Antigone
1991
(Die Antigone des Sophokles nach der Hölderlinschen Übertragung für die Bühne bearbeitet von Brecht). Avec : Astrid Ofner (Antigone), Ursula Ofner (Ismene), Hans Diel, Kurt Radeke, Michael Maassen, Rainer Philipi (le choeur), Werner Rehm (Créon), Albert Hetterle (Tiresias), Lars Studer (Le garde). 1h35.

Antigone fait part à sa sœur Ismène de son intention de braver l'interdiction, sous peine d'être lapidée par le peuple thébain, émise par le roi Créon d'accomplir les rites funéraires pour leur frère Polynice tué par son autre frère Étéocle dans la guerre des sept chefs. Tout en reconnaissant la justesse du geste, Ismène refuse de la suivre dans cette entreprise .

Alors qu'Antigone s'en va accomplir ce qu'elle estime être son devoir religieux, Créon développe, avec quelque grandiloquence, devant le chœur des vieillards thébains -choisis pour leur docilité- sa philosophie politique et se propose crânement à l'épreuve du commandement et des lois. Il y glisse une menace voilée adressée au Coryphée, le soupçonnant de corruptibilité (au service des esprits rebelles).

Le garde vient alors informer le roi du viol de son décret. Le Coryphée suggère à celui-ci que son interdiction était peut-être une mauvaise décision. Créon se fâche et lui ordonne le silence. Le garde, lui, est brutalement accusé d'être l'auteur du forfait rapporté, cela pour de l'argent . Le roi le menace des pires sévices s'il ne ramène pas rapidement un coupable afin de s'innocenter.

C'est le cœur chargé de réticences qu'il revient accompagné d'Antigone, prise en flagrant délit de récidive. L'affrontement est immédiat et total : la jeune fille affirme l'illégitimité de l'édit royal en se réclamant des lois divines, non écrites et éternelles. Au fil de l'argumentation, Créon cède le terrain. Après que la jeune fille a justifié sa lutte par l'amour fraternel, exposant ainsi sa motivation fondamentale , il finit par disqualifier sa nièce : ce n'est pas une femme qui fera la loi.

Quand Ismène réapparaît, c'est pour s'entendre accusée par son oncle d'avoir participé à la cérémonie mortuaire et pour exprimer son désir de partager le sort de sa sœur. Celle-ci refuse. Créon, exaspéré par ce comportement, les traite de folles et les fait placer en réclusion, là où doivent se tenir les femmes.

Puis voici Hémon, le fiancé de la condamnée. Le jeune prince s'enhardit à déclarer à son père qu'il se trouve dans l'abus de pouvoir . Aux propos nuancés et pleins de bon sens du jeune homme sur la manière juste de gouverner, le roi répond par des injonctions à l'obéissance inconditionnelle que les fils doivent aux pères, le peuple à son chef, et l'accusation d'être devenu l'esclave de sa fiancée . Hémon quitte brusquement les lieux en proférant une promesse morbide que Créon prend, à tort, pour une menace contre sa vie.

Tirésias sera le dernier protagoniste de ce triple affrontement. Le devin est venu dire au roi que les dieux n'approuvent pas son action et qu'il en pâtira pour la cité si Antigone n'est pas libérée et Polynice enterré. Créon insulte Tirésias et l'accuse de s'être vendu aux comploteurs qui en veulent à son pouvoir.

Mais, secoué par les sombres prédictions du devin, lequel ne s'est jusqu'alors jamais trompé, il se ravise et décide d'aller procéder aux funérailles de son neveu avant d'aller délivrer Antigone. Il est hélas trop tard : celle-ci s'est entre temps pendue dans la grotte où elle avait été emmurée. Hémon tire son épée, ce que son père prend pour une tentative de le tuer, et se la plonge dans le corps.

Retournant au palais, Créon apprend pour finir que sa femme, Eurydice, elle aussi vient de se tuer. Il est anéanti par cette série de catastrophes et n'aspire plus qu'à une mort rapide. Le Coryphée tire la leçon de cet entêtement qui tue : il ne faut pas déshonorer la loi qu'imposent les dieux.

Version retravaillée pour la scène par Bertolt Brecht en 1948 à partir de la traduction en allemand effectuée par Friedrich Hölderlin en 1803 de la tragédie de Sophocle.

A l'aide de Sophocle, Brecht et Holderlin, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub s'attaquent ainsi, dans le superbe théâtre de Sagesta, au mythe d'Antigone. Celle-ci écouta son coeur de soeur mais aussi le respect de la tradition ancienne et se plaça du côté de ceux d'en bas (des enfers) contre l'arbitraire du pouvoir.

Une mise en garde de Brecht conclut le film :

" La mémoire de l'humanité pour les souffrances subies est étonnamment courte. Son imagination pour les souffrances à venir est presque moindre encore. C'est cette insensibilité que nous avons à combattre. Car l'humanité est menacée par des guerres vis-à-vis desquelles celles passées sont comme de misérables essais et elles viendront sans aucun doute, si à ceux qui tout publiquement les préparent, on ne coupe pas les mains. "

La musique choisie, la chevauchée des walkyries mêlée à un thème plus contemporain, est-elle une allusion à Apocalypse now comme le suggérerait aussi les bruits d'hélicoptère entendus à la fin du film ?

La traduction sous forme de sous-titres français par Danielle Huillet est assez poétique. Ainsi, lorsque Antigone échoue à convaincre sa sœur : "Je te hais. Te montres-tu sans pudeur, ton tablier troué avec sa provision de lamentations qui s'évanouit ? Ne me conseille pas. Sors-t-en avec ta vie. "

On aime aussi "le minerai gris" cause de la guerre et le choeur qui se réjouit de ce que "La victoire au gros butin est venue"

Enfin et surtout, on se réjouit de voir le fameux lézard que cherche désespéramment un personnage à la 18e minute du film dans Hélas pour moi de Godard, qui est d'ailleurs remercié au générique de fin.

Le lézard au dessus de la tête de Créon (grossi par nous à droite !)

 

Jean-Luc Lacuve le 3/12/2008

critique du DVD
Editeur : Montparnasse, décembre 2008. Format : 1.37.
critique du DVD

Coffret Straub - Huillet vol. 3

DVD 1 : Chronique d'Anna-Magdalena Bach. DVD 2 : Leçons d'histoire. DVD 3 : Antigone

 

 

Retour à la page d'accueil

Voir : photogrammes du film
dvd aux Editions Montparnasse
Thèmes : Théâtre, Sophocle , Antiquité