier un une marque de pinceau pour Torini. Ils se sont déclarés
conceptuels : ils proposent une peinture qui produit sa propre limite et
l'expose. Ils cherchent à echapper à toute lecture interprétative.