Un homme noir tond la pelouse devant l'église de Jaspers au Texas, d'autres hommes noir s’affairent sur les parterres d'arbustes de la vile. Un long travelling emporte vers des bâtisses délabrées de la ville. Là une vieille femme noire entourée de ses petits-enfants se fit fière d'habiter là. Cette maison est la sienne et nul ne pourra la chasser comme autrefois, avant le mouvement des droits civiques. Les blancs avaient tous les droits : ordonner d'aller faire els foins un dimanche soirs ; d'expulser une famille pour ranger le foin. Elle évoque les lynchages, comment les branches de certains arbres étaient déformées par le poids des pendus qu'ils avaient portés
Un homme noir se rappelle un samedi soir précédent traumatisant où il avait entendu du bruit sans savoir que c'était un homme que l'on attachait à un pick-up. Après un nouveau long travelling sur des maisons de la ville cette fois plus neuves, le shérif, blanc, s'explique : James Byrd, un noir lynché par trois jeunes blancs à Jaspers, au Texas mais c'est moins un crime raciste qu'un crime économique, un crime de la pauvreté car il n'y a pas plus de conflits racistes dans sa ville que partout ailleurs aux Etats-Unis. Apres un nouveau long travelling qui s'attarde sur la foret, un arbre, intervient John Craig, qui a passé deux ans de sa vie à infiltrer les groupes d’extrême droite ; selon lui, "ceux-ci se sont considérablement développés depuis les années 60, surtout depuis une quinzaine d’années, avec une forte résurgence d’organisations comme le KKK et d’autres groupes de suprématistes blancs comme ceux de "l’identité chrétienne".
Dans la petite église vue au début, est célébré par le pasteur Lyons un office à la mémoire de James Byrd. Des chants et des psaumes mais surtout l'émotion et la dignité des proches endeuillés qui veulent croire que la mort de Byrd servira quelque chose, rapprochera les communautés.
Le témoin du début raconte que ce samedi, Byrd avait été capturé pour être conduit jusqu'au cimetière où l'on enterre les noirs; la route d'ici au cimetière est marquée par des ronds, ceux où l'on avait retrouvé des morceaux, dont la tête, du corps de Byrd. Akerman, filme durant 7 minutes la route sur laquelle a été traîné Byrd, depuis l’arrière de son véhicule, en roulant lentement jusqu’au cimetière.
Un voyage dans le sud des Etats-Unis, par un été chaud et humide, hanté par le meurtre de James Byrd Jr., un noir lynché par trois blancs.
"Ce film heurté, hétérogène, tourné dans le Sud des États-Unis est sans doute pourtant, à sa manière, à la fois un écho et un contrepoint à un autre film que j'ai tourné au début des années 90 en Europe de l'Est, c'est lui aussi un voyage, mais dans un été chaud et humide qui parfois fait perdre la tête. Au cœur de ce voyage et hanté par lui, il y a le meurtre de James Byrd Jr. Ce film n'est pas l'autopsie de ce meurtre, du lynchage d'un Noir par trois jeunes Blancs, mais plutôt comment celui-ci vient s'inscrire dans un paysage tant mental que physique. Comment le silence peut soudain paraître lourd et plein de menaces ? Comment les arbres et la nature tout entière peuvent soudain évoquer la mort, le sang, la grande et la petite histoire ? Comment le présent évoque le passé ? Comment ce passé peut par bouffées venir vous hanter au détour d'un champ de coton vide, d'une route, d'un geste ou d'un regard ?". (Chantal Akerman)
Deux ans plus tard, Christian Marclay dans Guitar Drag (2000) reprend ce projet en attachant une guitare derrière sa voiture, remplissant le silence des bruits de la guitare pour faire entendre les cris que le corps mutilé et déchiqueté n’avait pu lancer.