The Magdalene sisters
Peter Mullan
2002

Irlande, comté de Dublin, 1964. Lors d'un mariage, alors que la fête bat son plein, Margaret est violée par son cousin. La nouvelle se propage vite, son père est alerté et la honte s'abat sur toute la famille. Au petit matin, le curé de la paroisse vient chercher Margaret. Deux autres jeunes filles vont être livrées à la très sévère institution Magdalena, Rose qui a donné naissance à un petit garçon sans être mariée et Bernadette, pensionnaire d'un orphelinat qui a simplement attisé le désir des jeunes gens du quartier.

Rongées par la colère, les trois jeunes filles se rebellent contre l'autorité des sœurs, et comprennent petit à petit qu'il leur sera difficile de sortir de cette sinistre institution....

 

 

Peter Mullan avait déjà montré, en 1997 dans Orphans, sa maîtrise du filmage en huis clos pour cerner les réactions de trois frères et une sœur réunis dans la maison familiale de Glasgow pour les obsèques de leur mère. Le sujet apparemment plus facile et grand public de Magdalena sisters a pourtant du mal à dépasser le cadre du film historique pour atteindre à l'universel.

C'est pourtant dans les quelques scènes d'oppression sociale que Mullan se montre le plus brillant. La première séquence est programmatique de sa mise en scène. Le prêtre joue du tambourin sur un rythme endiablé, mais la musique qui palpite ne peut se déployer dans l'espace contraint d'un mariage traditionnel. Engoncé dans son costume, le prêtre sue et les spectateurs restent figés. Bientôt le cousin viole Margaret et celle-ci dénonce le crime. En alternant alors les gros plans de Margaret, statique, et le ballet des hommes qui prennent en charge la gestion du scandale, on pressent que la dénonciation de Margaret entraînera son exclusion.

Même attention portée à l'enfermement des personnages lorsque les jeunes filles sortiront pour la messe en plein air. D'abord joyeuses de cette promenade qui les distrait de leur labeur incessant, elles marchent d'un bon pas, entourées de policiers et entendent la musique du village. La seule confrontation avec le regard des villageois les humilie et leur fait comprendre leur statut de parias. Cette maîtrise de longues scènes sans dialogue se retrouve aussi avec plus de sauvagerie lorsque la sœur supérieure coupe les cheveux de Bernadette-Patricia qui perd à la fois un signe de sa féminité et toute chance d'évasion. A cette scène répondra le dernier plan d'une Bernadette sauvage avec ces cheveux en bataille et son regard rageur vers les sœurs.

Ken Loach (Lady Bird) ou Kiarostami (Ten) nous ont rappelé récemment le courage et l'obstination des femmes face à la violence des hommes et de la société mais il est probable que ce ne soit pas là le sujet principal de Mullan. Il montre en effet que les femmes, si elles restent enfermées passent du côté du bourreau. Ce sont des sœurs qui gardent les jeunes filles. Et, en ne voulant pas voir l'enfant, la mère de Rose est aussi intransigeante que son mari. De même, la mère de Margaret ne défend pas plus sa fille que ne le fait son mari. Lorsque l'enfermement est partout, on comprend que l'une des jeunes prisonnières veuille passer du côté des sœurs : prononcer ses vœux, c'est l'assurance de manger bien et de plus travailler.

On verra plutôt dans le film la défense ardente de la pulsion et de l'humain face à tout ce qui pèse son poids de conformisme social ou de mysticisme. Pour évoquer le poids du conformisme, la mise en scène se fait volontiers maniérée surchargeant les ocres, jouant sur les rares lumières, opposant le dedans et le dehors. Mais il n'est nulle roublardise dans ces effets qui tiennent au sujet même : la haine face à l'emprisonnement ! On notera aussi une belle charge cinéphilique contre le mysticisme : les larmes simultanées de la sœur avec celle d'Ingrid Bergman dans Les cloches de sainte Marie de Leo McCarey. Le gros plan de l'œil entouré de sang évoque aussi la rage lucide du Chien andalou de Bunuel.

Genre : Drame social

Lion d'or Venise 2002. Avec : Geraldine McEwan, Anne-Marie Duff, Nora-Jane Noone, Dorothy Duffy, Eileen Walsh. 2h00