Paul, un Américain établi à Paris, et Jeanne font connaissance alors qu'ils visitent, un matin d'hiver, un grand appartement vide. Ils font l'amour sans rien savoir l'un de l'autre, pas même leurs prénoms. Paul loue l'appartement et le couple s'y donne rendez-vous.
Jeanne veut savoir qui est Paul mais celui-ci se dérobe et affirme que seuls leurs rapports charnels comptent. Hors du lieu privilégié qu'est l'appartement, chacun retrouve sa vie quotidienne. Paul retourne à l'hôtel minable où sa femme vient de se tuer; Jeanne retrouve sa mère, une veuve de colonel et son fiancé Tom, un réalisateur de Télévision qui tourne un film en 16 mm dont elle est le sujet et qui trouvera sa conclusion avec leur mariage.
Au bout de trois jours dans ce lieu clos et lorsque sa femme est enterrée, Paul est prêt à assumer à nouveau son identité. Il renonce à l'appartement, veut vivre normalement et aimer Jeanne pour elle-même; mais Paul a quarante-cinq ans et Jeanne vingt...Lorsqu'ils se rencontrent au-dehors, Jeanne ne voit plus en Paul qu'un homme au bout du rouleau, réduit à tenir un hôtel miteux. Il la poursuit et la persuade de prendre un verre dans un dancing où se déroule un concours de tango. Il la pourchasse encore jusque chez elle. Elle le tue d'un coup de revolver sur le balcon de l'appartement de sa mère.
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D'un fantasme (faire l'amour dans un lieu désert avec une inconnue),
Bertolucci a tiré un psychodrame audacieux, pathétique et morbide.
Son héros, déchiré par le suicide de sa femme, tente
de redécouvrir l'amour avec une expérience primitive. En s'accouplant
avec frénésie, il cherche une pulsion de vie. Il ne fait qu'attiser
sa pulsion de mort et imposer sa violence charnelle à sa partenaire
dans une avilissante descente aux enfers pour finir, lui-même en clown
pitoyable, dévirilisé.
Sorti en 1972 avec une interdiction aux moins de 18 ans, le film connut le scandale et le succès à cause de ses scènes hard et nihilistes. Il apparait aujourd'hui comme une provocante clameur romantique, la peinture d'une utopie qui tourne à l'autopunition. C'est un film impitoyable sur l'aveuglement du mâle dominateur et l'impasse d'une fusion sexuelle.
Il y a deux tangos dans cette orgie funéraire ; celui de la couleur, orangé vif crépusculaire et celui de la danse où le héros, noyé dans ses sarcasmes et l'alcool, perd sa dignité."
Nagel Miller pour Télérama