Georg, un réfugié politique allemand, échappe de peu à l'arrestation dans le Paris actuel occupé. Il tente de remettre une lettre à un écrivain bien connu nommé Franz Weidel, pour découvrir que Weidel s'est suicidé dans une chambre d'hôtel. Il prend le dernier manuscrit et les documents d'identité de Weidel, qui lui promettent un refuge au Mexique. Il tente de fuir vers Marseille en train avec son ami blessé, Heinz, mais Heinz meurt en route. À Marseille, il annonce la mort de Heinz à sa femme sourde-muette, Melissa, et à son fils Driss, tous deux résidant illégalement dans la ville. Georg se lie d'amitié avec Driss.
Lorsque Georg tente de remettre les papiers de Weidel au consul mexicain, celui-ci le prend pour l'écrivain. Georg accepte d'endosser l'identité de Weidel et reçoit des visas de transit pour lui-même et la femme de Weidel, Marie. Il apprend que Marie a quitté Weidel, mais souhaite le retrouver et attend à Marseille pour qu'ils puissent fuir ensemble. Driss a une crise d'asthme et Georg va chercher un médecin, Richard, pour prendre soin de lui. Georg rencontre la maîtresse du médecin, en qui il a la surprise de reconnaitre Marie.
Richard souhaite se rendre au Mexique où ilest attendu pour diriger un hôpital, mais est rongé par la culpabilité de devoirr abandonné Marie. Cependant, lorsque Georg lui propose un visa de transit, Richard accepte et tente de monter à bord d'un navire au départ, mais est contraint de céder sa place aux soldats français. Georg et Marie développent une relation amoureuse, et Georg se demande s'il doit lui dire la vérité sur son mari. Il apprend que Melissa et Driss se sont enfuis et est témoin du suicide d'une réfugiée qu'il connaissait.
Georg et Marie hélent un taxi pour le port pour monter à bord de leur navire, "le Montréal", mais Georg sort, affirmant qu'il a oublié quelque chose. Il se rend chez Richard et lui vend sa place sur le navire. En racontant son histoire à un barman, à qui il confie le manuscrit de Weidel, il aperçoit une femme qui ressemble à Marie, mais elle disparaît. Il se rend au port pour confirmer qu'elle est montée à bord, mais on lui dit que "le Montréal" a heurté une mine et a coulé sans survivant. Georg retourne au bar, où il attend Marie alors que la police française commence à ratisser la ville pour la purger des réfugiés.
Comme dans Profession reporter, c’est une usurpation d'identité qui vire à l'aventure. C'est en lisant les textes de l’écrivain Weidel que Georg devient quelqu’un d'autre, un personnage romanesque, un passeur qui va faire des rencontres décisives dans Marseille, ville de transit.
Christian Petzold adapte le roman d’Anna Seghers, publié en 1944, sans modifier les dialogues alors qu'il le place dans un contexte contemporain. Le roman retraçait la situation de réfugiés fuyant la persécution nazie et se retrouvant coincés sur le Vieux-Port, en attente d’un hypothétique visa et d’un bateau pour l’Amérique. Ici, Paris et Marseille sont filmées à l'époque contemporaine avec armes et écrans de télévision modernes et vue sur le Mucem avec la femme architecte qui se suicide du haut de la passerelle. Cette adaptation commentaire par déplacement du cadre temporel accentue le romanesque de la situation. L'amour de Goerg pour Marie devient intemporel, presque éternel dans l'espoir toujours possible de la réapparition de Marie, et de la transformation de Georg en son mari, dans leur volonté commune, enfin, d'échapper à la violence du monde.
Belle utilisation de la voix off dans sa fonction classique d'accentuation du romanesque et d'empathie avec le personnage alors qu'elle est pourtant prise en charge par un personnage extérieur dont on découvre, à la fin, qu’il est le barman du café du Point du jour mais qu'il a reçu les confidences de Georg.
Jean-Luc Lacuve, le 10 novembre 2020.