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Un monde parfait

1993

Voir : photogrammes
Genre : Film noir
Thème : Transmission

Avec : Kevin Costner (Butch Haynes), Clint Eastwood (Red Garnett), Laura Dern (Sally Gerber), T.J. Lowther (Phillip Perry), Tom Adler (Texas Ranger) 2h18.

Butch Haynes, voleur récidiviste, s’évade d’un pénitencier du Texas avec son compagnon de cellule, Terry Pugh, un criminel endurci. Ayant "empruntée" la voiture d’un membre de l’administration pénitentiaire (dont le cadavre sera retrouvé dans le coffre), les deux fugitifs prennent en otage le jeune Phillip Perry dont la mère, Gladys, fervente témoin de Jehovah, a été abandonnée par son mari avec ses trois enfants.

Red Garnett qui, jadis, contribua à la lourde peine de prison infligée à Butch, se lance à leur poursuite à bord de la caravane sophistiquée "empruntée" au gouverneur. Elle doit servir de Q.G. au gouverneur du Texas, pour un événement de taille : nous sommes en novembre 1963 et , dans quelques jours, le président Kennedy va rendre visite aux habitants de Dallas. Red est accompagné d’un chauffeur, d’un membre des Texas Rangers, d’un agent du F.B.I., tireur d’élite à la gâchette facile, Bobby Lee, et d’une éminente criminologue, Sally Gerber. La jeune femme estime que Butch, garçon intelligent, a eu sa vie gâchée par la sévérité de la justice et parce qu’on ne lui a jamais donné la moindre chance de se réinsérer.

Bientôt, Butch doit éliminer Terry, dont le comportement pervers effraie Phillip. Celui-ci, en revanche, éprouve d’emblée tendresse et admiration pour Butch, qui représente à ses yeux le père qu’il n’a jamais connu. À ses côtés, il découvre l’aventure et les joies enfantines que son éducation rigoriste lui avait jusqu’alors interdites. De son côté, le truand, qui connaît lui-même à peine son père, s'identifie progressivement au père du môme. Ensemble, ils échangent leur voiture contre celle d’un paysan et le petit garçon se risque même à dérober une panoplie de fantôme, un larcin qui, selon lui, le fait basculer dans le camp des hors-la-loi.

Pendant ce temps, l’étau de la police se resserre. Après maintes tribulations, l’évadé et le petit garçon sont hébergés pour la nuit par Mack, un ouvrier agricole, et sa femme Lottie. Mais l’attitude cruelle et injuste de Mack envers son fils Cleveland réveille en Butch le souvenir des mauvais traitements que lui avait fait subir son propre père. Fou de rage, il s’apprête à abattre Mack. Redevenant ainsi un truand aux méthodes révoltantes, il déclenche la réaction du môme qui le blesse grièvement en tirant sur lui. Au premier degré, Phillip se révolte contre le bandit et l'empêche de nuire. Au second degré, il assume l'héritage de ce "père" : Butch a lui aussi été assassin, à l'âge de huit ans, dans des circonstances comparables (il a tiré sur l'agresseur de sa mère).

Après une brève poursuite, l’enfant assiste son compagnon dans son agonie. Arrivé sur les lieux avec son équipe, Red parlemente. Toutefois, Bobby Lee, adepte de méthodes expéditives, tire sur le blessé sans l’accord de Red qui le frappe violemment. Allongé dans l'herbe, Butch voit dans un dernier regard Phillip s'éloigner en hélicoptère tenant dans la main la vieille carte postale maculée de sang que lui avait envoyée son père.

scène-clé : Scène de générique finale. Celle-ci reprend tout d'abord, au mouvement de caméra près, la courte scène du générique initial. Butch allongé dans l'herbe semble faire sa sieste, un masque d'enfant et des billets, symboles ambiguë d'une réussite affective et sociale, sont près de lui. Puis, l'hélicoptère s'envole et découvre un splendide paysage bucolique sur une musique lyrique exempte de tout pathos. Pourtant la caméra n'a pas cadré l'essentiel, Butch est mortellement blessé. Cette séquence est très proche du poème de Rimbaud "Le dormeur du val" : "les parfums ne font pas frissonner sa narine "Il dort sous le soleil, la mains sur sa poitrine, tranquille "Il a deux trous rouges au côté droit"

Message essentiel : Sous l'apparente quiétude de la campagne et des valeurs familiales se joue une tragédie ignorée: le passé individuel ou collectif corrode sans cesse la foi dans le présent.

Le film se joue dans deux sphères distinctes, celle de la famille, de la campagne et de l'intimité où se retrouvent Butch et Phillip et celle des lois, de l'histoire et de la société où domine Red. Dans l'une et l'autre vont surgir de redoutables contradictions qui lorsqu'elles vont se rencontrer aboutiront au drame.

Par bien des côtés, Un monde parfait est une version moderne d'un des plus beaux films de Fritz Lang : Les contrebandiers de Moonfleet. Comme dans ce dernier, un jeune garçon sans soutient paternel se découvre un père d'occasion cynique et révolté qui paie de sa vie pour l'initier à la complexité du monde. En apparence tout est pourtant assez simple, la nature est là magnifique et accueillante et Butch est un père sachant inculquer à son fils des valeurs libératrices (liste des choses à faire avant de mourir). Mais les ellipses du récit cachent la réalité d'un monde sauvage (hors champ Butch abat son complice et avait déjà participé à l'assassinat du gardien de la prison que l'on découvre soudain dans le coffre de la voiture).

Dans la sphère de ceux qui prétendent faire l'histoire, les lois et la morale, Red agit en maître bienveillant. On comprend pourtant qu'il a provoqué le déséquilibre de Butch en l'envoyant encore enfant dans une prison pour le priver d'un père qui, bien que gangster, est demeuré son unique repère (recherche d'une Ford et carte postale).

Jean-Luc Lacuve, le 29/01/2007

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