Abbas Kiarostami, si loin, si proche

Eclipses n°62

132 pages format 66 x 23 cm. Juin 2018. En librairie ou sur Le site d'Eclipses. 15 euros.
Volume coordonné par Yann Calvet, Hélène Valmary

Dans leur introduction, Le réel en écho,Yann Calvet et Hélène Valmary rappellent que, né à Téhéran en 1940, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami a fondé en 1969 le département cinéma de l’institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (le kanoun), pour lequel il tourne son premier court-métrage, Le Pain et la rue en 1970. Jusqu’en 1992, il signera près d’une vingtaine de films (de tous formats) pour cette institution qui sera à l’origine de la nouvelle vague iranienne. Après son premier long métrage, Le Passager (1974), il sera surtout remarqué pour sa trilogie : Où est la maison de mon ami ? (1987), Et la vie continue (1991) et Au travers des oliviers (1994), qui lui apporte une reconnaissance internationale confirmée par ses deux films suivants (Le Goût de la cerise, 1997 ; Le Vent nous emportera, 1999)

L’œuvre de ce réalisateur curieux et inventif connait ensuite un autre tournant décisif lorsqu’il découvre les petites caméras DV, qui autorisent une proximité de plus en plus grande avec le réel (ABC Africa, 2001) et notamment les personnages féminins (Ten, 2002).

Mais Kiarostami a aussi su mettre en scène une star intarnationale, Juliette Binoche dans Copie conforme (2010) tout comme il a su tourner à l'étranger dans sa fin de carrière; en Italie, Copie conforme et au Japon, Like someone in love (2012) et en Chine pour un projet que la maldie l'empêcha de mener à bout.

Abbas Kiarostami est décédé le 4 juillet 2016 à Paris. Ce volume d’Éclipses constitue un hommage modeste mais sincère à son œuvre immense.

I. Apprentissage et initiation

II. Voiler, dévoiler

III. Le Réel Et La Fiction

IV. Vertige du regard

La thèse principale de ce numéro est que, cinéaste universel, Abbas Kiarostami est aussi fondamentalement iranien par son approche de l’art dans laquelle la connaissance consiste en un dévoilement du sens symbolique, au-delà des formes matérielles.

Ce numéro le montre au travers de l'analyse des premiers moyens métrages, de six films importants et d'analyses transversales. Il y a notamment  la belle analyse de la première séquence de Like someone in love de Caroline Renard.

Dans La double imposture, son analyse de Copie conforme, Myriam Villain déclare (p.117) :"Dans cette double indécidabilité que Kiarostami maintient délibérément (où est le vrai James est-il ou non le mari de Juliette), il pose un geste fort. Peu importe de décider qu'une réalité est plus vraie qu'une autre".

Elle semble entendre par là que Kiarostami nous laisserait décider sans nous fournir de détails décisifs. Il me semble toutefois, comme elle, qu'il est plus émouvant de penser qu'il s'agit d'une fiction, de la copie d'un couple plus vrai qu'un orignal et surtout, plus ouvert au renouveau.

C'est d'ailleurs aussi ce que préfère Myriam Villain quand elle déclare :"La fiction est aussi une réalité à part entière. Elle est. Elle existe (comme fiction). Qui peut décider que c'est une réalité moins forte que la réalité elle-même ? Peut être même est-elle plus forte après tout. L'évocation du bégaiement du mari de la sœur de la galeriste est pour cela très important. Souffrant de bégaiement lorsqu'il appelle sa femme, il redouble la première lettre de son prénom: MMMMMarie. (...) La sœur voudrait retourner à l'état-civil pour corriger son prénom et inscrire à la place MMMMMarie. L'original pour Marie serait faux par rapport à la copie (celle produite par son mari quand il la nomme)".