1983. Une grande salle de dancing, le soir. Les femmes arrivent les premières, les unes après les autres : cela va de la dame d'une quarantaine d'années, très classique, avec un chignon et son tailleur noir bien cintré, à la blonde pulpeuse et incendiaire qui fait comme si elle avait toujours 20 ans... Et puis, c'est le ballet des hommes : ils prennent place au bar. Parmi eux, un individu plein de tics qui ne cesse de croquer des bonbons, un homme d'âge mûr mais toujours bien de sa personne; un grand timide avec un air apeuré et une raie au milieu; un bon gros du style content de lui, qui mâchonne toujours des cacahuètes...
Et c'était déjà pareil en 1936, à l'époque du Front Populaire - à part la musique, car on dansait alors sur des airs de java. Puis, après l'entracte de la guerre et de l'occupation allemande, où la salle de bal servait d'abri, arrive l'explosion de la Libération et de la musique américaine, façon Glen Miller.
Un peu plus tard, c'est le rock, puis les années soixante, puis Mai 68. La boucle est bouclée. Le bal 1983 se termine mélancoliquement.
Décor unique pour cinquante ans de danse de salon en France : le Front populaire, la Guerre, l'arrivée du jazz et du rock, Mai 68, le disco. Et toujours les couples silencieux se font et se défont au gré de l'histoire et de la musique.