Le petit criminel

1990

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Thème : Transmission

Avec : Richard Anconina (Le flic, Gérard), Gérald Thomassin (Le garçon, Marc Thuron), Clotilde Courau (La soeur, Nathalie), Jocelyne Perhirin (La mère), Cécile Reigher (La vendeuse), Daniel Villanova (Le principal), Dominique Huchede (Le professeur), Dominique Soler (La mère de Jérémy), Ananda Regi (Jérémy). 1h40.

Même sous le chaud soleil de Sète, la vie n'est pas toujours gaie pour le jeune Marc. Son père est parti alors qu'il était tout petit et sa mère, Henriette, remariée avec un voyou dont il porte le nom, est toujours entre deux vins.

Un jour, sa mère trouve un revolver caché sous le linge par son mari et Marc reçoit un coup de téléphone de sa sœur aînée Nathalie, qu'on lui avait dit morte en bas âge. Bouleversé, Marc décide de la rejoindre à Montpellier, où elle habite avec leur père. Il s'empare le revolver de son beau-père s'endort sur le port et, pour financer son escapade, "emprunte" 500 francs le lendemain matin à la vendeuse d'une parfumerie sous la menace de son arme.

A peine sorti de la boutique, il tombe sur Gérard, un policier solitaire et compréhensif qui se met à l'interroger, le sachant souvent tenté de faire l'école buissonnière et de commettre de menus larcins. Excédé de cette malchance l'adolescent prend le flic en otage et, sous la menace du revolver, l'oblige à le conduire en voiture à Montpellier. Gérard accepte non sans avoir téléphoné pour connaître l'adresse de Nathalie et avoir fait promettre à ses supérieurs de ne pas intervenir, Marc menaçant de se suicider s'il ne parvient pas à voir sa sœur.

En voyant débarquer, en compagnie d'un policier, ce frère qu'elle a à peine connu, Nathalie commence par se rebiffer. Mais son père étant toujours absent, elle comprend que Marc est sa seule vraie famille, un point d'ancrage dans son univers à la dérive. Dès lors, elle prend sa défense contre Gérard, dont le devoir est de remettre Marc entre les mains de la police.

Gérard refuse mais c'est Nathalie qui dérobe son arme de service et le menace à son tour. Nathalie voudrait convaincre Gérard de minimiser la gravité des gestes de Marc et l'oblige à prendre les petites routes pour rentrer. La complicité entre le flic et les deux adolescents grandis. Ils s'arrêtent une dernière fois pour que Nathalie casse la vitre où es t visible l'impact de la balle tirée par Marc dans l'affolement. Elle prend un bain et laisse discuter entre eux Marc et Gérard.

Ils rentrent à Sète au soleil couchant et Gérard accepte sur les supplications de Nathalie que Marc aille rendre l'argent dans la boutique où il avait "emprunté" 500 francs. Mais, au lieu de revenir à la voiture, Marc s'enfuit tout de suite après.

Marc se rend chez sa mère à laquelle il remet le shampooing acheté dans la parfumerie puis chez son ami Jeremy. Il veut que celui-ci change le nom sur sa carte d'identité transformant le nom de son beau-père, Thuron, en celui de son père, Almera.

Nathalie passant chez sa mère qui la regarde à peine puis chez Jeremy parvient à convaincre Marc de se rendre chez Gérard qui, exténué mais à bout d'argument, les héberge pour la nuit.

24 heures après le début de sa cavale, Marc se fait conduire au collège par Gérard et Nathalie où il espère convaincre l'administration de sa bonne volonté de reprendre la classe si on l'accepte sous son vrai nom. Brandissant fièrement son vrai patronyme, Marc heurte la rigidité disciplinaire de son professeur et du principal. Désespéré, il accepte de se laisser conduire au commissariat par Gérard et Nathalie imaginant de construire avec sa petite sœur Stéphanie une vie heureuse à eux quatre.

Marc, le petit criminel privé de père et de références morales, s'enfonce dans la délinquance, jusqu'à ce qu'un policier lui permette de donner un sens à sa vie.

C'est la capacité à maintenir la fragilité et l'improbabilité de ce sauvetage qui fait de ce drame un film bouleversant de bout en bout. La fin n'est probablement guère optimiste. Les espoirs de Marc de refonder une famille d'élection avec ses deux sœurs, Nathalie épousant Gérard qui aurait "un droit de visite" sont donnés comme un mirage. Les yeux en gros plans de Marc sont hors de l'espace réel contrairement à ceux de Gérard qui regarde Sète puis s'enfonce dans la réalité du commissariat.

Une fin pessimiste n'est pas certaine non plus. La réalité sociale est montrée comme constamment hostile. La mère confinée dans son appartement sans espoir de sortie autrement que dans l'alcool. Daniel, son mari, comme le père de Nathalie sont eux constamment absents et ne figureront jamais à l'écran. La vendeuse du magasin est prête à se faire tuer plutôt que de donner de l'argent de la caisse. Elle préfère le prendre dans son propre portefeuille de peur de se faire virer. La professeure qui "accueille" Marc à son retour, le professeur de français qui avait mis un point d'interrogation sur sa bonne copie comme le principal du collège montrent une rigidité morale ne sachant s'accommoder des exceptions.

C'est donc dans la fuite hors de la réalité sociale délétère que Marc parvient à se reconstruire pour, peut être un jour, affronter la dureté du monde social. Doillon parvient toujours à maintenir cet espoir dans l'arrière plan d'un cadre où Marc étouffe. Lorsque Marc dort sur une planche du port ou étouffe dans la voiture, un bateau au départ de Marrakech ou un arrière plan de mer évoquent toujours une fuite possible.

La proximité psychologique de Gérard et Marc fait le reste. C'est parce qu'il eut un père suffisamment fort (la narration de la demande d'être boxeur) que Gérard n'a pas versé dans la délinquance. Il sait qu'il ne doit pas se contenter de sa défroque de policier mais endosser le risque d'une paternité symbolique pour sauver cet enfant dans lequel il se reconnaît.

Entre ces deux sauvages qui se reconnaissent (discussion face à la mer, au pied des escaliers la nuit, au petit déjeuner), Nathalie est la médiatrice à la fois sœur et femme (bain dans la mer). Elle est certainement ce qui peut arriver de mieux à ces deux garçons.

Dans Un monde parfait (1993) Clint Eastwood reprendra le thème de la résilience.

Quelques dialogues marquants :

Jean-Luc Lacuve, 2004