Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Après un quart d'heure d'échanges chaleureux et drôle entre les deux femmes, la scène de tournage est enfin prête. Il s'agira de filmer trois actrices ligotées au sommet d'un bucher.
Mais l’organisation est anarchique, le cadreur très professionnel a des problèmes d’égo et se prend pour "Jean-Luc" sous prétexte qu’il a tourné avec Godard. Il refuse les instructions de la réalisatrice et tente de la faire virer auprès du producteur. Du coup celui-ci qui veut finir le film entreprend de faire filmer Béatrice pour trouver la faille qui lui fera rompre son contrat. Charlotte, la seule alliée de Béatrice reçoit un coup de téléphone de sa jeune enfant qui aurait été tatouée contre son grès à l'école. Déstabilisée, elle se désinvestit du tournage pour s’isoler afin d’avoir des nouvelles rassurantes de la baby-sitter. Puis la maquilleuse insinue que le visage de Charlotte est fatigué pour mieux lui vendre ses soins dermatologiques ; le costumier débine tout le monde, des apprentis cinéastes présomptueux cherchent à embarquer Charlotte dans leur prochain film ; un critique naïf et obséquieux est toujours en trop.
Le tournage commence néanmoins mais cadreur refuse de couper la caméra. Les équipements électriques en surcharge dysfonctionnent. Le tournage se transforme en un chaos de pure lumière alors que réalisatrice et actrices hurlent de rage et d'impuissance.
Les instruments de torture subis par les sorcières, tels qu’on les voit dans La sorcellerie à travers les âges (Christensen), des citations de Dostoïevski, Fassbinder, Godard , Buñuel mais surtout de Karl Theodore Dreyer sur les exigences de leur inspiration ou de leur métier avec l'extrait du bûcher de Jour de colère. Des musiques reprises de Barry Lyndon et Mort à Venise. Beatrice tourne un film intitulé L'œuvre de Dieu entre des personnages masculins dominateurs (sauf le critique ridicule et pusillanime) et des femmes excédés des interruptions de la production oun comme Charlotten avec un problème personnel destabilisateur.
Tourné en cinq jours avec des dialogues largement improvisés, le film est néanmoins puissant dans la construction de son désordre. Les actrices sont les égéries d’Yves saint Laurent, maison de couture qui produit le film parmi d'autres projets artistiques.
L'image produite par le chef opérateur justifie, la mise au ban de la réalisatrice et les souffrances des actrices subissant attachées à leur poteau les flashes de lumière. Réalisatrice, producteurs, costumier et maquilleuse, critique de cinéma et solliciteurs de tout genre participent au chaos
Plan séquences en split-screen et, pour finir, flickers, variations très rapides d’images et de lumières qui emprunte à d'autres films stroboscopiques, The flicker (Tony Conrad,1966) ou les films expérimentaux de Paul Sharitz.
Jean-Luc Lacuve, le 12/10/2020