1943. Le capitaine Stransky, aristocrate prussien, gagne la péninsule de Taman, en Crimée, où l'armée allemande s'enlise et où le moral des troupes est au plus bas. Volontaire pour le front russe, il veut à tout prix obtenir la Croix de Fer, la plus importante décoration militaire, afin de retourner dans sa famille la tête haute. Totalement désabusés, ses supérieurs, le colonel Brandt et son adjoint Kiesel, ne lui cachent pas leur mépris. Un sentiment partagé par le sergent Steiner, soldat de métier pour qui prévaut la vie de ses hommes - Kruger, Kern, Anselm, Schnurrbart, Dietz.
Ayant découvert la liaison homosexuelle qu'entretient le lieutenant Triebig avec son ordonnance, Stransky le fait chanter. Au cours d'une contre-offensive menée par le lieutenant Meyer, qui y perd la vie, Steiner est blessé et commotionné. Rétabli grâce aux soins amoureux d'Eva, une séduisante infirmière, il préfère pourtant la quitter et regagner le front.
Stransky, qui s'est approprié le mérite de Meyer en vue de recevoir la Croix de Fer, et Brandt, qui veut contrecarrer ses plans, réclament le témoignage de Steiner. Méprisant ces officiers aux querelles dérisoires, il tergiverse. La Wehrmacht bat en retraite. Pour se débarrasser de ce témoin gênant, Stransky néglige sciemment d'en avertir Steiner, qui se retrouve isolé avec ses hommes. Après moult péripéties, ceux-ci parviennent à se rapprocher des lignes allemandes. Tandis que Brandt fait évacuer Kiesel, Stransky ordonne à Triebig de tirer sur la section de Steiner. Seuls ce dernier, Kruger et Anselm en réchappent. Ecoeuré, Steiner abat Triebig et, plutôt que de tuer Stransky, l'entraîne avec lui au-devant des troupes russes pour lui montrer "où poussent les Croix de Fer".
Peckinpah refuse les scenarios du King Kong produit par Dino De Laurentiis et de Superman pour accepter en 76 l’offre du producteur allemand Wolf Hartwig spécialisé dans le cinéma érotique (la série à ralonge des Schulmädchen Report) qui souhaite porter à l’écran un roman sur la Seconde Guerre mondiale.
Croix de fer raconte sur le front russe, du côté allemand, la rivalité entre un officier aristocrate, ambitieux et opportuniste qui rêve d’obtenir la croix de fer malgré son inaptitude au commandent et un autre officier, Steiner, professionnel de la guerre proche de ses soldats, qui possède déjà la prestigieuse décoration mais a perdu ses dernières illusions sur les champs de bataille.
Chant du cygne génial et baroque, salué en son temps par Orson Welles (et par personne d’autre ou presque), Croix de fer développe les thèmes chers à Peckinpah et transcende par sa violence et son nihilisme tous les autres films antimilitaristes réalisés avant ou après lui. Il ne s’agit plus de démontrer l’absurdité de la guerre, la lâcheté et le cynisme des généraux, mais d’exposer une vision du monde apocalyptique où triomphent le chaos et la confusion morale. Le tournage sera très mouvementé et marqué par de nombreux conflits entre Peckinpah et son producteur. Interprétation grandiose de James Coburn, au milieu d’une distribution très hétéroclite d’acteurs anglais et allemands : James Mason, Senta Berger (déjà dans Major Dundee), Maximillian Schell, David Warner (déjà dans Les Chiens de paille), Klaus Löwitsch (un régulier des films de Fassbinder).
Le film fut un bide aux Etats-Unis mais un gros succès en Europe, au point qu’une suite – médiocre – sera produite par Hartwig deux ans plus tard, sans Peckinpah ni Coburn : La Percée d’Avranches (Steiner, das Eiserne Kreuz, 2. Teil) d’Andrew V. McLaglen avec Richard Burton, Rod Steiger et Robert Mitchum.
Texte : Olivier Père pour Arte