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Les baisers de secours

1989

Avec : Brigitte Sy (Jeanne), Philippe Garrel (Mathieu), Louis Garrel (Lo), Anémone (Minouchette), Maurice Garrel (La père de Mathieu), Yvette Etiévant (La mère de Mathieu), Jacques Kébadian (Paul), Valérie Dréville (Josette), Aurélien Recoing (Le comédien), Pierre Romans (Le metteur en scène de théâtre). 1h23

Mathieu, cinéaste, prépare un film qui racontera sa propre histoire. Il jouera son propre rôle tandis qu'il a demandé à une actrice, Minouchette, de jouer celui de sa femme Jeanne.

Celle-ci, également actrice, accepte difficilement dêtre écartée du film. Elle s'en prend d'abord Minouchette: "Tu lui auras fait un film comme je lui aurai fait un fils", puis exige qu'elle lui demande de lui accorder le rôle, ce qu'elle fait. Jeanne le lui donne. Mathieu la trouve ensuite au lit avec un inconnu. Elle demande bientôt à Mathieu de ne plus rentrer à la maison: "Si je continue à t'aimer, je perds ma dignité." Mathieu a déjà retenu une chambre à l'hôtel.

Mais bientôt Jeanne regrette ses phrases définitives et rend une clé à Mathieu. Avec leur fils Lo, ils se rendent à la montagne chez la mère de Mathieu. Celui-ci constate qu'il lui est plus difficile de parler à sa mère qu'à son père, comédien également, qu'il rencontre régulièrement dans un café. Mathieu est de plus en plus en proie au doute: n'y a-t-il que l'amour entre les hommes et les femmes ?

Au cours d'une discussion sur le cinéma avec un autre couple, l'amie lui affirme qu'il n'y a que l'amour pour faire une histoire. Mais pour lui, les histoires finissent toujours par un accident.

Sur un quai de métro, Jeanne regarde Minouchette monter dans une rame et s'éloigner.

Philippe Garrel filme l'amont d'un tournage. Jeanne prend pour un affront d'être écartée du film qui raconte sa vie. Elle se voit dépossédée de son rôle donc de sa vie. Un conflit affectif éclate alors. Par peur, l'homme ne souhaite pas dénaturer son amour pour sa femme en lui demandant de jouer ce qu'elle est dans la vie tandis qu'elle, au contraire, ne supporte pas l'idée d'être niée de la sorte, dans son existence et sa dignité. Pour elle, le cinéma n'est pas séparable de la vie.

Réalisme d'un côté (l'homme), idéalisme de l'autre (la femme), deux manières d'éprouver le monde et les sentiments. Privée de ce qui lui appartient fondamentalement, Jeanne va se mettre en devoir de récupérer son droit à l'existence auprès de sa rivale de cinéma. C'est pour elle la seule façon de résorber la distance de regard qui l'éloigne de Matthieu.

Si celui-ci ne lui confie pas le rôle, c'est en raison de sa réticence à confondre rationnellement le cinéma et la vie : "C'est pas une poubelle un film, on n'y met pas tout ce dont on veut se débarrasser dans la vie. " dit-il à son père.

Jeanne n'est évidemment pas de cet avis. A ces yeux, le cinéma constitue une vraie preuve d'amour. L'ignorer représente un désaveu difficile à pardonner.

Analyse de David Vasse, plus complète dans : Faire un film, défaire la vie (sur trois films de Philippe Garrel) dans CinémAction n°124. Le cinéma au miroir du cinéma. 2007.

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