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L'amour en fuite

1979

Voir : photogrammes

Avec : Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel), Marie-France Pisier (Colette Tazzi), Claude Jade (Christine Doinel), Dani (Liliane), Dorothée (Sabine Barnerias), Daniel Mesguich (Xavier Barnerias). 1h34.

Antoine, 33 ans, vit avec Sabine, 25 ans, vendeuse dans un magasin de disques. Chacun a gardé son appartement. Juste rentré chez lui, Christine lui rappelle qu'ils doivent divorcer le matin même. Sur le parvis du tribunal, Colette le reconnaît et ils se croisent à nouveau gare de Lyon où Antoine doit conduire son fils Alphonse pour sa classe musicale.

Alors que le train pour Draguignan emporte Colette, Antoine court la rattraper. Dans le train, Colette lit Les salades de l'amour, roman écrit par Antoine quelques années auparavant. Le contrôleur lui annonce qu'un homme l'attend au restaurant. Elle espère Xavier, son amant libraire, auquel elle avait donné l'occasion d'un rendez-vous mais fait bonne figure lorqu'elle découvre Antoine, caché derrière le journal, Le monde. Antoine et Colette parlent de leur passé.

Colette cache Antoine, qui n'a pas de billet, dans son wagon-lit. Mais elle est ébranlée par l'incident d'un enfant qu'elle croit en danger près de la porte du wagon et par un voyageur qui la prend pour une prostituée. Antoine finit par l'excéder à ne parler que de lui et notamment de son futur roman dont il n'a encore qu'un début d'histoire : une photo déchirée et un titre "le manuscrit trouvé par un sale gosse". Colette chasse Antoine du wagon-lit quand il cherche à l'embrasser. Celui-ci tire le signal d'alarme en pleine campagne... et repart pour Paris.

Mais Sabine ne veut plus le voir et lui rend ses lettres sans qu'il puisse lui prouver son amour : la photo déchirée étant tombée dans le train. Le hasard le met en présence de Monsieur Lucien qui fut pendant longtemps le grand amour de sa mère. Ensemble, ils vont se recueillir sur sa tombe où Antoine n'était jamais allé. Antoine, marqué par sa rupture récente avec Sabine, s'apprête à changer la fin de son roman et faire mourir son héros.

Pendant ce temps à Aix, Colette hésite à prendre la défense d'un assassin meurtrier d'enfant. Elle retrouve la photo déchirée de Sabine qu'elle prend pour la femme de Xavier. De retour à Paris, elle apprend qu'elle n'est que sa sœur. Se rendant chez Sabine pour lui remettre la photo, elle croise Christine. Elles parlent d'Antoine.

Colette accepte de prendre la défense du meurtrier d'enfant de Draguignan faisant ainsi enfin le deuil de l'enfant de trois ans qu'elle perdit quelques années plus tôt. Christine ayant fait remettre la photo de Sabine à Antoine, celui-ci peut révéler à celle-là l'origine romanesque de son amour pour elle et la convaincre ainsi de reprendre leur vie commune.

L'amour en fuite est un récit en forme de puzzle construit à partir de soixante-cinq flashes-back pris dans diverses scènes de la vie d'Antoine Doinel. Ces scènes ont été vues dans Les 400 coups, Antoine et Colette, Baisers volés et Domicile conjugal. Différentes scènes de flashes-back ont aussi tournées pour l'occasion afin de faire la liaison entre la première séparation avec Christine dans Domicile conjugal et le divorce.

Antoine Doinel pour la cinquième et dernière fois.

Comme le note Truffaut, il y a bien ainsi un écart de vingt ans entre Les 400 coups (1959) et L'amour en fuite (1979).

"Lorsqu'on a la chance d'avoir filmé quelqu'un à l'age de treize ans et demi, dix-neuf ans, vingt-quatre ans, vingt-huit ans et qu'on le reprend à trente-trois ans, on a entre les mains un matériel qui est précieux, pas gai parce que la transformation physique de quelqu'un n'est pas forcement exaltante, mais riche quand même"

Ce n'est toutefois pas un écart de neuf ans qui sépare Domicile conjugal (1970) de L'amour en fuite (1979) mais de trois ans seulement : Antoine dira à Colette qu'il a été "marié, il y a cinq ans et séparé pour la première fois il y a trois ans".

Truffaut dira de son personnage : "Doinel n'est à l'aise que dans les situations extrêmes. Il est le contraire d'un personnage exceptionnel. Mais ce qui le distingue des personnes moyennes c'est qu'il ne s'installe jamais dans les états moyens. Il est, ou bien profondément déçu, ou dans un état d'excitation. C'est ce qui le rend peu prévisible."

Cette imprévisibilité peut-être légère. Antoine oublie le jour de son divorce mais pas celui de son mariage parce que ... le 26 février est le jour de la saint Nestor. Il a des réactions surprenantes "A non, je ne me mouche jamais dans du papier" qui amusent Colette qui en fera usage auprès de Xavier. Antoine est aussi un perpétuel amateur de jeux de mots : "Je me vêts - tu t'en vas ? " dès le début du film et, bien sûr le rappel du jeu de mot grivois de Domicile conjugal : "Ils sont vraiment gonflés d'écrire çà dans Le monde : "La séance reprit à vingt heures et à minuit les délégués de l'Europe agricole purent rejoindre leur chambre ou les attendait une call-girl bien excitée" (une collation bien méritée). Antoine a des lubies. Il recherche les dix-neuf tomes du journal de Léautaud qui raconteraient ses ennuis avec les femmes. Il est sarcastique : "Travaille bien Alphonse. Tu deviendras un grand musicien. Si tu travailles mal et que tu fais plein de fausses notes et bien tu deviendras critique musical." Antoine est amateur de formules : "On est amoureux lorsque que l'on commence à agir contre son intérêt".

Cette imprévisibilité peut être plus inconséquente. Il tire le signal d'alarme du train en pleine campagne pour son seul intérêt propre. A Sabine, qui lui reproche de manquer de simplicité, il répond : ma vie est compartimentée pour lui dire à la fin qu'il a été habitué à cacher ses émotions, à ne rien dire directement. D'où, probablement aussi son rêve de simplicité. Il n'aime que les petites filles bien élevées et il tombe amoureux de toute la famille, le père la mère. "J'aime les parents gentils" dira-t-il.

Antoine Doinel réconcilié avec l'art, sa mère et les femmes

Dernier film de Truffaut avec Jean-Pierre Léaud comme un adieu à la jeunesse, le film clôt l'auto-analyse de Doinel -Truffaut par la visite au Père Lachaise avec l'amant de sa mère. Il résout ainsi les deux principaux traumatismes énoncés dans Domicile conjugal, celui sur l'art "Je suis assez ignorante mais je suis certaine d'une chose : une œuvre d'art ne peut pas être un règlement de compte ou alors ce n'est pas une oeuvre d'art." La séparation d'avec la mère semble ainsi assumée même si Antoine ne semble pas prêt à accepter tous les commentaires de monsieur Lucien :" Ta mère était anarchiste, un petit oiseau... Plus je te regarde plus je trouve que tu ressembles à ta mère." Malgré leur embrassade, il est probable qu'Antoine ne reverra plus monsieur Lucien.

Antoine assume aussi une vie de couple avec une image de la femme sans doute moins glamour que jusqu'à présent comme en témoigne le couple qui rentre à la fin dans le magasin de disque en qui s'embrasse en miroir avec celui qu'il forma avec Sabine. Cela vaut sans doute mieux que le compliment de la fin de Domicile conjugal :" Tu es ma petite sœur, tu es ma fille, tu es ma mère" auquel Christine, dépitée, avait répondu par un "j'aurais bien voulu aussi être ta femme".

La justice et la mort

Le film se déroule six mois après la loi sur le consentement mutuel. Sur le perron du palais de justice où les journalistes sont venus interviewer le premier couple à divorcer selon la nouvelle loi, Christine dira que le divorce par consentement mutuel a été inventé par la République... et qu'il servira à Napoléon pour larguer Joséphine. L'invention de lettres d'insultes n'est plus nécessaire et trois mois de procédure avec une pension alimentaire de 900 francs jusqu'à ce que l'enfant exerce une activité rémunérée suffisent.

La mort rôde aussi du côté de Colette. Le crime de famille de Draguignan, d'abord juste évoqué, se révèle être un meurtre d'enfant. En acceptant la défense du criminel, Colette pourra faire son deuil de l'enfant qu'elle a perdu et qui la traumatise comme en témoigne l'incident de l'enfant jouant près de la porte d'accès dans le train.

Jean-Luc Lacuve le 15/05/2007


Repérage des 65 flashes-back du film pris en charge par
Christine, Antoine, Colette et monsieur Lucien
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Deux flashes-back sur Domicile conjugal par Christine (1 et 2)et un sur L'amour en fuite avec sortie sonore pour Antoine (3) puis troisième flash-back de Christine sur la scène de baiser rejouée dans Domicile conjugal avec même sortie sonore sur l'interphone du juge (4). Deuxième de Doinel sur les lunettes de la juge qui lui rappelle celles portées par Christine (5).

Le sixième flash-back est pris en charge par Colette qui se souvient des concerts des jeunesses musicales dans Antoine et Colette. Dans, le septième Antoine se souvient avoir été un temps amoureux que des filles très grandes (Baisers volés). En lisant le roman d'Antoine, Les salades de l'amour, Colette revient sur Les 400 coups d'Antoine (8), flash mental d'Antoine se voyant porter Alphonse petit, gare de Lyon (9). Colette lit Les salades de l'amour dans le train pour Aix (10 à 15 sur Antoine et Colette puis 16 à 19 sur Baisers volés, le dernier étant constitué de surimpressions d'images sur le livre. Le flash-back n°20 est utilisé par Colette dans le wagon-restaurant pour rectifier l'ordre des déménagements : Colette puis Antoine qui la rejoint depuis sa chambre de la place Clichy. Antoine doit le reconnaître (21) et revient sur sa séparation avec Christine (22=1 puis, 23 écriture des salades et long 24e flash-back qui reprend la fin de Domicile conjugal depuis l'épisode du 17 rue Descases, le petit Balthus et phrase sur l'œuvre d'art qui ne peut-être un règlement de compte.

Flash-back 25 qui fait la liaison entre Domicile conjugal et le présent : Liliane est l'élève de Christine. Elle écrit des livres pour enfants et travaille alors sur une commande des Films du Losange pour un film de Rohmer puis dans la maison de vacances (26, 27) 28, 29, 30, 31, 32 Envisage le manuscrit trouvé par un sale gosse. A partir de là, il ne peut plus rien arriver que des déceptions, des désillusions des ruptures, retomber dans les mêmes tristesses sentimentales : seules les rencontres vous intéressent. Pour vous l'aventure de la vie cesse dès que deux personnes sont réunies. Il faut être deux pour aimer discrétion élémentaire, non indifférence exemplaire (33) première lettre à Sabine. Ayant rencontré monsieur Lucien, celui-ci lui rappelle sa mère telle qu'on l'a vue dans Les 400 coups (34), son amour pour les livres (35) leur première rencontre (36, 37). Antoine se souvient de son excuse "ma mère est morte" (38) excuse pas enterrement baisers volés (39) tombe à côté de celle de Marguerite Gauthier. Il n'y était jamais allé. Raconte sa rencontre avec Lucien à Sabine (40 photo, 41 flash) retour du bois, (42) interrogation par psychologue, (43) retour de sa mère la nuit, (44) psychologue, prostituée. Baisers volés (45) rencontre Sabine, séance de cinéma (46). Colette ayant retrouvé Christine, elle lui parle d'Antoine visitant ses parents (47, 48). Christine raconte les disputes d'Antoine avec Liliane (49) puis l'adultère (50,51, 52) et la fin de la relation avec Liliane (53). Christine rappelle la rencontre de Colette dans Baisers volés avec son mari Albert et un enfant (54). La petite Julie a été écrasée par une voiture (55, 56). Antoine raconte l'histoire de la photo à Sabine (57, 58, 59, 60, 61) photo reconstituée (62) recherche (63, 64) dans Baisers volés, retors et baisers (65).

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