En 1969, âgée de 19 ans, Maria Schneider vit avec sa mère qui l'a élévée seule. Elle est approchée par le cinéaste Bernardo Bertolucci. Ce dernier prépare alors le film Le dernier tango à Paris et lui propose le rôle de Jeanne. La jeune actrice, fille illégitime de Daniel Gélin, va alors côtoyer la star américaine Marlon Brando, bien plus âgé qu'elle. Le tournage est intense puis dur au delà du supportable à cause d'une scène de viol par sodomie que lui imposent Brando et Bertolucci, celui-ci ayant disposé une motte de beure à explicite pour que Brandio s'en saississe allongé sur le pantalon baissé de Maria.
Maria, rapidement confrontée à la gloire et à la célébrité est rattrapée par le scandale suscité par le film dès sa sortie en 1972. Elle subit la déchéance de la drogue et peine dans son rôle d'Antonia dans Chers Parents (Enrico Maria Salerno,1973) même si elle obtient le premier rôle de Profession: reporter (Michelangelo Antonioni, 1975). Elle sombre de plus en plus, encore aidée par son frère Michel. Elle s'enfuit d'une première cure de désintoxication, effondrée que sa mère ne vienne pas lui rendre visite. Elle reprend pied en jouant de petits rôles quand elle reçoit la visite de Noor, une doctorante qui fait une thèse sur la place des femmes dans le cinéma français. Noor, très admirative, tombe amoureuse de Maria qui partage ses sentiments. Noor tente même de désintoxiquer Maria.
Quand Maria est interviewée pour un film, son agente lui demande si elle doit organiser une rencontre avec Bertolucci alors à Paris. Maria déclare ne pas le connaître. A la journaliste du Point en face d'elle, elle déclare attendre d'un cinéaste qu'il soit un homme bien comme le fut Jacques Rivette sur le tournage de Merry-Go-Round en 1982.
Le film est adapté du récit Tu t'appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider, publié en 2018, et en suit trop sagement le contenu.
Le cœur du film est de montrer l'insupportable d'une actrice humiliée sur le plateau pour une scène qu'elle juge choquante, pour laquelle elle manifeste un net refus d'autant que ses initiateurs, Bertolucci et Brando, ne l'ont pas prévenu. Jessica Palud ne cherche pas à refaire les plans du Dernier tango dont elle dénonce qu'ils sont tournés par des hommes pour des hommes, sans considération pour l'actrice. Elle choisit de filmer les plans sous un autre axe que celui de Bertolucci pour se concentrer sur le regard de l'actrice qui manifeste par ses larmes et ses cris l'humiliation qui lui est imposée. Le contrechamp sur l'équipe, qui reste muette alors qu'elle est choquée mais laisse faire le tout puissant réalisateur, est aussi très signifiant.
Maria Schneider fut marquée au fer rouge par cette scène donnant accessoirement lieu à une plainte du Vatican qui obtient une condamnation à deux mois de prison avec sursis pour Bertolucci, Brando et Schneider et à la réprobation de la bourgeoise. Elle voit ensuite sa carrière se résumer à son nom, sorte de slogan publicitaire à connotation sexuelle, sans considération de son jeu, s'il n'est pas déshabillé.
Michelangelo Antonioni avec de Profession: reporter (1975) et Jacques Rivette avec Merry-Go-Round (1982), deux immenses cinéastes, sauront trouver en elle une grande actrice. Ils furent bien seuls comme le fut Maria Schneider dont le témoignage pourtant accablant dès la sortie du film, puis dans Sois belle et tais-toi (Delphine Seyrig, 1981) et jusqu'à sa mort en 2011 resta inécouté de la profession et du public.
Jean-Luc Lacuve, le 24 juin 2024