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Le songe de la lumière

1992

Voir : Photogrammes

(El sol del membrillo). Avec : Antonio López García, Marina Moreno, Enrique Gran, María López, Carmen López, Elisa Ruiz, José Carretero, Amalia Aria. 2h13.

dvd

Nord de Madrid, quartier de Chamartin. Samedi 29 septembre 1990. Antonio López entre dans la maison qui lui sert d'atelier, prépare le cadre, cloue le fond et la toile. Dimanche 30, il sort devant le cognassier, délimite un cadre autour de l'arbre avec des piquets et de la ficelle et fige sa place avec deux petits clous plantés dans le sol. Il place tableau blanc sur le chevalet. Il mesure les distances et les rapporte avec la règle sur sa toile. Ces distances sont celles du cadre de ficelle autour de l'arbre ainsi que celles au mur et, beaucoup plus proches, d'une feuille et du tronc.

Lundi 1er octobre. Les ouvriers polonais travaillent, un ferrailleur passe dans la rue. José se réveille. Marina, la femme d'Antonio que tous appellent Mari, arrive. José se plaint du chien, Emilio, qui a aboyé toute la nuit. Antonio peint et chante pendant que sa femme grave minutieusement au stylet dans l'atelier au-dessus de lui. Le sable est arrivé. La lumière a fuit. Elle ne dure que deux heures par jour le matin, depuis la sur surgissement du haut des immeubles voisins pour éclairer le fait de l'arbre. Presque tout l'arbre reste dans l'ombre et le soleil ne dore que sa cime. Antonio veut le peindre au soleil. Les ouvriers puis les deux filles d'Antonio et Mari, Maria et Carmen, commentent son travail. Bulletin d'info du soir : l'Allemagne est officiellement réunifiée, la guerre du golfe. Les ouvriers s'en vont. Madrid éclairé, les appartements éclairés par la TV.

Mardi 2, l'orage menace. Antonio fait bâcher l'arbre et son installation. Jusqu'au 9 la peinture avance lentement.

Le 10, visite de Enrique auquel Antonio fait part de ses doutes. La taille du tableau et la lumière lui paraissent excellentes. En revanche, le tableau lui semble mal équilibré. Il rabaisse la ligne d'horizon de 6 cm. Les deux condisciples évoquent les souvenirs de l'école San Fernando. Antonio avait 14 ans et Enrique. Ils se souviennent de Conchita et des professeurs Valverde et Soria envers qui ils regrettent d'avoir été trop respectueux, mais se souviennent de la leçon sur l'intégrité. Ils commentent une reproduction du Jugement Dernier, peint par Michel-Ange alors qu'il avait entre 64 et 68 ans et se représente sur la dépouille de Saint Bartholomé. Il avait une idée terrible de la vie. Dieu menace les damnés mais aussi les justes, terrifiés par ce Dieu, moins lumineux que les dieux et déesses des Grecs

Du 12 au 24, il pleut, et, le jeudi 25, le tableau est remisé à la cave. Vendredi 26, Antonio reprend son sujet au crayon. Samedi, la radio annonce encore mauvais. Dimanche 28, les enfants sont à la maison.

Vendredi 2 novembre. Xiao Ming, une artiste chinoise, et son interprète l'interrogent. C'est la troisième fois qu'il peint cet arbre, l'an dernier dessin plus petit, il a planté l'arbre il y a quatre ans. Il est important d'être à côté de l'arbre, ce que ne permettrait pas une photo. La masse compacte est due à la symétrie avec l'arbre au centre, comme une solennité d'être humain qui lui fait renoncer à une esthétique de l'espace. Le fil a plomb donne la verticale et le fil horizontal donne la ligne d'horizon. Les coings, en mûrissant, s'affaissent vers le sol et les branches se courbent peu à peu d'où les multiples marques. Il peint la limite des formes mais renonce à la lumière, trop difficile.

Samedi 11, Julito se moque de toutes ces marques preuve d'un manque de spontanéité. José tient les feuilles avec une gaule pour qu'Antonio puisse distinguer les coings cachés sous les feuilles, le 23 c'est Enrique qui le remplace. Avec Antonio, ils écoutent la musique des années avec Conchita

Antonio rêve. Il se croit à Tomelloso devant la maison où il est né, des arbres qui n'ont jamais poussé là des cognassiers ; il se voit au milieu des arbres avec ses parents et d'autres personnes non identifiables. Personne ne semble voir que les fruits pourrissent sous la lumière limpide et sombre transforme tout en métal et en cendre.

Lundi 3 décembre. Antonio découvre un coing tombé par terre. Il continue néanmoins son dessin encore une semaine. Le lundi, il renonce néanmoins et défait son matériel. Le mardi, il regarde son dessin dans l'atelier pendant que sa femme et ses filles ramassent les coings et que les ouvriers y goûtent. Le soir, Mari lui demande de poser pour un ancien tableau hyperréaliste qu'elle reprend. Sur Madrid, le piruli diffuse ses images aux postes de télévision des habitants de la ville. Antonio s'est assoupi et rêve d'une caméra qui s'allume soudainement sur les coings.

C'est le printemps. Les coings de l'an passé sont si pourris qu'ils se décomposent. Aux branches du cognassier de nouveaux coings apparaissent. Le film est dédié à Paco Solorzano

Le songe de la lumière est un documentaire sur un peintre qui tente de représenter un cognassier et le trajet de la lumière sur lui. Du fait des pluies incessantes d'octobre, il ne peut terminer sa toile à l'huile et entreprend durant tout le mois de novembre d'exécuter un dessin au fusain. Début décembre, les coings tombent de l'arbre et il renonce. Il accepte alors d'être le modèle de sa femme pour un tableau hyperréaliste. Il s'endort et rêve d'une caméra qui illumine le cognassier. A printemps les anciens fruits sont pourris, les nouveaux mûrissent aux branches.

Un documentaire sur la simple beauté du travail de peintre

Erice rejette un cinéma qui montrerait un artiste solitaire poursuivant une chimère qui réagirait avec emphase selon l'iconographie de l'artiste romantique au cinéma incarnée par La vie passionnée de Vincent Van Gogh.

Ici, d'une part seul le cadre de travail est filmé. Pepe, le peintre-maçon et les maçons polonais étaient là. Enrique a été invité à passer comme il le fait fréquemment. Seule Mari n'est pas là d'habitude. Il n'y avait pas de scénario et rien d'écrit.

D'autre part ce n'est pas ici la réussite de l'oeuvre qui importe. Le tableau est remisé à la cave au bout d'une heure et dix minutes. La maîtrise et le génie du peintre ne chercheront jamais à être "prouvés". Le cinéma, à moins d'un commentaire savant, ne peut attester de la valeur d'une oeuvre d'art qui n'est définie que de façon externe par l'histoire officielle de le peinture. Ce à quoi s'attache ici Erice c'est à la simple beauté du travail du peintre, son émerveillement, sa proximité avec la nature mais aussi son immersion dans le Madrid contemporain.

L'atelier n'est pas situé dans un jardin impressionniste, isolé dans la nature. C'est le jardin d'une grande ville moderne, saturée de bruits, près de la gare de Chamartin, avec la présence quotidienne des images du téléviseur, du "piruli", l'antenne de télévision, arbre électronique face au petit arbre qui renvoie au mystère de la nature.

Victor Erice a décidé de faire le film à partir du moment où il a su que Antonio Lopez s'apprêtait à peindre son arbre. Il avait aussi en tête le rêve qui apparaît à la fin comme un mystère à peine dévoilé des rapports entre cinéma et peinture. Erice s'est demandé si la lumière de la caméra était en partie responsable de la pourriture des coings. La peinture est proche de la civilisation millénaire alors que le cinéma est un art brutal, mécanique, cruel et artificiel. La nature est indifférente tout autant à la splendeur qu'à la décomposition. C'est à cette douceur qu'essaie de tendre le songe de la lumière.

Jean-Luc Lacuve le 03/09/2010.

Un pirulí est un caramel dur et coloré (sorte de grande sucette en sucre), d'une taille de 10 à 15 cm, de forme conique ou pyramidale avec un bout très pointu et un bâtonnet à la base pour le tenir. À cause de sa forme similaire à Madrid, El Pirulí est le surnom que l'on donne à la Torrespaña, la tour principale de communications de la radio télévision espagnole.

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, septembre 2010. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20€

Suppléments :

  • Conversation entre Victor Erice et Antonio Lopez à la télévision espagnole TVE2 (38 mn)
  • Deux scènes coupées (18 mn)
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