1793. Casanova est au service du comte de Waldstein comme bibliothécaire de son château de Dux, en Bohême. Il est victime des brimades et vexations des domestiques du château. Il vient toutefois de terminer le premier jet de ce qui deviendra Histoire de ma vie. Casanova reçoit visite de la nièce du comte de Waldstein, Cecil, qui lui demande de raconter cet épisode où il ne put séduire la femme qu'il aimait en Angleterre.
30 ans plus tôt, juin 1763. Casanova arrive à Londres dans le parc du château de son ami Claremont. Il y croise une femme qui se laisse caresser par deux hommes dans un carrosse puis, plus tard un homme qui ne se cache pas pour déféquer dans le parc. Assis à la table de jeu, Casanova apprend que la femme du carrosse est Marianne de Charpillon, une courtisane, compagne d'un gentilhomme qui lui doit beaucoup d'argent à la fin de la soirée. Casanova se lie d'amitié avec Lord Pembroke, un vieux séducteur qui ne revoit jamais les femmes avec lesquelles il a couché une fois.
Au matin, Casanova s'aperçoit que la somme gagnée au jeu lui a été versé en fausses reconnaissances de dettes. Lorsqu'il se rend chez le faussaire, c'est Marianne de Charpillon qui l'accueille. Elle le séduit tout le repoussant et l'incite à investir 600 guinées dans un élixir de jouvence préparé par sa tante Anna. Il veut, avant cela, la voir seule. Elle s'invite pour le lendemain alors qu'il a invité Lord Pembroke à déjeuner.
Le lendemain au déjeuner, Lord Pembroke invite Casanova à une réception chez lui mais à peine aperçoit-il Marianne qu'il quitte la pièce comme outragé de sa présence. Il prévient Casanova qu'il ne paye les charmes de Marianne qu'une fois qu'il les aura obtenus. Marianne insiste pour qu'il vienne la retrouver chez sa mère afin de rencontrer sa tante Anna.
Dans ce bar minable, Casanova se méprend sur l'ironie de la tenancière qui lui sert une bière infecte. Il se rend compte trop tardivement qu'il s'agit de la mère de Marianne. Celle-ci finit par arriver mais, humilié par l'attente, Casanova s'enfuit
Lors de la réception chez Lord Pembroke, Casanova rencontre La Cornelys, une cantatrice qui fut sa maîtresse en Italie et qui est l'une de ses grandes amies. La Cornelys tente de gagner sa vie en organisant de grandes réceptions payantes mais s'apprête à fuir l'Angleterre avant d'être rattrapée par ses créanciers.
Marianne vient rendre visite à Casanova toujours offusqué par son attitude. Elle lui montre une mystérieuse boucle en argent qui orne désormais sa chaussure et Casanova se rappelle qu'il lui donna cette boucle alors qu'elle avait onze ans et mendiait à Paris avec sa mère. Emus tous les deux, Marianne impose pourtant à Casanova de lui faire la cour quinze jours avant qu'elle lui appartienne.
Casanova se prête au jeu même s'il lui est difficile de résister à l'envie d'un baiser que Marianne finit par lui donner sur une barque. Enfin, le grand soir arrive. Au retour de l'opéra, Marianne se déshabille devant Casanova mais la mère intervient alors et exige qu'il paie avant de consommer. Meurtri, Casanova s'en va.
Marianne vient le retrouver chez lui, meurtrie par les coups que sa mère lui a infligés. Mais, enfermé dans sa fierté bafouée, Casanova refuse de faire la paix. Il refuse pourtant la partie de campagne que lui offre Claramont pour le distraire de sa passion frustrée pour Marianne. Et c'est toute honte bue qu'il se rend chez Marianne et propose à sa mère 1200 guinées pour obtenir les faveurs de sa fille. La mère le chasse et refuse tout arrangement avec lui.
Casanova est devenu l'amant de la riche Hortense Stavenson à laquelle il avait fait, quelques semaines auparavant, l'amour dans un carrosse. Au cours d'un essayage de chapeaux chez une modiste, Casanova rencontre Marianne et tente d'obtenir d'elle un rendez-vous. Elle lui impose de participer à la partie de campagne organisée le lendemain par Hortense Stavenson et ses amis. Après la visite du château, Marianne exprime le souhait de tenter l'aventure du labyrinthe végétal. Casanova espère enfin la toucher de près; mais ils se font surprendre par Hortense. Le soir dans le parc, Marianne se donne sans vergogne et sous les yeux de Casanova à un client qui souhaite la prendre par derrière. Dans un dernier entretien, elle lui explique qu'elle l'a fait pour lui, pour son plaisir de voyeur et qu'elle est dorénavant entretenue par l'ambassadeur de France.
Désespéré, Casanova s'en va pour se jeter dans la Tamise lorsqu'il est retenu par Claremont. Celui-ci le convainc de l'accompagner pour un dîner chez lui qui se révèle être l'une de ses nombreuses fêtes. Casanova semble oublier ses malheurs dans le bras d'une jolie rousse.
1793. Après avoir écouté son histoire, Cécile s'adresse à Casanova et lui dit : "Elle a dû beaucoup vous aimer pour vous faire autant souffrir". Casanova lui répond : "Il faut souffrir pour savoir qu'on a aimé".
La phrase finale de Cécile, "Elle a dû beaucoup vous aimer pour vous faire autant souffrir" révèle une lecture positive de la relation amoureuse entre Casanova et Marianne. Même si leur relation reste ambigüe et mystérieuse, il est fort peu probable que Marianne soit une manipulatrice. Sans doute émue par celui qui la sauva de la misère alors qu'elle était enfant, elle attend peut-être de lui de nouveau d'être sauvée des relations tarifées que lui impose sa mère.
Une complicité croissante en dépit des malentendus
C'est en effet toujours la mère qui se met en travers de l'amour de sa fille envers Casanova. Surgissant "le grand soir", la mère humilie Casanova en lui réclamant de l'argent sans tenir compte de la preuve d'amour qu'il avait donné en consentant à être durant quinze jours le simple chevalier servant de Marianne. Et si la mère refuse ensuite les 1200 guinées de Casanova c'est qu'elle pressent bien que sa fille lui échappera si l'amour s'épanouit entre elle et Casanova.
Pour Casanova, tout entier à sa souffrance et sa fureur de n'avoir pu posséder Marianne aussi bien son corps que son esprit, la révélation de la puissance de cet amour vient plus tard : "Il faut souffrir pour savoir qu'on a aimé "dit-il en guise de conclusion à Cécile sur le dernier plan au soleil couchant scellant ainsi un eternel regret de n'avoir pu être heureux.
Marianne garde une innocence ingénue et fière. Ce que Casanova prend pour un défi dans son regard lors de leur première rencontre n'est que la fascination qu'elle éprouve au souvenir du don de la broche qu'il lui fit. Cette séquence du Palais Royal ne fait pas l'objet d'un flash-back explicatif mais semble donner aux personnages seuls la base d'une complicité mystérieuse qui échappe même au spectateur (qui n'aurait pas lu Histoire de ma vie).
Un film sensuel et sombre
Benoît Jacquot réussit là un de ses films les plus sensuels car, depuis la première vision de Marianne dans le carrosse jusqu'au spectacle de sa prostitution dans les jardins du château en passant par sa nudité aperçu au bain, c'est une passion physique intense qui lie Casanova à Marianne. Cette passion le conduit à renoncer parfois à ses belles manières : en dépit de son expérience, il agit sans stratégie, toujours sous le coup de l'émotion. Il se rend chez Marianne sur un coup de tête ou casse vaisselle et mobilier lorsqu'il est repoussé, sans la moindre violence pourtant envers qui que ce soit. Le jeu de séduction auquel se livrent Casanova et Marianne accroit la complicité qui les unit. Ils sont tous les deux des parias, des gens peu fréquentables dans leur milieu respectif, aristocrate ou bourgeois. Ils sont tous les deux contraints de gagner leur vie avec difficulté et soumis aux avanies de leur entourage; sa mère pour Marianne et le tricheur au jeu pour Casanova.
Casanova était jusqu'alors un séducteur heureux ; il entretient toujours des rapports amicaux avec les femmes qu'il séduit. La Première rencontre avec La Cornelys sur l'air Che Puro Ciel de l'Orphée et Eurydice de Gluck rend compte de cette belle émotion amoureuse alliant l'amour, l'art et l'amitié. Rien à voir donc avec le Don Juan de Molière, personnage fictif qui, un siècle plus tôt, au travers de ses multiples conquêtes défiait son père et Dieu à travers lui. Rien à voir non plus avec l'image monstrueuse qu'en a donné Fellini dans son Casanova alors plus proche peut-être du Casanova'70 de Monicelli.
Pourtant ici, dans ce sombre épisode de sa vie, le basculement dans l'abime est toujours possible. Marianne s'en ira sans que Casanova ne la revoie après dix mois passés à Londres. Casanova manquera de peu de se suicider dans la Tamise. Une tragique histoire d'amour.Jean-Luc Lacuve, le 30 mars 2019