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Nuits blanches

1957

Voir : photogrammes du film

(Le notti bianche). D'après Les nuits blanches de Dostoïevski. Avec : Marcello Mastroianni (Mario), Maria Schell (Natalia), Jean Marais (Le locataire). 1h40.

dvd chez Carlotta Films

Une nuit, près d'un canal, Mario, un jeune employé de bureau, rencontre Natalia, une jeune fille dont le comportement étrange et changeant le rend curieux puis l'attire.

Il la revoit le soir suivant et apprend qu'elle vit seule avec sa vieille grand-mère presque aveugle, qu'elles subsistent en fabriquant des tapis et en louant des chambres de leur maison et qu'il y a un an elle est tombée amoureuse d'un locataire. Celui-ci lui a promis, avant de partir, de la retrouver un an plus tard auprès de ce même canal où ils s'étaient dit adieu. L'année vient de s'écouler, et elle l'attend anxieusement. Mario tente en vain de rappeler la jeune fille à la réalité. Puis, pour chasser l'ombre de son rival, il s'offre à le chercher pour lui remettre une lettre dans laquelle elle lui donnerait rendez-vous pour le soir suivant.

Mario n'essaie même pas de trouver le destinataire. Il passe la soirée à danser et s'amuser avec Natalia qui, à l'heure du soi-disant rendez-vous, le laisse pour courir après l'homme de ses rêves. Il se jette alors dans une bagarre dont il sort mal en point. Retrouvant la jeune fille déçue par l'absence du locataire, il lui avoue n'avoir jamais remis la missive. Natalia lui explique que si l'homme l'avait aimée vraiment, il serait quand même venu.

Elle semble maintenant partager le sentiment qu'éprouve Mario. Après avoir parcouru les rues désertes, les deux jeunes gens retournent vers le canal où se trouve un homme, lui ! Natalia se jette dans ses bras et s'éloigne avec lui, après avoir demandé pardon à Mario qui se retrouve seul.

Visconti, troublé par la crise de Hongrie souhaitait, dit-on, faire un film abstrait, n'ayant rien à voir avec la réalité contemporaine ; très diffèrent donc du néoréalisme précédent. Il trouvait aussi que le néoréalisme se répétait et voulait faire quelque chose de tout à fait nouveau, un chemin pour de jeunes metteurs en scène.

Visconti connaissait bien Dostoïevski pour avoir monté Crimes et châtiments sur scène en 1946. Le film est entièrement tourné en studio avec le grand décorateur Mario Chiari et le jeune Mario Garbuglia. La ville ressemble à Livourne. Remarquable brouillard obtenu avec des voiles de tulle qui renforce la tonalité du rêve. Les dialogues sont d'un niveau de langue élevé, ce qui universalise les personnages qui ne sont ainsi pas ancrés dans une réalité locale.

Néanmoins Visconti modifie les deux personnages masculins par rapport au roman. Le locataire est toujours un personnage romantique mais, ici, interprété par Jean Marais, il possède une expérience et une autorité dont il est démuni dans le livre. Mario est bien un rêveur, il sait que le bonheur qu'il découvre est impossible. Seul, vingt six ans, sans amis, sans femme, il est condamné à un destin de solitude. Le centre du livre c'est la cruauté qui pourrait faire oublier à la jeune fille l'homme qu'elle aima et l'instant névralgique est le cri qu'elle jette quand elle le retrouve. Visconti, renforce le cri par le manteau de Mario, laissé dans la neige. Mais Mario n'est probablement pas condamné à la solitude éternelle. Visconti lui a donné un contexte : il est muté pour des raisons de travail et surtout c'est un personnage latin (surtout interprété par Mastroianni).Il est séducteur ; il se laisse entraîner par la fille. Il est orgueilleux, se fâche, est capable d'être blessé. C'est un homme italien, et ainsi il ne va probablement pas mourir. La caresse au chien indique que cette aventure n'aura été qu'une étape.

La vraie rêveuse du film c'est Natalia dont le rêve devient réalité. Visconti positive le roman : l'utopie est utile et change le monde. Ossessionne et Senso étaient travaillés par le désir sexuel. Ici romantisme pur sans sensualité de Natalia qui fascine par la vitalité dont elle est animée, bien rendu par le jeu excessif, à la limite de l'hystérie de Maria Schell.

Magnifiques introductions des flashes-back. Le premier, plein de la fluidité apprise de Jean Renoir est amorcé dans l'ombre d'un mur avec une lumière qui se modifie dans le panoramique du plan-séquence qui va découvrir l'ambiance de la maison de Natalia. Le second est amorcé par une phrase de Natalia : "On venait, ici, le pont". Mastroianni se tourne et la fille apparaît sur le pont avec l'homme.

Jean-Luc Lacuve le 17/08/2010

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, août 2010. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20€

Suppléments :

  • Onirisme et réalisme par Vieri Razzini (24 mn)
  • Costumes intemporels (23 mn)
  • Bande-annonce
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