Plus le temps passe sur le chef-d'oeuvre qu'est Le dictateur, moins il semble que quelqu'un prenne le temps d'en rediscuter à nouveau toute la richesse, la force et la puissance d'émotion. Si bien que s'accumulent demi-vérités, simplifications et erreurs qui banalisent l'oeuvre de Charles Chaplin.
Jean Narboni avec tout le savoir accumulé sur la Shoah et Chaplin depuis 1940, avec la finesse d'un analyste rigoureux de l'image, avec une passion intacte pour celui dont il démontre qu'il est l'un des plus grands cinéastes, fait briller à nouveau la splendeur du film. Plus qu'une nouvelle édition en copie neuve ou quelque remasterisation coûteuse, Pourquoi les coiffeurs ? donnera à tous les cinéphiles l'envie irrépressible de revoir Le dictateur pour voir enfin ce qu'ils n'avaient jamais vu avant ce livre indispensable.
Sommaire
Question, Méprise, Les noms et les sans nom, A une voyelle près, La vedette et le dictateur, Oublieuse mémoire, Guerre d'anéantissement, Vol d'être, Toujours l'un sans l'autre, Un film anachronique de tout temps, Pourquoi les coiffeurs ?, Etre ou ne pas être, Hynkel parle, Tourbillon d'hilarité et d'horreur, Le charisme, Ce qui s'appelle vraiment parler, La guerre d'un seul homme, Les pièces rapportées, Un axe mis à mal, Brahms-Wagner.
Quelques notes de lectures
Les noms et les sans nom : Herring nom de l'énorme agité soufflant et maladroit, ministre de la guerre signifie "hareng" en anglais vient aussi par une heureuse coïncidence de la condensation de la première syllabe du prénom et de la seconde du nom de son répondant réel Hermann Goering. Celui du sinistre Garbitsch, glacial conseiller sournoisement habile, idéologue toujours écouté par le dictateur et jamais drôle rappelle trivialement déformé, le nom de Goebbels, le ministre de la propagande mais joue aussi sur la sonorité et le sens du mot garbage (immondices, ordures) et peut-être sur celui du verbe to garble (tronquer, mutiler, altérer, fausser). Ce "hareng" et cet "immondice", Hynkel ne manquera pas de nous le faire savoir dans le film ne peuvent pas se sentir. Dans Charlot soldat, le fantassin américain qui incarne le héros combat contre l'Allemagne, désignée sous le nom de Ptomainie. Ce nom dans le dictateur est devenue Tomainie
A une voyelle près : Hynkel deux premières lettres de Hyde le tempérament le plus éloigné du sien est dans le ghetto, M. Jeackel noble et sage figure de juif, le seul à s'avouer désigné par le sort pour assassiner le dictateur, le tendre père adoptif de Hannah, ou Hans Hinkel chargé du traitement des Juifs dans le domaine de la culture de 1933 à 1938.
La vedette et le dictateur : la double présence victorieuse
du tyran et de la star devant l'appareil technique et auprès des masses
ne peut nous faire oublier la genèse parallèle Du dictateur
et de L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité
technique entre 1936 et 1938.
Jean-Luc Lacuve, le 15/05/2010