Octobre 1918. Les Allemands évacuent les territoires occupés pendant quatre ans et, dans le beffroi d'une petite ville, Marville, disposent une charge d'explosifs qui doit faire sauter la ville lorsque l'automate sonnera minuit sur la cloche. Les habitants alertés s'enfuient et les troupes anglaises prévenues choisissent un "volontaire", Charles Plumpick "qui a le mérite" d'être le seul à parler français, pour désamorcer l'engin.
Arrivé sur les lieux, Plumpick, qui n'a rien d'un foudre de guerre, d'abord surpris par le vide et le silence, se trouve tout à coup en face des pensionnaires de l'asile de fous, oubliés dans l'hôpital et qui s'émerveillent de leur soudaine liberté. Le soldat est aussitôt adopté par eux qui le sacrent "roi de cur" et lui demandent de se choisir une reine. Une gentille acrobate, Coquelicot, va être l'élue de Plumpick qui se prend de tendresse pour ces malades inconscients et cherche désespérément à leur éviter le sort qui les attend. Ni la kermesse improvisée dans les murs, ni la cérémonie du couronnement dans l'église ne lui apportent de solutions. C'est une remarque de Coquelicot qui lui permet in extremis de sauver la ville et ses derniers habitants de la destruction.
Cependant Anglais et Allemands se retrouvent face à face sur la Grand-Place et s'entre-tuent jusqu'au dernier; les alliés sont finalement victorieux. Tandis qu'on décore Plumpick, les fous regagnent l'asile. Et leur roi de cur, dégoûté à jamais des combats et des missions périlleuses, va les rejoindre pour continuer à vivre parmi eux, heureux de leur profonde sagesse.
La fuite du réel et de ses tracas pour une légèreté et un amusement perpétuel est la thématique récurrente des films de Philippe de Broca. Ses personnages excentriques se réfugient ainsi dans l'oisiveté, la séduction, le marivaudage ou l'aventure. Ici, la folie semble constituer une protection face à un monde trop laid et dangereux.
Ce film anticonformiste, évoquant métaphoriquement la fête des fous du moyen-âge, sorte d'ancêtre du théâtre, est un échec critique et commercial lors de sa sortie en 1966. Les droits du film vendus aux États-Unis donnent une seconde chance au film : 9 ans en exclusivité à Boston et partout aux U.S.A. pendant plusieurs années. Si bien que dans les années 1980, Le roi de cœur, qui en pleine guerre du Vietnam est ressenti comme une fable en faveur de la paix, devient un véritable phénomène cinéphile en Amérique, et cela au grand étonnement du réalisateur.
Tourné à Senlis, le film bénéficie du décor de la cathédrale et de ses petites rues tortueuses. Les animaux sauvages déambulant dans les rues proviennent du cirque de Jean Richard. Le film utilise le Techniscope, Scope du pauvre alors très en vogue en Italie, c'est-à-dire qu'il est tourné avec une caméra normale et des bandes occultantes en haut et en bas.
Jean-Luc Lacuve, le 17 août 2024.