Ville de Kalinov. Axioucha aime en secret Piotr Bratov, fils d'Ivan Petrovitch, un riche moujik. Elle vit chez sa tante Raissa, qui entend lui faire épouser Aleksey Serguei Boulanov, un jeune aristocrate désargenté, fils d'une amie. Lorsque celui-ci parait, fort satisfait de cet arrangement, Axioucha le repousse. Karp, le serviteur de Raissa, reproche au jeune fat, sa présomption et son manque d'égards envers Axioucha.
Raissa Gourmyjskaïa converse dans le parc avec deux notables de la ville, ses amis Evgueni Milonov et Vosmibratov. Elle leur explique son projet de mariage entre sa nièce Axioucha et Aleksey, le fils de son ami. Elle entend ainsi faire trois bonnes actions : rassurer la mère, donner des moyens au fils et trouver un parti pour sa nièce. Elle a un second projet. Elle veut léguer ses biens au neveu de son mari dont elle est sans nouvelle depuis douze ans. Il y a quinze ans, elle l'a préparé à la carrière militaire mais en lui donnant peu de moyens. Elle croit néanmoins qu'il a réussi. C'est ce qu'elle explique à ses amis en leur demandant de lire une lettre reçue il y a douze ans de Guennadi, son neveu, pourtant assez ambigüe. Elle prévoit de signer son testament dans deux jours et demande à ses amis de venir le contresigner.
Survient alors le moujik, Ivan Petrovitch Bratov, qu'elle a convoqué pour lui vendre une parcelle de forêt. Ivan Petrovitch est cependant aussi venu pour un second projet. Il demande 4 000 roubles pour établir son fils Piotr, tombé amoureux d'Axioucha. Raissa refuse, prétextant qu'Axioucha a déjà un fiancé. Elle souhaite plus d'argent et voudrait vendre une seconde parcelle. Ivan Petrovitch veut bien en plus de la parcelle à 1500 roubles en acheter une autre mais pour 500 roubles seulement.
Raissa exige qu'Axioucha joue à la fiancée quels que soient ses sentiments. Elle demande à Oulita, son intendante, de surveiller sa nièce. Elle lui avoue aussi éprouver de l'amour pour un beau jeune homme qui ne peut être qu'Aleksey.
Axioucha et Piotr se retrouvent dans la forêt. Piotr explique que son père veut trois mille roubles de dot pour elle. (Toi es-tu libre ? je suis un bagnard, je suis aux autres, pieds et poings liés). Piotr imagine fuir après avoir volé son père, tout dépenser puis, soit revenir faire amende honorable, soit choisir une falaise bien haute, un ravin bien profond ou un trou d'eau avec un tourbillon bien fort et là : plouf, comme une hache !
Dans la forêt, entre les villes de Volow et Kerch, c'est la rencontre entre deux comédiens, l'un exalté, l'autre jouisseur et bouffon. Guennadi cite Hamlet dont il acheté le costume contre un frac. Arkadi possède un sac avec des vaudevilles, médailles et épaulettes. Il jouait les amants, puis les comiques; il doit se contenter d'être souffleur. Il a tenté de se reposer dans la famille de son oncle où il fut considéré comme un paria : "infortuné, assassin de ton âme" répétait sa tante. Il s'est remplumé mais s'est soudain senti obsédé par le suicide. Guennadi recherche une jeune actrice, une femme qui se jette dans un étang par amour : ça c'est une actrice. Ils arrivent à la propriété des souches.
Le second matin, Aleksey vient voir et Raissa dans sa chambre. Elle minaude et déclare avoir rêvé de lui. Aleksey s'en dit content. Il voudrait diriger le domaine. Raissa est inquiète : elle a rêvé que son neveu tuait Aleksey au pistolet. Maintenant, elle n'a plus envie de lui comme héritier et s'inquiète d'un éventuel retour.
Guennadi et Arkadi sont aux bains dans la propriété. Le premier demande au second de le présenter comme un capitaine en retraite et lui-même comme un laquais; ce qui ne plait pas trop à Arkadi. Quand Raissa apprend que son neveu est de retour, elle y voit la preuve de son mauvais pressentiment de la nuit. Quand Guennadi rencontre Aleksey, il le perçoit immédiatement comme un flatteur en quête d'héritage. Aleksey se défend en évoquant la nécessité d'avoir un esprit pratique quand on a raté ses études. Guennadi se montre heureux de revoir sa tante qui fait contre mauvaise fortune bon cœur et accepte de le recevoir pour quelques jours.
Surviennent alors Ivan Petrovitch et son fils Piotr. Raissa leur donne d'avance la quittance où il est indiqué : "reçu tout l'argent dû" et est interloquée quand Ivan Petrovitch ne lui donne que 2000 roubles, somme qu'il estimait juste mais qu'elle avait crue pouvoir gonfler de 1000 roubles. Quand elle se présente comme victime, Ivan Petrovitch lui répond méchamment : "vous auriez souri, on aurait fait un geste. Mais notre race et notre état, madame les dédaigne". "Un pillage au grand jour" commente Raissa qui vient tout raconter à Aleksey et son neveu.
Celui-ci s'en va demander raison à Bratov, qui l'honneur piqué à vif, lui laisse les 1000 roubles. Guennadi le salue respectueusement et s'en vient redonner l'argent à sa tante. Raissa veut alors lui donner les 1000 roubles comme solde de tout compte mais Guennadi les refuse, ce qui irrite Arkadi d'autant plus qu'il entend Raissa traiter son neveu d'exalté et d'un peu bête. Ainsi le soir dans leur chambre, Arkadi traite son compagnon de nigaud et lui donne en exemple le rôle servile d'Aleksey dont il a bien compris le rôle d'amant potentiel.
Dans la forêt le soir, Piotr annonce à Axioucha que son père ne demande plus que 2000 roubles pour le mariage et l'enjoint de les demander à son frère, même si elle doit avouer sa faute. Mais le désespoir a gagné Axioucha : la vie lui paraît vide. "Depuis l'enfance, je suis rongée par le malheur. J'ai du vide autour du cœur. Je n'ai ni parents ou amie. C'est toujours l'eau que je vois."
Arkadi badine avec Oulita. Saoul et ayant peur d'être rossé par Guennadi qui erre saoul et grandiloquent dans le parc, il avoue être un acteur : Fortunatov, et Guennadi un autre acteur, Infortunatov. Oulita est horrifiée et quitte sur le champ Arkadi.
Dans la forêt, Axioucha s'approche de son frère, saoul, qui croit enfin voir l'actrice qu'il attendait. Elle lui demande les 2000 roubles qu'il n'a pas et, alors qu'elle lui a avoué être enceinte, s'en veut de s'être humiliée devant lui. Elle tente de se noyer dans le lac. Son frère l'en empêche et la convainc de partir avec lui comme comédienne : "Ici tes sanglots sont sans réponse. Là-bas, pour une seule de tes larmes, c'est un millier d'yeux qui vont pleurer".
Oulita raconte à Raissa comment elle vient de faire lever Aleksey sur sa demande en lui expliquant qu'elle ne pouvait dormir. Elle lui dit aussi qu'Axioucha a découché et que son neveu est comédien. Tout cela arrange les plans de Raissa. Dans le jardin, elle parvient enfin à se faire embrasser par Aleksey.
Le troisième matin, Raissa chasse Axioucha, déjà décidée à partir, mais qu'elle prie inutilement d'aller plus loin que la ville où elle craint qu'Aleksey pourrait la retrouver. Puis c'est Aleksey qui se charge de donner son congé au neveu. Celui-ci exige un dédommagement de sa tante pour s'en aller, d'autant plus qu'il emmène sa sœur. Raissa donne 1000 roubles. Fortunatov en est très heureux
Quand Piotr rejoint Axioucha, elle lui annonce son départ. Piotr tente de la retenir : 1000 roubles suffisent désormais pour la dote. Axioucha demande à son frère de solliciter leur tante : elle préfère Piotr à son rêve de comédienne. Elle sait toutefois qu'elle a peu d'espoir d'infléchir sa tante. Celle-ci reçoit comme convenu ses deux amis auxquels elle annonce son futur mariage et la déchéance du neveu et de la nièce. "Vous verrez en moi le plus ardent défenseur de nos intérêts et de nos privilèges" conclut Aleksey, satisfait.
Rentrent alors Guennadi et Arkadi accompagnés d'Axioucha, Piotr et de son père. Guennadi demande 1000 roubles pour sa sœur. Raissa et Aleksey refusent, à la consternation de tous. Guenadi s'aperçoit alors qu'il a les 1000 roubles donnés par Raissa : "Si une riche propriétaire refuse une dote à une jeune fille pauvre, un artiste ne la refusera pas. Pourquoi sommes-nous venus dans cette forêt sauvage et obscure ? Pourquoi avons-nous effrayé les hiboux et les chouettes; qu'ils vivent comme ça leur chante". "Comédiens ! lance Raissa". "Comédiens ? non, nous, nous sommes des artistes. Les comédiens, c'est vous (fond noir). Nous, quand on aime, on aime. Quand on n'aime pas, on se dispute ou on se bat. Quand on aide, on aide avec nos derniers sous. Et vous, toute votre vie vous ergotez sur l'amour du prochain. Qu'avez-vous donc fait ? Qui avez-vous aidé ? Qui avez-vous consolé ? Vous ne faites que jouer. Vous vous amusez vous-mêmes. C'est vous les bouffons, pas nous. Humanité ! humanité. Engeance de crocodile (Arkadi souffle :), vos larmes c'est de l'eau, vos cœurs de l'acier trempé. Les lions, les léopards nourrissent leurs enfants ; les corbeaux se soucient de leurs petits. Et elle, et elle : est-ce cela l'amour qui répond à l'amour ? A que ne suis-je une hyène ! Que ne puis-je ameuter sur cette engeance d'enfer tous les hôtes carnassiers des forêts. Comme Raissa et Aleksey crient à l'insulte, Guennadi et Arkadi brandissent le texte de la pièce qu'ils ont interprétée, visée par la censure. Penauds, les bourgeois les voient partir tandis que Piotr et Axioucha les remercient des yeux. Dehors, ils concluent : "Voilà, nous avons fait la noce, nous avons crié, nous avons joué. En route ! Ta main camarade."
Après la réalisation de son précédent film, Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines) sorti en 2013, Arnaud Desplechin se voit confier par Muriel Mayette, l'administratrice de la Comédie-Française, et la chaîne franco-allemande Arte l'adaptation télévisuelle de la pièce La forêt (1871) du dramaturge russe Alexandre Ostrovski, né en 1823 à Moscou et incontournable précurseur de Tchekhov, dans le cadre d'une collection destinée à revisiter le répertoire classique de l'institution sous la caméra de réalisateurs singuliers incités à adapter librement les œuvres présentées au Français.
La mise en scène originale conçue par Arnaud Desplechin est donc différente de celle de Piotr Fomenko, décédé en 2012, dont la version avait été considérée par une partie de la critique parmi "les grands succès de la décennie à la Comédie-Française" lors de sa création en 2003 et sa reprise en 2005 dans la salle Richelieu. Desplechin assume les origines théâtrales de ce texte brillant, en donnant à voir les artifices de la représentation : dans une même scène, les personnages passent d'un décor naturaliste (une clairière, un salon ) à un décor abstrait (un fond noir).
Le choix de cette pièce russe par Desplechin s'est notamment opérée en raison de la distribution, (élément imposé dans le principe des commandes de la collection) qui permet au réalisateur de collaborer à nouveau tout à la fois avec Denis Podalydès et Michel Vuillermoz près de vingt ans après Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) (1996), dans lequel jouaient les deux acteurs.
Le tournage, court, comme l'impose le cahier des charges de la collection, s'est déroulé du 7 au 23 octobre 2013. La forêt est techniquement le premier téléfilm du cinéaste mais ne constitue pas son premier travail théâtral puisqu'il avait déjà abordé ce matériau dans Esther Kahn (2000) et mais également le processus de création théâtral dans Léo, en jouant "Dans la compagnie des hommes" (2003) qui mettait en abyme la pièce d'Edward Bond.