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Le récit d'un été en chansons au cours duquel trois jeunes
filles, Louise (Marianne Denicourt), Ida (Laurence Côte), Ninon (Nathalie
Richard), vont apprendre à changer de vie, avec l'aide d'un énigmatique
passeur, Roland (André Marcon). Louise, sortie d'un coma qui a duré
plusieurs années, va découvrir en même temps la vérité
sur la fortune frauduleuse de son père et l'amour (en la personne du
jeune garde du corps engagé par son père pour la surveiller).
Ida, enfant adoptée, va apprendre à renoncer à ses fantasmes
concernant sa "vraie" famille. Ninon, elle, abandonne une vie dangereuse
et délinquante et rencontre l'amour. Trois filles qui décident
de "changer de jeu", dans une comédie musicale inspirée
des "petits" musicals de la MGM dans les années cinquante
Lorsque Rivette tourne Haut Bas Fragile, cela faisait longtemps qu'il rêvait
de faire une comédie musicale ; d'ailleurs Anna Karina qui joue le
rôle de la mère fantasmée de Ida (Laurence Côte),
devait tenir le rôle principal d'une des quatre " Filles du feu
", ce groupe de films, au milieu des années soixante-dix, qui
devait comporter un musical (jamais tourné). Evidemment, Haut Bas Fragile
- titre qui résume magnifiquement la tonalité même de
l'univers rivettien - rend aussi hommage aux comédies musicales américaines
des années cinquante que Rivette a découvertes et adorées
à l'époque où il était critique aux Cahiers du
cinéma, et notamment aux "petits" films de Charles Walters.
La nouveauté donc, dans ce film, ce sont les numéros dansants
et chantés qui récapitulent à chaque fois l'un des noeuds
de l'intrigue : apprentissage de l'amour, de l'amitié, de l'âge
adulte. Mais la nouveauté, c'est surtout que, pour la première
fois dans l'oeuvre de Rivette, constamment habitée, depuis Paris nous
appartient, par l'obsession des sociétés secrètes et
de la manipulation, le fin mot du mystère ne réside plus dans
un quelconque complot mondial, réel et/ou imaginaire, mais dans un
secret de famille. En effet, chacune des trois héroïnes de Haut
Bas Fragile se débat avec des questions de filiation (de quoi mon père
est-il coupable ? qui est ma "vraie" mère ?) qui, à
l'issue du film, devront être déplacées pour qu'elles
commencent, enfin, à vivre. En ce sens, Haut Bas Fragile ouvre la voie
à Secret Défense, entièrement centré sur une tragédie
familiale, mais aussi à Va savoir, qui renonce complètement
à la mythologie rivettienne du complot mondial. On peut donc dire qu'avec
Haut Bas Fragile, Rivette, comme ses trois héroïnes, décide
de "changer de jeu".
Jacques Rivette, Libération,12 avril 1995, entretien avec Gérard
Lefort, Marcus Rothe, Olivier Séguret.
« Je ne cherche pas l'égalité, la perfection. Presque
tous les films que j'aime sont des films inégaux et ça m'est
égal qu'ils le soient. (...) Je pense que quand il y a eu des erreurs
sur un tournage, il faut les respecter. C'était un de mes grands points
de désaccord avec François Truffaut qui pensait qu'il fallait
faire le tournage contre le scénario et le montage contre le tournage.
Moi, j'essaye de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'avant. Ou du moins très
peu. Si auparavant je pensais qu'un film se faisait au montage, je pense maintenant
que tout se passe au tournage : s'il y a un avant tournage et un après
tournage, c'est par la force des choses. Un film est une chose organique.
C'est un organisme comme n'importe quel corps. Les corps sont plus ou moins
harmonieux, mais ce qui est important, c'est qu'ils marchent : je veux dire
qu'il soient autonomes, vivants, avec leur défauts et éventuellement
leur infirmités. C'est mon seul critère dans la préparation,
le tournage ou le montage : essayer de faire que ça fasse une grande
courbe. (...) Le modèle pour Haut Bas Fragile, c'est les petits films
de la Metro Goldwin des années 50 tournés en quatre ou cinq
semaines dans des décors déjà existants. Je pensais beaucoup
à un film de Stanley Donen Give the girl a break, un film simple tourné
très vite avec seulement des numéros de danse. (...) Le point
commun entre La Bande des quatre, La Belle Noiseuse, Jeanne et Haut Bas Fragile
: ce sont des films sur les corps des comédiens : sur la scène
de théâtre, dans l'atelier du peintre et puis dans Jeanne, où
les défis physiques étaient évidents, se battre, monter
à cheval, etc. J'ai envie de filmer les comédiens de haut en
bas, c'est comme avec les maisons : les pieds sont aussi importants que la
tête. On pourrait dire que j'aime bien filmer avec les pieds. »
Jacques Rivette, Les Inrockuptibles, 12 avril 1995, entretien avec Frédéric
Bonnaud.
« J'ai posé la question à Marianne Denicourt et à
Nathalie Richard : "Est-ce que tu es libre cet été ? ".
Elles me disent qu'elle n'ont aucun projet. Donc, on se voit. Qu'est-ce qu'on
a envie de faire ? et je me suis souvenu qu'elles avaient toutes les deux
fait de la danse, avec une formation assez différente - plus classique
pour Marianne, plus moderne pour Nathalie, qui a même débuté
sa carrière dans la danse. On a donc commencé à se dire
que ce serait bien qu'elles bougent beaucoup. Et pourquoi pas un peu la danse,
la comédie musicale ? Et je me suis demandé pourquoi il n'y
aurait pas un leitmotiv de décors de boîte, de dancing. Là,
j'ai eu envie qu'Enzo chante Les Naufragés volontaires, filmée
en plan séquence. Ensuite il me semblait évident que les histoires
des deux filles seraient des histoires parallèles. J'avais envie de
deux films qui se croisent. La troisième fille est arrivée après.
(...) On a débuté avec l'idée de Paris entre le 14 juillet
et le 15 août et avec celle de ces deux jeunes filles, l'une riche,
l'autre pauvre. L'une qui peut se balader comme ça, les mains dans
les poches, l'autre qui a besoin de gagner des sous. Très vite le boulot
de coursier nous a paru une bonne idée, sur les principes classiques
du messager. »
Scénario : Nathalie Richard, Marianne Denicourt, Laurence Côte, Pascal Bonitzer, Christine Laurent, Jacques Rivette. 170 minutes