Frances Ha

2012

Thème : La danse

Avec : Greta Gerwig (Frances), Mickey Sumner (Sophie), Michael Zegen (Benji), Michael Esper (Dan), Adam Driver (Lev), Charlotte d'Amboise (Colleen), Grace Gummer (Rachel), Patrick Heusinger (Patch), Christine et Gordon Gerwig (Les parents de Frances). 1h26.

Frances, jeune New-Yorkaise, rêve de devenir danseuse. Elle est apprentie dans une troupe professionnelle où elle donne des cours pour enfants et espère être bientôt intégrée à la troupe ou, du moins, participer aux spectacles supplémentaires montés lors de la fête de Noël. En attendant, elle s'amuse avec Sophie sa meilleure amie avec laquelle elle partage un appartement. Leur bail arrive à échancre dans quelques mois mais Frances n'imagine pas pourvoir vivre sans Sophie si bien qu'elle refuse la proposition de son ami Dan d'emménager avec lui. Devant ce refus, ils rompent. Quelques semaines plus tard, Sophie annonce pourtant à Frances qu'elle ne renouvellera pas le bail car elle part habiter dans un quartier plus chic de New York avec une nouvelle colocataire. Le coup est rude pour Frances qui trouve néanmoins chez deux artistes en herbe, Benji et Lev l'occasion d'une nouvelle collocation pleine de charmes.

Cependant lorsque Noël arrive, Colleen, la directrice de la troupe lui annonce qu'elle ne peut l'engager pour les spectacles de Noël. Faute d'argent, elle doit renoncer à sa collocation avec Benji et Lev. Qui plus est, elle apprend que Sophie sort avec un dénommé Patch, qu'elle déteste. Frances part se ressourcer dans sa famille à Sacramento. Au retour, elle demande l'hospitalité à Rachel une danseuse de la troupe avec laquelle elle a finalement peu d'affinités. Des amis de celle-ci lui apprennent que Sophie s'en va vivre au Japon avec Patch et lui offre incidemment l'occasion de loger sur Paris. Frances prend l'avion pour deux jours de galère à Paris, n'y voyant rien ni personne. Au retour, alors qu'elle espérait être embauchée par Colleen, celle-ci ne lui offre qu'une place de secrétaire.

Frances ne renonce pas mais ne tire vraiment aucun avantage d'être serveuse pour une entreprise artistique caritative qui organise une grande vente dans son université de Sacramento. Elle y retrouve Sophie, en crise avec Patch qui voudrait bien revenir vivre son adolescence avec elle mais qui renonce au matin.

Cette fois, Frances accepte la place de secrétaire offerte par Colleen. Elle a ainsi l'occasion de proposer ses chorégraphies à de jeunes danseurs. L'un de ses spectacles connait un grand succès auprès de tous ses amis réunis et des professionnels. Frances pense toujours à Sophie maintenant mariée à Patch. Elle a les moyens de se payer un appartement seule. Lorsqu'elle découpe son nom pour la boite aux lettres seul les deux premières lettres apparaissent dans la petite fenêtre pour son nom : elle est Frances Ha.

Si le film fait beaucoup penser à Woody Allen, à Annie Hall (1977), à Manhattan (1979)ou à Minuit à Paris (2011), c'est avant tout parce que l'on y respire un parfum de nostalgie face à un temps et un monde qui s'efface. Le noir et blanc, le retour à Sacramento ou la musique de Georges Delerue et les références à la nouvelle vague française disent que l'on est dans le passé, dans les jours de galère et des emmerdes, un peu durs à vivre certes mais où l'espoir est entier. Frances va certes grandir, arrêter de se perdre, d'être incasable mais seules les deux premières lettres de son nom trouveront place sur sa boite au lettre ; le reste comme sa folie n'y trouveront plus leur place.

Le film est donc une succession de vignettes relevées par les thèmes musicaux de L'école buissonnière écrit par Jean Constantin pour Les 400 coups, de Camille de Georges Delerue pour Le mépris, de Stanislas et Camille de Georges Delerue pour Une belle fille comme moi, d'Heureux en ménage de Antoine Duhamel pour Domicile conjugal, du Divertimento de la Sonate a due de Maurice Jaubert pour L'argent de poche, du Repos, de La polka pavane, de La valse tordue, des Bicyclettes, de La joie de vivre de Georges Delerue pour Le roi de cœur de Philippe de Broca, du Negresco's waltz de Georges Delerue pour Promise at dawn de Jules Dassin.

Dans ces flashes sur un temps qui semble déjà appartenir au passé, le langage, comme chez Allen aussi, est primordial. On retiendra la définition d'une relation intense qui fait se retrouver dans un regard valable pour eux seuls deux personnes dans une fête pleine de monde ou le refus des films sur les animaux s'ils ne parlent pas ou ne font pas la guerre (toute chose que France fait bien).

Le film ne convainc pas vraiment pour passer des vignettes de l'adolescence au monde plus construit des adultes. Frances n'a jamais rêvée d'être chorégraphe, métier qui semblerait ici réservé aux danseuses de plus de 27 ans. Or c'est bien son corps à la fois plein d'énergie comme lors des courses vers un distributeur ou à La mauvais sang (Carax, 1986) avec un grand travelling urbain sur la musique de Modern Love de David Bowie ou bien avachi devant un gros sandwich ou la télévision qui fait sa force et son charme paradoxal... Bien plus que le spectacle un peu passe-partout qui est proposé au final.

Jean-Luc Lacuve le 12/07/2013