Effet par l'image modifiée : est le nom donné par Gilles Deleuze à un procédé qu'il a repèré dans deux westerns de John Ford : une image est montrée deux fois, mais la seconde fois, modifiée ou complétée de manière à faire sentir la différence entre la situation de départ et celle d'arrivée. Dans Liberty Valance, la fin montre la vrai mort du bandit et le cow-boy qui tire, tandis qu'on avait vu précédemment l'image coupée à laquelle s'en tiendra la version officielle (c'est le futur sénateur qui a tué le bandit). Dans Les deux cavaliers, on nous montre la même silhouette de shérif dans la même attitude mais ce n'est plus le même shérif. Il est vrai que entre les deux S et S', il y a beaucoup d'ambiguïté et d'hypocrisie. Le héros de Liberty Valance tient à se laver du crime pour devenir un sénateur respectable, tandis que les journalistes tiennent à lui laisser sa légende, sans laquelle il ne serait rien. Et, comme l'a montré Roy (Pour John Ford, édition du cerf), Les deux cavaliers ont pour sujet la spirale de l'argent qui, dès le début, mine la communauté et en fera qu'agrandir son empire."
Ce motif de l'image modifiée était déjà présent, magnifiquement, dans La prisonnière du désert. D'une part avec l'image de Debbie, qu'Ethan élève au dessus de lui au début du film pour marquer la reconnaissance de sa filiation et à la fin lorsqu'il résout enfin la question du racisme et renonce à la tuer bien que "souillée" par sa vie avec un indien. L'autre image modifiée est celle de l'embrasure de la porte, signe d'espoir d'intégration au début, signe du retour à la vie solitaire à la fin.
Au début de Citizen Kane la caméra monte au dessus d'une grille sur laquelle figure "No trespassing" et transgresse l'espace personnel de Kane au moment de sa mort, moment intime par excellence. A partir du dernier mot prononcé, "Rosebud" va s'enclencher une enquête, une chasse comme celle de Ethan dans La prisonnière du désert. Seul le spectateur apprendra ce que signifie ce mot car l'enquête menée dans le film échoue. Dans les milliards de caisses laissées à la mort de Kane, des ouvriers viennent faire du vide et jettent des caisses au feu : sous une luge, sur laquelle jouait Kane enfant on distingue le mot "Rosebud". La luge est brûlée et l'on suit le parcours des flammes et la fumée qui s'échappe. Se clôt ainsi la vie d'un homme et l'on repasse à l'extérieur du domaine. On ne peut deviner la vie d'un homme en essayant de mieux connaître son intimité. Seul l'art permet de l'approcher.
Dans La nuit du chasseur , on a bien la même scène au début et à la fin. Le père, le vrai puis celui qui a incarné le mal en pourchassant les enfants, est arrêté par les flics. Cette arrestation est filmée les deux fois dans les mêmes conditions : sur une pelouse où le père est jeté à terre par les flics. A chaque fois, l'enfant se donne un coup de poing sur le ventre. Ainsi selon Bill Khron : à la place du serment monstrueux, accepté par le fils au début du film de ne pas révéler où se trouve l'agent, l'enfant, à la fin, éventre la poupée en criant : "No, no, it's too much". Comme libéré du secret, il peut accéder à l'âge adulte.