Dans sa confortable maison bourgeoise de Weybridge, Elizabeth Fielding s'ennuie auprès de son mari Lewis, romancier à succès, et de leur jeune fils David. Elle quitte l'Angleterre pour passer quelques jours de vacances dans un hôtel luxueux de Baden-Baden. Elle y rencontre Thomas Hursa, arrivé par le même train. En allant vers sa chambre, Thomas assiste à l'arrestation d'un inconnu. Il cache aussitôt sur le toit une livraison de drogue qu'il doit confier à Swan, un autre trafiquant. Loin de là, Lewis travaille à un scénario sur une femme insatisfaite qui quitte son mari. Dans les fantasmes de l'écrivain, le personnage de fiction a pris les traits de son épouse. Tandis qu'Elizabeth et Thomas bavardent dans un ascenseur, Lewis imagine une scène d'amour dans un décor similaire. La pluie détruit la drogue cachée sur le toit. Thomas prend peur en apprenant l'arrivée de Swan. Après le retour d'Elizabeth, Lewis reçoit une lettre de Thomas, qui se fait passer pour un poète admirateur du romancier. Le trafiquant arrive un après-midi, à l'heure du thé. Il réussit à se faire inviter, puis s'incruste. Sa présence provoque d'abord le renvoi de Catherine, jeune fille au pair qu'Elizabeth considérait déjà comme une rivale. Après avoir été surprise par son mari en train d'embrasser Thomas, Elizabeth décide de partir avec son amant dans le sud de la France, où Thomas reprend le trafic de drogue et son ancienne activité de gigolo. Averti par téléphone, Lewis vient récupérer sa femme, tandis que Swan réussit à retrouver celui qu'il traquait depuis Baden-Baden. Elizabeth revient à Weybridge pour une existence plus bourgeoise que romantique.
Du fascinant Servant (1963) à Accident (1967), sans oublier Le Messager (1971), Joseph Losey s'est souvent passionné pour les rapports de classe et la tension sexuelle entre les êtres. Inspiré par L'Ennui de Moravia, radiographie existentielle de la désagrégation de la bourgeoisie et de son oisiveté, Une Anglaise romantique est sans doute l'une des œuvres les plus méconnues – et les plus exaltantes – de son auteur.
S'attachant souvent à faire imploser les couples, il s'intéresse ici aux rapports désormais inexistants entre un écrivain à succès, un rien blasé, et sa femme profondément désœuvrée. Car c'est bien d'ennui, au sens de Moravia, qu'il s'agit : dans leur grande maison cossue, où chaque objet est à sa place, les deux époux lisent sagement dans leur lit l'un à côté de l'autre, dans un plan des plus éloquents sur l'apathie de leur union. Lorsque Michael Caine demande à Glenda Jackson si elle est insatisfaite, celle-ci, souffrant d'une forme moderne de bovarysme, répond qu'elle aimerait bien, mais qu'elle ne s'y sent pas autorisée. Pensant briser les chaînes conjugales, elle quitte la grande propriété où elle étouffe pour se réfugier à Baden-Baden afin, dit-elle, de "se trouver". Elle y fera la connaissance de Thomas, un gigolo au visage d'ange à qui Helmut Berger prête ses traits, qui la suivra jusqu'en Angleterre.
Le duo devient alors trio. Et comme souvent, les figures triangulaires exacerbent les tensions qui peuvent conduire à l'explosion. D'abord intriguant aux yeux du couple qui y voit l'occasion de pimenter son quotidien, l'intrus ne tarde pas à provoquer l'agacement et la colère. Désinvolte, imperturbable, indifférent aux autres, Thomas assume son statut de parasite ne pouvant compter que sur son physique avantageux pour s'imposer partout où il passe. S'engage alors un fascinant ballet sadomasochiste entre les trois personnages, évocateur des rapports de maître à esclave de The Servant. Par moments, c'est le gigolo de condition modeste – l'origine sociale étant toujours déterminante chez Losey – qui semble avoir l'avantage, puis c'est au tour de l'épouse et, enfin, de l'écrivain.
Progressivement, le cinéaste abat ses cartes : l'artiste, admirablement campé par Michael Caine, est le véritable détenteur du pouvoir, symbolique, réel et financier. N'est-ce pas lui qui, par ses fantasmes, précipite sa femme dans les bras d'un autre ? Il n'y a qu'à le voir, depuis sa maison, dominer le jardin et le kiosque où s'ébattent les deux amants pour comprendre qu'il règne en maître sur son petit monde. Difficile alors de ne pas y voir une somptueuse métaphore du metteur en scène qui a droit de vie et de mort sur ses personnages.