Jérémie revient à Saint-Martial, un village isolé dans l'Aveyron, pour l’enterrement de Jean-Pierre, son ancien patron boulanger. Il est accueilli par Martine, touchée qu’il soit venu de Toulouse et par Vincent, son fils unique avec qui il vécut son enfance et son adolescence. L'oraison funèbre est prononcée par l'abbé Philippe Griseul. Le soir autour de la table familiale, se retrouvent Martine, Vincent, sa femme Annie, et leur fils Kevin ainsi que Jérémie et Walter qui fut aussi camarade de classe de celui-ci. Comme il se fait tard, Martine propose à Jérémie de dormir pour la nuit dans l'ancienne chambre de Vincent. Celui-ci l'aide à faire son lit et lui propose de faire une partie de yams comme autrefois. Jérémie décline préférant tenir compagnie à Martine. Une fois vinent parti, Martine montre à Vincent l'album de photos et ils s'attardent notamment sur celle de Jean-Pierre en maillot de bain.
Le lendemain, Jérémie se réveille vers huit heures, prend son petit-déjeuner avec Martine et se rend chez Walter qui habite une ferme isolée à quelques centaines de mètres du village. Walter, qui partait faire une course, est surpris de sa visite et n'accepte qu’avec réticence de lui offrir l'apéritif un jour prochain. Au retour, Jérémie passe par la forêt où il est rejoint par Vincent, curieux de savoir pourquoi il est allé chez Walter. Il lui semblait que Jérémie ne l'aimait pas et était jaloux de l'affection que lui portait Vincent. Les deux hommes se chamaillent,en venant aux mains quand l'abbé Griseul les surprend et interrompt ce début de bagarre. Martine propose à Jérémie de reprendre la boulangerie vu qu'il est au chômage. Le soir, Vincent fait tout pour le décourager. La nuit, Jérémie a du mal à dormir. Il se relève pour consulter l'album de photographies qu'il remet précautionneusement à sa place quand Martine, qui a aussi du mal à dormir, le rejoint. Il lui avoue qu'il aimerait le négatif de la photographie de Jean-Pierre en maillot de bain. Martine lui demande s'il a jamais pu avouer son amour à son mari. Jérémie lui confirme que non.
A quatre heures du matin, Vincent entre dans la chambre de Jérémie. Clui-ci est ahuri de ce réveil en fanfare. Mais Vincent n'a pas d'autre choix, il travaille dès cinq heures mais il est aussi vindicatif : il ordonne à Jérémie de partir dès le matin le soupçonnant de s'attarder en laissant de faux espoirs à sa mère d'une reprise de la boulangerie. Il lui conseille de partir au plus vite. Jérémie se rend de nouveau chez Walter qu'il voit en discussion avec Vincent. Celui-ci une fois parti, il découvre Jérémie caché et lui offre cette fois le pastis. En rentrant, Jérémie entend Vincent se disputer avec Martine, le premier reprochant à sa mère de se laisser embobiner par Jérémie. Lorsque l'après midi, Jérémie se promène en forêt il est de nouveau pris à parti par Vincent qui l'accuse de vouloir coucher avec sa mère. Cette fois, il le corrige sévèrement lui intimant l'ordre de partir, ce que, vaincu, Jérémie dit accepter.
Il n'en fait cependant rien et, réglant son réveil à quatre heures, se cache quand Vincent vient vérifier qu'il est parti. Mais il se cache dans la voiture de Vincent et le surprenant par l'arrière lui tient fermement la gorge en lui disant que cette fois c'est lui le plus fort et qu'il fera ce qu'il veut. Il descend alors de voiture et Vincent, qui doit partir travailler, le laisse partir. Ils sont toutefois surpris par l'abbé qui assiste à leur altercation. Le matin, Jérémie est de nouveau chez Walter et ils boivent pastis sur pastis quand déboule Vincent. Walter veut que Jérémie se cache et celui-ci trouve, au milieu de vêtements mal rangés, un slip et un maillot de Walter qu'il enfile. Lorsque celui-ci s'est débarrassé de Vincent, Jérémie vient le toucher de près, ce qui met hors de lui Walter. Il le chasse à coups de fusil.
Jérémie s'est à peine rhabillé pour prendre la route vers chez Martine qu'il voit venir vers lui Vincent en voiture qui propose de le ramener. Mais conduisant de plus en plus vite, Vincent emmène Jérémie dans un coin isolé de la forêt et engage un combat plus violent que la première fois; dominé dans les échanges de coups, Jérémie profite d'une brève période de répit pour se saisir d’un bâton et en frapper Vincent puis, alors qu'il va se relever, lui fracasser le crâne d'une lourde pierre. Jérémie traîne le corps vers un terrain plus meuble et creuse une tombe dans laquelle il enterrer Vincent, prenant soin de la recouvrir de feuilles. Puis il prend la voiture de Vincent et va la garer sur le parking de la gare de Millau.
Au petit matin, Jérémie a parcouru à pied les 40 km depuis Millau et rentre chez Martine qui lui reproche vertement de ne pas l'avoir averti qu'il découchait. Jérémie élude, va se doucher puis se reposer. Il repart ensuite dans la forêt vérifier qu’il n'a laissé aucune trace compromettante. Il ramasse ainsi quelques feuilles tachées de sang. A son retour, il trouve Annie inquiète de l'absence signalée de son mari à son travail et qui ne répond pas au téléphone. Interrogé sur son absence dans la nuit, Jérémie répond qu'il a beaucoup bu la veille chez Walter et qu'ensuite, surpris par la pluie, il s'est écroulé dans une grange. La nuit Jérémie fait un cauchemar et pousse un cri qui inquiète Martine. Elle lui propose de veiller sur lui pendant son sommeil. Subrepticement, elle l'interroge dans son demi-sommeil :" tu n'oses pas me dire quelque chose à propos de Vincent ?"
Le jour suivant, Jérémie est de nouveau dans la forêt et ramasse quelques morilles qui ont poussé au-dessus de la tombe de Vincent et qu'il cache dans un sac plastique. Il s'inquiète de voir passer deux promeneurs puis l'abbé Grisole qui s'étonne qu'il n'ait pas trouvé de champignons alors que lui en a un panier plein. En rentrant chez Martine, il voit attablés Walter, Annie, l'abée Griseul et un et une gendarme. Jérémie ne se désarme pas et interroge pour savoir si on a des nouvelles de Vincent mais il est mis en demeure de s'expliquer. Il avoue avoir été chez Walter et qu'après Vincent l'a pris en voiture. Ils ont discuté jusqu’à Millau et que Vincent l'a laissé seul remonter à pied. La nuit Jérémie a du mal à trouver le sommeil. La nuit le gendarme s'introduit dans sa chambre et lui pose la question de savoir où se trouve le corps
Le lendemain, il rend visite à Walter qui lui en veut d’avoir révélé qu'ils avaient beaucoup bu ensemble et lui dit que sa version n'est pas crédible. Vincent n'aurait jamais abandonné sa voiture s'il était parti. Jérémie est de nouveau dans la forêt et cette fois ramasse de nouveau des champignons sur la tombe de Vincent mais ce sont les gendarmes qui surgissent. Il doit expliquer qu'il s'est bagarré mais les gendarmes ne croient pas que cela soit suffisant pour remplir son emploi du temps le jour de la disparition de Vincent. Jérémie va avouer lorsque l'abée lui fournit un alibi : ils ont passé la nuit ensemble. Les gendarmes ne peuvent qu'admettre cet alibi. L'abbé entraîne Jérémie au confessionnal et lui fait comprendre qu'il ne l'a pas dénoncé parce qu'il l'aime. Ce à quoi Jérémie répond qu'il ne peut aimer le prêtre comme il le voudrait. L’abbé Griseul affirme que voir Jérémie tous les jours suffirait à son bonheur. La nuit, Jérémie voit le gendarme ouvrir la porte. Il s’enfuit chez l'abbé et accepte à contrecœur de dormir dans son lit. Le gendarme arrive et constatent que non seulement Jérémie et l'abée dorment dans le même lit mais que celui-ci a une érection preuve d'un désir pour le garçon. A peine le gendarme parti, l'abbé et Jérémy filent déterrer le corps de Vincent et l'abbé l'enterre dans une tombe du cimetière. Martine arrive au petit matin, inquiète de l'absence de Jérémie. Ils retournent dans sa chambre. Martine accepte qu'il dorme avec elle. Allongée près de lui accepte qu'il lui prenne la main : oui la main, je veux bien.
Neuf personnages en tout et pour tout et guère plus de lieux, c'est dans ce petit théâtre d’un village de l'Aveyron (le film est tourné à Sauclières à une quarante de kilomètre au sud-est de Millau) que Guiraudie construit un espace de circulation des désirs basé sur la volonté de sortir des frustrations du passé sans en générer de nouvelles. Guiraudie en empathie avec ses personnages leur offre la possibilité d'une vie nouvelle délestée des contraintes de notre monde : une miséricorde qui vaut le temps du film.
C'est dans la chambre de Jérémie, métaphoriquement dans son inconscient, que surgit le passé ; violemment avec Vincent, trois fois. Il le questionne. Il lui donne l'ordre de partir puis le chasse de son lit ce qu'il est contraint de faire pour montrer qu'il peut être le plus fort en le surprenant dans sa voiture. Mais surgissent aussi dans sa chambre, Martine, qui aimerait savoir l'état des relations de Jérémie et Vincent et le gendarme par deux fois. Ainsi le repos de Jérémie est-il perturbé les six nuits qu'il passe à Saint-Martial. L'abbé Griseul lui intervient toujours au bon moment telle une apparition pour empêcher une bagarre, avertir d’un danger, sauver de la police ou du suicide
Il y a ainsi matérialisation immédiate dans l'image des désirs et frustration du passé du héros. Le film accumule ainsi les ellipses, sautant d'un lieu à un autre : le lieu unique en forêt, le bord de la falaise, la maison de Walter, celle de Martine avec la chambre et la salle à manger, celle du prêtre. Le film est ainsi un concentré d'apparitions plus ou moins étranges ou inquiétantes assez proche de ce que Quentin Dupieux réalise, notamment dans Daaaaaali ou de Chien de la casse (2023) de Jean-Baptiste Durand... qui interprète ici Vincent Rigal.
Il y une affirmation politique à ne pas renoncer à être soi-même, à ne pas renoncer à ses désirs, même quand ceux-ci n'ont pas abouti. L'abbé l'affirme : nous sommes coupables de notre silence face aux guerres, de notre inaction face à la destruction de la planète et pourtant nous nous en arrangeons. Il faut pardonner aux hommes les actes répréhensibles accomplis sans préméditation et qu'aucune réparation ne sera utile à la société pour aller mieux. On notera pourtant que ce silence contraindra, l’enfant, Kevin, à supporter le poids d'un abandon.
Le film est basé en partie sur le roman Rabalaïre qu'Alain Guiraudie a publié en 2021; celui-ci donne peut-être d’autres pistes.
Jean-Luc Lacuve, le 31 octobre 2024