Sur une route de Bretagne, un enfant de 9 ans est tué par un chauffard qui prend la fuite. Après une dépression, le père, Charles Thenier, rentre chez lui. Il ordonne à sa gouvernante, madame Levenes, d'enlever toute trace pouvant évoquer la mort de son fils. Charles revoit une dernière fois les bandes super 8 du temps du bonheur où il jouait avec Michel et sa femme. Celle-ci semblait néanmoins de plus en plus fatiguée et malade. Après l'échec de l'enquête policière, Charles Thenier, écrivain désormais veuf, jure de consacrer tout son temps à se se venger et de retrouver le coupable pour le tuer. Tous ses indices et déductions, il les inscrit dans un carnet qui ne le quitte jamais.
Après cinq semaines de recherches infructueuses, le hasard le met enfin sur la piste. Prenant une déviation, Charles s'embourbe sur un bas-côté. Un paysan accouru à son secours lui révèle, qu'en début d'année, un couple d'automobilistes a connu la même mésaventure. L'aile gauche de la puissante voiture était endommagée et il s'était demandé si c'était pour cela que l'homme au regard mauvais faisait pleurer la jeune femme. Il a d'ailleurs cru reconnaître la passagère, une actrice célèbre dont le nom lui échappe mais que son fils, féru de cinéma et de voitures se souvient. Charles accepte donc de prendre un verre chez le paysan dont le fils lui révèle que l'actrice de télévision Hélène Lanson était la passagère de la Mustang. Mais rien de permet d'identifier le conducteur.
Charles se rend à Paris, où il prend son pseudonyme d'écrivain, Marc Andrieu et se fait passer pour un scénariste en recherche d'inspiration, pour faire la connaissance de la jeune actrice. Il la sort plusieurs fois au restaurant ou en boite et finit par l'inviter chez lui. Sensible à la fragilité et la douceur d'Hélène, il se dit néanmoins prêt à la tuer si elle se révélait coupable de la mort de son fils. Il manque d'ailleurs de le faire lorsqu'elle s'empare pour jouer de l'ours en peluche qu'il a conservé de son fils. Désemparé par la violence soudaine qui s'est emparé de lui, Charles s'apaise en devenant l'amant d'Hélène dont l'amour le touche. Au petit matin, il l'interroge sur sa famille. Elle lui parle ainsi de son beau-frère, Paul, garagiste à Quimper. Charles a alors la certitude qu'il est l'assassin de son fils.
Hélène accepte comme une preuve d'amour la volonté de Charles de connaître sa famille et emmène Charles chez Paul qu'elle déteste cependant. Ils sont accueillis par la douce Jeanne, la sœur d'Helene, qui se passionne pour la peinture et le nouveau roman et par Jacques Ferrand, l'associé de Paul, et sa femme, Anna. Est également présente la mère de Paul qui est la seule à ne pas redouter l'arrivée de son fils. Paul est en effet un être vulgaire et dur qui mène à la baguette sa maisonnée sans se priver de peloter la domestique. Il humilie Jeanne en lui reprochant de n'avoir pas fait réduire la sauce du ragout et en lisant avec ironie l'un de ses poèmes, dérobé dans sa chambre. Il s'en prend aussi à son fils, Philippe, âgé de douze ans qu'il fait fuir de table. Charles confie à son carnet combien il est heureux d'avoir à tuer un être aussi vil que Paul.
Le lendemain, Paul vient proposer à Charles de lui faire visiter son garage comme il en a exprimé le souhait. Il ne lui épargne pas ses problèmes d'aigreur d'estomac qu'il soigne en ingurgitant quotidiennement un médicament infecte. Paul se moque aussi de la volonté de Charles de ne pas lui divulguer les notes de son carnet qui seraient celles de son futur livre. Dans le garage, la Mustang de l'accident est en vente sans que Paul n'en donne une explication rationnelle. Philippe surgit alors pour faire signer son carnet déclenchant à la vue d'une note insuffisante la colère de son père qui le gifle. Charles intervient pour maitriser Paul et part consoler Philippe. Celui-ci voue une haine farouche à son père et demande à Charles de le tuer ce qui choque celui-ci.
L'après midi, une partie de pêche à pied est organisée où Paul se révèle une nouvelle fois odieux en draguant ouvertement la femme de son associé. Hélène confirme à Charles qu'ils sont amants sans que cela ne dérange ni Jeanne ni Jacques. Charles demande alors à Hélène de lui avouer qu'elle aussi a été la maîtresse de Paul. Hélène le lui confesse au bord de les larmes en lui demandant pardon. Charles lui demande de ne rien lui cacher de ses traumatismes mais n'a pas la cruauté d'insister et enlace Hélène. Sur le chemin du retour, Paul propose une affaire à Charles qui refuse quand soudain Paul trébuche et manque de tomber du haut de la falaise. Charles est prêt à le faire décrocher mais ne parvient pas à prendre sa décision e,t à contrecœur, le remonte en lieu sur. Toute la famille accoure et semble le lui reprocher de façon muette avant, qu'un peu plus tard, Hélène et Philippe explicitent leur regret de ce sauvetage. Philippe et Charles deviennent néanmoins amis au cours d'une longue discussion sur l'Iliade où ils expriment leur regret partagé de n'être pas père et fils.
Charles achète un bateau pour proposer à Paul une balade en mer au cours de laquelle il le tuera ayant appris qu'il ne savait pas nager. Paul et Charles partent ainsi seuls faire du bateau. Alors qu'ils sont au large, Paul est en grande difficulté dans une mer de plus en plus houleuse. Il sort néanmoins un revolver qu'il braque contre Charles. Il a lu le journal de Charles et s'en est emparé. En colère d'avoir été ainsi malmené, il prend encore plaisir à ridiculiser Charles de sa naïveté d'avoir si mal caché son carnet. Il l'a dérobé avant de partir et déposé chez son notaire. Il empêche ainsi Charles de s'en prendre à sa vie puisqu'il serait immédiatement accusé. Charles lui indique néanmoins qu'il est comme déjà mort et sera bientôt paralysé et incapable de bouger le petit doigt.
Paul ricane et chasse Charles de la maison. Hélène part avec lui. Charles lui impose un arrêt gastronomique en route. Alors que le majordome découpe le canard devant eux, il lui avoue son identité et quel était son but quand il l'a retrouvée. En larmes, Hélène l'approuve et l'encourage à retourner tuer Paul. Charles lui indique que c'est inutile. Et, en effet, la télévision annonce la mort de Paul, découvert empoisonné. L'appel à témoins étant lancé, Charles fait demi-tour pour retourner chez Paul.
Le commissaire a déjà en main son carnet mais Charles a beau jeu d'affirmer qu'il n'y a aucune preuve et ce d'autant plus que le flacon dans lequel a été versé la mort aux rats a disparu. Qui plus est, avoir l'intention de tuer n'est pas tuer, de même que de se réjouir de la mort extrêmement douloureuse de Paul. Enfin Charles affirme que ce carnet le disculpe car il savait être désigné comme coupable si Paul mourrait. Charles est néanmoins prié de se rendre au commissariat. Le commissaire le confond alors en lui disant que le carnet a été rédigé dans l'intention de le disculper : sa vengeance au grand jour ayant échouée, il pouvait alors manigancer un meurtre secret en versant de la mort au rat dans un médicament qu'il savait camoufler l'horrible goût du poison. Charles reste muet devant la perspicacité du commissaire. Philippe surgit alors et s'accuse du meurtre en ramenant le flacon du médicament contenant le poison. Il explique qu'il l'avait dérobé pour cacher ses empreintes. Philippe disculpe ainsi Charles qui repart libre laissant le commissaire consterné.
En rentrant, Charles demande à Hélène une nuit de sommeil réparateur avant de s'expliquer. Au matin, Hélène, seule dans son lit, trouve une lettre de confession. Paul lui demande pardon, lui assurant de son amour si les événements avaient été autres. S'il n'a pas eu le courage, la veille, de refuser le sacrifice de Philippe, il lui demande de révéler la vérité au commissaire qui l'avait si bien devinée. Il va partir désormais seul au loin pour disparaitre, convaincu selon le chant sérieux de Brahms qui paraphrase l'Ecclésiaste qu'il faut que la bête meure mais que l'homme aussi doit mourir. Alors que le bateau disparait à l'horizon, l'écume de la mer bouillonne ne laissant rien à la surface.
L'un des films les plus cruels de Chabrol qui se termine pourtant par une rédemption et une délivrance. La cruauté, l'humiliation ou la vengeance pourraient ainsi n'être qu'épiphénomènes, perdus au sein d'une humanité sensible à une métaphysique qui les dépasse et les engloutit.
Il faut que la bête meure ; mais l'homme aussi
Sont sacrifiés successivement au cours du film Michel, l'enfant de neuf ans de Charles ; la fragile Hélène dont le parcours professionnel et sentimental est placé sous le signe de la malchance ; sa sœur, Jeanne victime d'un mari qui l'humilie; le jeune Philippe à la sensibilité artistique, révulsé par la grossièreté de son père au point d'en désirer la mort ; enfin Anna, la femme de l'associé de Paul et la domestique doivent subir les avances de Paul sans égard pour elles.
Charles lui-même sera condamné, convaincu in fine selon le chant sérieux de Brahms qui paraphrase l'Ecclésiaste qu'"Il faut que la bête meure ; mais l'homme aussi. L'un et l'autre doivent mourir."
Comme avait si bien pu l'écrire Homère dans "L'Iliade" chaque mort est individuelle et ne peut se décrire communément. La mort de l'enfant et la mort du chauffard sont inacceptables. Paul en se sacrifiant sauve Philippe qui aurait gâché sa vie pour lui. Ainsi, au lieu de se venger en faisant condamner le fils de celui qui a tué son enfant, Charles sauve un enfant qui aurait pu être le sien. Charles et Philippe se sont avoué ce regret mutuel que Chabrol souligne en confiant le rôle de Philippe au frère de celui qui interprète Michel. Par là même, il confirme la rédemption de Charles qui disparait en mer comme l'évoque le dernier plan sur l'écume bouillonnante de la mer.
Une interprétation magistrale
Le minéral Michel Duchaussoy, joue un personnage qui avait tout fait pour être un assassin froid mais qui est repris par la vie. Auteur de roman policier, il rejette cette spécialisation qu'a pourtant repérée Jeanne dès qu'il a fait usage de son pseudonyme d'écrivain pour identité. Il se présente comme écrivain pour enfants, anticipant ainsi son rôle final, non de vaincre comme auteur policer machiavélique mais comme être sensible à la douleur des enfants. Caroline Cellier est une Helene très sensible.
Mais c'est surtout Jean Yanne qui excelle en personnage odieux profitant de tout : femmes, argent voitures sans s'inquiéter des autres qu'il aime humilier à plaisir en révélant leurs frustrations tout en faisant étalage des goûts simples que son argent lui permet de satisfaire. La scène du repas familial, véritable jeu de massacre dans lequel Jean Yanne s'en donne à cœur joie, est un moment d'anthologie. En cherchant au milieu des carrosseries, Charles avait demandé à Paul s'il connaissait le sculpteur César pour qui "il y a dans chaque forme une âme" supposant que celle de Paul est plus difficile à trouver que dans un tas de tôles.
Chabrol accentue la cruauté de son histoire en la plaçant dans le contexte d'une Bretagne qui s'ouvre au printemps ou en situant la révélation à Hélène de son identité par Charles dans le cadre enchanteur du restaurant, entre fleurs et succulent repas de canard. Cette dernière ironie toute chabrolienne fait place à une fin extrêmement lyrique où se fait entendre, comme au début, le chant sérieux de Brahms, Vier ernste Gesänge, chanté cette fois par Kathleen Ferrier. Le travelling arrière sur le bateau de Paul reprend celui initial de Michel sur la plage. Cette fois, la mort du père sauve un enfant qui lui est ainsi redonné.
Jean-Luc Lacuve, le 4 juin 2019.