Selon les estimations du CNC, avec 96 millions d’entrées, la fréquentation enregistre une hausse de 47 % par rapport à 2020, mais une baisse de 55 % par rapport au niveau de 2019. Toutefois, si l’on considère la seule période d’ouverture, du 1er juin au 31 décembre 2021, la fréquentation cinématographique atteint 92,6 millions d’entrées : le recul se limite alors à 23,2 % par rapport à la même période de 2019, qui était la deuxième meilleure année en terme de fréquentation depuis 1966. La dynamique de reprise s’est accentuée en fin d’année puisqu’avec 20,43 millions d’entrées, le mois de décembre enregistre une fréquentation proche de la normale (22,68 millions en 2019, 21,5 millions en 2018).
A titre de comparaison, selon ComScore et sur des chiffres arrêtés au 21 décembre, la France est le pays qui affiche la baisse de fréquentation cinématographique la moins importante parmi les 5 grands pays européens, juste devant la Grande-Bretagne et l’Espagne. Elle est également moins importante que celle observée aux Etats-Unis.
1 / Les cinq premiers films du Box office
En 2019, 213,3 millions d’entrées avaient été enregistrées dans les cinémas de l’Hexagone. Une année exceptionnelle, selon le CNC, puisqu'il s'agissaitt du deuxième meilleur score des 50 dernières années, derrière 2011 et ses 216 millions d'entrées (dont 19 pour Intouchables). Il fallait remonter aux années 1960 pour voir de tels chiffres.
En 1957 plus de 411 millions d'entrées avaient été totalisées. Un score encore plus impressionnant quand on sait que la France comptait moins de 50 millions d'habitants. Les comparaisons avec cette période révolue, sans offre télévisuelle importante, ne chagrinent cependant pas l'industrie cinématographique. Depuis six ans, la fréquentation des cinémas français se maintient au-dessus de la barre des 200 millions, malgré la concurrence de la vidéo en ligne, de YouTube et des services comme Netflix.
2 / Le grand écartentre public jeune et public âgé
Néanmoins, depuis la remontée des années 90 et 2000, due au renouveau des petites salles et à la part croissante des multiplexes et leurs cartes d'abonnement annuel, le nombre d'entrées reste stable depuis dix ans. Mais un autre phénomène se cache derrière la stabilité des chiffres globaux de fréquentation : il y a bien autant de sièges occupés dans les salles en 2019 qu’en 2010 mais pas par les mêmes personnes. 20 millions d’entrées « jeunes » ont été remplacées par 20 millions d’entrées « senior ».
Le secteur s'inquiète de ce désintérêt grandissant des jeunes pour les salles obscures. Au début des années 90, les moins de 25 ans représentaient la moitié des entrées contre à peine 30 % aujourd'hui. A l'inverse, les plus de 50 ans qui n'en representaient que 15 % en représente 45 % aujourd'hui. Le problème est que cette tendance, inquiétante à long terme, est profonde. Si on prolonge la courbe, dans les années 2020, plus de la moitié des entrées seront réalisées par des spectateurs de plus de 50 ans.
Alors qu'est-ce qui explique ces chiffres ? Si le vieillissement de la population française est une des explications, il ne peut pas justifier un tel changement en à peine 25 ans. Le piratage de films et l'émergence des plateformes de streaming - qui proposent un large catalogue de films énorme à moindre coût - ont également dû jouer un rôle important dans le rapport des jeunes aux salles obscures.
Le prix des places à l'origine du désintérêt des jeunes? Il est souvent reproché aux multiplexes des grandes villes de pratiquer des tarifs trop élevés. Au Pathé de Beaugrenelle à Paris, un cinéma souvent pointé du doigt, le prix d'une place plein tarif est fixé à 15,20€. Cependant, selon les chiffres du CNC, seulement 11 % des places vendues coûtent plus de 10€. Tout d'abord parce que la plupart des salles ne pratiquent pas ce genre de tarifs. Et ensuite parce que entre les tarifs réduits (étudiants, enfant, senior...) et les cartes d'abonnements (entre 17€ et 20€ par personne et par mois pour aller au cinéma de manière illimitée), diminuent considérablement le coût moyen du billet.
Il n'empêche que le prix du ticket a nettement augmenté entre 2000 et 2018, comme le montre l'infographie ci-dessous. Sur les 20 dernières années, le nombre de places vendues à moins de 5€ a été divisé par deux, tandis que celles coûtant plus de 7€ ont été multipliées par deux.
Face à un paysage audiovisuel sans cesse en mutation, les salles de cinéma parient de plus en plus sur l’innovation (projections laser, écrans enveloppants avec images sur les côtés, écrans géants, son immersif, fauteuils qui bougent…) pour attirer le public. En septembre, une étude du CNC soulignait que les salles de cinéma « premium » technologiques (4DX, Imax/laser, Screen X) sont de plus en plus nombreuses en France, avec 66 établissements équipés en 2018 contre 5 en 2016. Selon ce rapport, elles séduisent plutôt un public masculin, jeune et urbain. Ainsi, majoritairement grâce à la TSA dont bénéficient les producteurs de films français mais aussi les salles, plus de 260 millions d’euros ont été investis dans plus de 40 établissements, rassemblant 188 nouveaux écrans en 2019. Rien d'étonnant alors que la part de marché du cinéma américain bondisse de 44 % en 2018 à 55 % en 2019.
Cette modernisation est en phase avec l'offre de films constituée de plus en plus de suites. En se concentrant ici sur les 20 plus gros succès de chaque année : les suites ne représentaient même pas 20% des gros succès dans les années 90, mais près de deux tiers aujourd’hui.
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Jean-Luc Lacuve, le 8 janvier 2022