1925, dans le Constantinois, le caïd et deux gendarmes viennent expulser un père, une mère et leurs trois jeunes fils de leur ferme. Cette terre qui a toujours été travaillée par leurs ancêtres est désormais celle de leur voisin européen qui possède des titres de propriétés. Cette injustice qui fait hurler père et mère laisse indifférents les représentants de l'autorité.
8 mai 1945, la population algérienne profite de la célébration de la victoire pour afficher ses revendications à l'égalité et porte pour la première fois le drapeau national. A Sétif, ce drapeau est arraché des mains d'un jeune algérien par un milicien qui l'abat d'un coup de revolver. Policiers et armée déclenchent ensuite un massacre. Quelques manifestants ripostent en tuant des européens. Abdelkader est arrêté. Saïd, qui organisait un match de boxe à quelques rues de là, parvient difficilement à s'échapper et découvre horrifié ses deux surs tuées dans leur maison.
L'aîné, Messaoud, qui est resté dans l'armée française après la fin de la seconde guerre mondiale combat en Indochine. Il est fait prisonnier par les Vietnamiens et entend la propagande de ces ex-colonisés désormais victorieux.
1954 : des attentats terroristes visant des français éclatent à Sétif. Saïd qui voit la guerre approcher se rend dans la luxueuse résidence du caïd qui expulsa jadis sa famille et le poignarde. Il lui vole montre et portefeuille. Rentré chez lui, il décide sa mère à partir en France pour aider Abdelkader et attendre le retour du fils aîné en Indochine.
Lors de l'hiver 54, Saïd arrive avec sa mère dans le bidonville de Nanterre. La mère rend visite à Abdelkader en prison. Saïd, refuse d'aller travailler en usine. Il gagne de l'argent en prostituant de jeunes algériennes à Pigalle.
En 1955, Messaoud est de retour à Paris et Abdelkader est libéré de la prison d'où il a retenu deux enseignements des cadres du parti qui l'ont chargé d'organiser la mobilisation au sein du bidonville : la répression finit toujours par profiter à la cause du peuple opprimé et toute action doit être menée jusqu'au bout. Saïd se désolidarise de la lute de ses deux frères qui tentent de fédérer les Algériens autour du FLN.
Le patron d'un café, un militant du Mouvement national algérien
(MNA), les jettent violemment au dehors de son établissement. Abdelkader
décide de l'exécuter mais ne réussit pas à l'étrangler
en suivant les consignes de Messaoud qui doit intervenir pour serrer le nud
coulant. Abdelkader avait décidé de l'exécution le jour
où Messaoud se marie à Zohra sachant que les policiers investiraient
le bidonville. Il rassemble alors les Algériens humiliés autour
de lui. Les cotisations rentrent et Abdelkader affirme son autorité
en faisant étrangler par Messaoud un père de famille qui avait
volé dans la caisse du parti de quoi acheter un frigo pour sa famille.
Grâce à Hélène, une porteuse de valise, l'argent
sort du bidonville pour alimenter les caisses de la lutte armée.
De son côté, Saïd investit l'argent que lui rapporte son
cabaret dans une salle de boxe. Il entraîne le Kid d'Alger, découvert
dans le bidonville le jour du mariage mouvementé de son frère
pour le championnat de France.
Abdelkader passe dans la clandestinité et devient responsables du FLN à Paris. Il est chargé d'abattre un commissaire qui exécute les membres du parti. L'un des fonctionnaires de police, Ali, un algérien intégré est "retourné" par Messaoud qui lui a sauvé la vie en Indochine. Il fournit les plans du commissariat. Abdelkader est paralysé après le premier coup de feu et, encore une fois, c'est son frère lui sauve la mise. Ils sortent du commissariat en abattant plusieurs policiers pendant que d'autres membres du FLN mitraillent l'entrée..
Le colonel Favre en charge du FLN à la DST découvre dans une imprimerie communiste la photo d'Abdelkader sur un faux passeport. Il se renseigne dans les milieux algériens. Il fait ainsi fermer la casbah de Saïd qui prévient ses frères que Favre est sur leur trace.
Ceux-ci l'enlèvent pour le convaincre qu'il est du mauvais coté de l'histoire sans autre résultat que de renforcer Favre dans son combat. Il lance la main rouge pour terroriser les terroristes : assassiner leurs sympathisants ou poser des bombes dans le bidonville de Nanterre. "Pour un coup porté nous en donnerons dix" réplique Abdelkader qui organise l'assassinat de militaires harkis dans une forêt. Favre a repéré Hélène, la porteuse de valise, et un soir qu'Abdelkader va au théâtre, il fait poser une bombe dans sa voiture. Seule Hélène est tuée.
1958. Un voyage en Allemagne est organisé pour ramener des armes dans un bus. De retour à Paris, l'un des membres du réseau est arrêté pour n'avoir pas respecté le couvre-feu. Sous la torture, il donne le lieu de livraison des armes, Valenciennes. Ali prévient Saïd de se rendre à Valenciennes pour sauver ses frères. Favre est déjà sur place et Messaoud est tué en protégeant la fuite d'Abdelkader.
1961 à Evian, les dirigeants politique de l'Algérie décident d'une grande manifestation pacifiste qui impressionnera le monde entier et provoquera, à n'en pas douter, une répression fatale au maintien d'une Algérie française.
Le 17 octobre 1961, Saïd organise son grand match de boxe qui conduira le premier algérien au titre de champion de France. Favre fait surveiller la salle alors que de leur coté, les dirigeants du FLN ont décidé de l'exécution du boxeur et de son manager, jugés traîtres à la patrie. Abdelkader convint Saïd de renoncer au match pour sauver sa vie. Tous deux fuient de la salle de boxe. Ils prennent le métro qui démarre sous les yeux de Favre qui les a poursuivis. Ils découvrent alors la répression policière de la manifestation pacifiste organisée ce jour. Extirpée de la rame du métro comme tous les Algériens, Saïd et Abdelkader sont matraqués. Abdelkader est abattu pour entonner un chant nationaliste. Favre, qui les a suivis, comprend que la cause algérienne a gagné et laisse Saïd libre.
Le 3 juillet 1962, l'Algérie fête son indépendance, officiellement reconnue par la France.
Hors la loi est destiné à rappeler la lutte aussi courageuse que sanglante que menerent les Algériens pour se libérer du colonialisme français. Le film simplifie et réarrange certains faits historiques, pour construire le mythe d'une Fédération de France du FLN ayant puissamment concouru à l'indépendance.
Simplifier la vérité historique au profit du mythe de la révolution...
Les pieds-noirs reprochent à Bouchareb sa vision du massacre de Sétif. En condensant la répression sur le seul 8 mai à Sétif, il simplifie certes les conditions matérielles du massacre mais il en restitue la terrible ignominie. Le 8 mai 1945, dans cette ville, il est probable que le tout nouveau drapeau national brandi par les Algériens déclencha le premier tir meurtrier par quelques français et qu'il y d'abord plus de victimes françaises (vingt-huit) qu'Algérienne face à cette agression. La terrible répression qui s'abattit entre le 8 et le 10 mai dans tout le Constantinois autour de Sétif et Guelma fit 6 000 morts selon les services secrets anglais puis, après les exécutions de masse opérées par les milices et l'armée française quelques 17 000 morts selon un rapport des services secrets américains. Il fallu la visite du ministre pour mettre fin aux massacres. Les archives, ouvertes en France depuis la décision de Lionel Jospin en 1999 permettent de valider la réalité monstrueuse de ces victimes que certains historiens algériens estiment encore sous-estimée de moitié (1).
Les historiens (2) reprochent à Bouchareb de mettre dans la bouche d'Abdelkader la terrible phrase de Maurice Papon d'octobre 1961... "Pour un coup porté nous en donnerons dix". Ce déplacement est symptomatique de ce qu'entend faire passer le cinéaste quant à la stratégie du FLN. Cette stratégie est exprimée dès les premières séquences par le leader emprisonné : la répression finit toujours par servir la cause du peuple opprimé si la lutte est menée jusqu'au bout. Moralement une telle stratégie n'est justifiable qu'en cas de victoire possible et si le peuple est derrière la cause des terroristes. C'est ce que Francis Jeanson, dans La Chinoise avait répliqué à Véronique, la maoïste. C'est ce que tente d'établir ici la laborieuse discussion entre Abdelkader et Favre à propos du parallèle entre la résistance française sous l'occupation allemande et la résistance algérienne sous l'occupation française.
Les historiens reprochent aussi à Bouchareb d'avoir placé le couvre feu imposé aux Algériens en 1958 et d'en avoir fait simplement la cause de l'arrestation d'un membre du réseau qui fera ainsi échouer l'opération de Valencienne. Or, le couvre-feu n'est imposé qu'en 1961 et c'est lui qui déclenche la manifestation du 17 octobre. Bouchareb insiste une nouvelle fois sur la stratégie du FLN pour mettre en échec la répression policière plus que sur les conditions matérielles réelles de la manifestation. Cette mise en perspective peut orthodoxe de l'histoire est celle qui, dans la fiction, permet à Favre de designer les Algériens vainqueurs. Il n'y a alors plus qu'à, logiquement, faire dérouler les images de l'Algérie libre.
.... acquise par la seule action individuelle
Bouchareb construit ainsi son film sur le principe action-repression-action-répression.... qui, selon lui, a abouti, presque à lui seul, à libérer l'Algérie de l'occupation française.
Formellement, le film accumule les poncifs sur le rôle secondaire des femmes, et du peuple, réduits à des vignettes illustratives ou aux arrières plans flous, au profit de la seule action individuelle. Le souffle de l'histoire ne vient ainsi jamais prendre le relais des péripéties de l'action qui s'accumulent dans un scénario linéaire trop sage.
La volonté de sauvegarder l'unité familiale (ce qui n'est pas le cas dans Le parrain ou Rocco et ses frères) est incompatible avec la dimension tragique que Bouchareb pourrait vouloir donner à son histoire. Messaoud n'en finit pas de sauver un Abdelkader flanchant à la moindre action : il tue ainsi le militant du MNA, le père de famille voleur puis le commissaire de police à la place de son frère. Saïd aide aussi ses frères en les prévenant que Favre est sur leur trace et en les sauvant du piège de Valenciennes en voiture et Abdelkader paiera de sa vie son imprudence pour sauver son frère le 17 octobre.
Il est toutefois possible que ce soit, plus que l'histoire elle-même, la transmission de l'histoire algérienne qui intéresse prioritairement Bouchareb. Une fois mort le soldat (Messaoud) et le politique (Abdelkader), c'est aux plus jeunes et aux moins politisés de prendre le relais. C'est à Saïd qui organisa un match de boxe le jour du massacre de Sétif comme le 17 octobre de prendre conscience qu'il est dorénavant le porteur de cette histoire. C'est à Saïd de porter la fierté nationale... et à tous ceux qui s'identifieront au charismatique Jamel Debbouze.
Jean-Luc Lacuve, le 27/09/2010
Sources :