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Le temps d'aimer et le temps de mourir

1958

(A Time to love and a time to die). D'après le roman de Erich Maria Remarque. Avec : John Gavin (Ernst Graeber), Liselotte Pulver (Elizabeth Kruse), Jock Mahoney (Immerman), Don DeFore (Hermann Boettcher), Keenan Wynn (Reuter), Erich Maria Remarque (Professor Pohlmann), Dieter Borsche (Captain Rahe). 2h12.

DVD Carlotta Films

Revenant du front russe en 1944 pour trois semaines de permission, Ernst Graeber trouve sa ville en ruines et sa maison enfouie sous les décombres. Alors qu'il est à la recherche de ses parents disparus, il rencontre Elizabeth Kruse, fille du médecin de la famille. Ce dernier a été envoyé dans un camp de concentration. Ernst et Elizabeth sont immédiatement attirés l'un par l'autre. Durant ces trois semaines, ils vont connaître un bonheur précaire au milieu des bombardements, dans un monde qui agonise. Ils se marient et trouvent un havre provisoire de paix.

Ernst va de désillusion en désillusion et découvre les "réalités " du régime nazi au cours de diverses rencontres. Il apprend que ses parents se sont réfugiés à la campagne. Mais le père d'Elizabeth est mort (ses cendres sont remises à sa fille).

Le rêve s'achève : Ernst doit regagner le front russe. Il rejoint son régiment en retraite. Lorsqu'il reçoit l'ordre d'abattre de sang-froid des partisans russes, il refuse et tue le nazi fanatique qui le menaçait. Il libère les prisonniers et s'éloigne, lisant la lettre d'Elizabeth qu'il vient de recevoir. Un partisan russe l'abat. Ernst s'écroule, la lettre flotte sur l'eau d'une mare.

Œuvre déchirante et intense sur la folie et l'absurdité de la guerre, Le Temps d'aimer et le temps de mourir marie le film de guerre avec l'intensité et la beauté du mélodrame. "Ce qui m'a intéressé, devait déclarer Sirk, c'est ce décor en ruines et ces deux amants. Cette histoire d'amour est inhabituelle. C'est un film qui est très proche de mes idées, particulièrement pour sa description de la brièveté du bonheur."

Le film le plus personnel de Douglas Sirk.

Le film est tourné en Allemagne en un temps où beaucoup de cinéastes exilés aux USA reviennent tourner en Europe. Mais Sirk avait une raison toute particulière de vouloir tourner ce film. Sirk est hanté par ce qui est arrivé à son fils né d'un premier mariage. Sa femme était une militante nazie et avait embrigadé son fils en partie par vengeance envers Sirk dont la seconde femme était d'origine juive. Le fils de Sirk a probablement été tué sur le front russe au printemps 1944 et le film est hanté par ce que Sirk imagine être les dernières semaines de son fils.

Sirk étant malade, le montage a été termine par Bob Arthur, le producteur mais selon l'architecture voulue par Sirk.

Un mélodrame avant d'être un film de guerre

Le titre d'un film est comme le prologue d'un drame disait Sirk qui a beaucoup insisté pour le changement de "vivre" en "aimer". Le temps de vivre et le temps de mourir, titre du roman de Erich Maria Remarque, était une citation de l'Ecclésiaste. Le changement introduit par Sirk tire le film vers le sens du romantic drama (idylle). Il voulait que ce soit un film d'amour et n'a laissé le titre original qu'à Allemagne, patrie de Erich Maria Remarque. Pour Sirk, la dénonciation du nazisme devait laisser le pas à l'histoire d'amour. Dans ses entretiens avec Jon Hallyday, Sirk se déclarera ravi que Godard ait fait du changement de titre la base de son article dans les cahiers du cinéma.

Le film raconte le rapport entre l'amour naissant de deux amants et les ruines. Les circonstances extrêmes provoquent ce sentiment de tendresse douloureuse partagée par les amants dans leurs rares moments de bonheur. Seules les choses condamnées peuvent être si douloureusement tendre.

L'arbre précocement en fleur de par sa proximité avec l'incendie et la mort de Ernst un jour de printemps font partie des images les plus ironiques de Sirk. Non pas qu'elles introduisent une distance mais plutôt qu'elles donnent cette impression que jamais rien n'est certain, ni du malheur, ni du bonheur. L'impression de menace provient aussi de ce que Sirk reconnaît avoir appris de Dreyer : faire durer les plans et utiliser un montage "hésitant" multipliant les angles et les mouvements d'appareils.

Un film de guerre

Erich Maria Remarque, qui avait déjà écrit A l'Ouest rien de nouveau sur la première guerre mondiale, s'était exilé aux Etats-Unis comme Sirk. celui-ci lui fait jouer le rôle du professeur Paulman. Sirk trouvait toutefois l'écriture de Remarque trop sentimentale et rêvait de se débarrasser de beaucoup de séquences.

Sirk comme Remarque ont été très déçus que le film ait été pris comme politique. Il a été refusé par les Russes (car ce sont des partisans qui abattent le bon allemand) et en Israël. Sirk pense qu'il a été trop explicite. Il aurait aimé supprimer la scène du bûcher sur le piano. Dans la critique sociale, il ne faut pas être trop explicite et dans un film sur le nazisme, il faut peut-être l'être encore moins.

Paul Newman avait été prévu avant John Gavin, finalement choisi par Universal, qui veut le lancer. Il plaît à Sirk par son manque d'expérience. Qu'il soit jeune, beau, tout frais, mais pas joli, sérieux avec un petit coté dilettante et rien de sentimental lui convenait pour contrebalancer les aspects sentimentaux de l'histoire de Remarque.

Test du DVD

Editeur : Carlotta Films. Novembre 2007. Format : 2.35. VO VOSTF & VF mono (2h06).

Suppléments : Des larmes et de la vitesse (12 mn) Le décryptage d’un texte phare de Jean-Luc Godard. Conversation avec Douglas Sirk (15 mn) un témoignage du réalisateur sur l’aspect biographique du Temps d’aimer et le temps de mourir. Assis dans le noir (19 mn) Wesley Strick, auteur d’un roman sur la vie de Douglas Sirk, révèle aussi les parallèles entre mélodrame et thriller. Mirage de la vie : Portrait de Douglas Sirk (1984 – 47 mn) un film de Daniel Schmid Quatre ans avant sa disparition, un entretien rare et personnel avec le cinéaste Douglas Sirk sur l’ensemble de sa carrière.

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