Editeur : Montparnasse, octobre 2012. Durée du film 1h08. 15 €

Suppléments

  • A propos d'Octobre (Medhi Lallaoui, 2011, 19')
  • 17 octobre 1961 (Sébastien Pascot, 2012, 51')

Avant que le film ne commence, la voix de Kader s'élève sur l'écran noir. Il n'aurait jamais cru possible ce qui est arrivé en octobre 61 à Paris. Mais c'est sans doute seulement en France qu'un tel film aurait pu être fait. Un carton signale que le film est tourné d'octobre 1961 à mars 1962. "La France c'est le pays de la liberté" disent ceux qui sont arrivés en France et pourtant nombreux sont ceux qui ont été arrêtés par la police et torturés par les "harkis" (La FPA, force de police auxiliaire) depuis 1960 au 28 rue de la goutte d'or (roués de coups, supplice de la bouteille, boire de l'eau de javel), ou même laissés dans des conditions d'hygiène effroyable au Centre de rétention pour vérification d'identité de Vincennes. Dans les bidonvilles de Nanterre et Gennevilliers, les conditions de vie sont très dures : une pièce pour neuf personnes, sans eau, sans water, sans cuisine. Le 5 octobre 1961, le préfet de police de la Seine, Maurice Papon, impose un couvre-feu discriminatoire visant exclusivement tous les français musulmans d'Algérie....

Panijel n'a pas trouvé de bandes filmées montrant les évènements du 17 octobre 1961. Il a donc recourt aux photographies et à la reconstitution. Il demandé à ceux qui avaient rapporté ces instructions du FLN au bidonville de Gennevilliers s'ils voulaient bien recommencer la scène qu'ils avaient vécue. Au petit matin, il reconstitue la réunion de la cellule, les instructions données d'emprunter tel ou tel chemin et la fouille des militants au départ du bidonville. Ce sont ensuite els photos d'Elie Kagan zoomées, montées et mises en musique. Il n'y a donc que ces traces, très mises en scènes de la féroce répression policière.

On ne trouvera pas dans ces images la preuve qu'une centaine environ de français d'Algérie sont morts lors de la confrontation avec les forces de l'ordre et que plus de 11 000 manifestants furent internés dans des centres de détention pendant quatre jours parfois pour y subir de multiples violences. Pour le témoignange du garçon jetté dans la Seine, Panijel va cependant chercher l'endroit où il s'est planqué, l'endroit est tel qu'il l'a décrit, preuve qu'il ne mentait pas. Il y a notamment un arbre sur lequel était cloué un panneau : "Interdit de jeter des ordures".

Réalisé moins de trois semaines après la manifestation du 17, Octobre à Paris raconte à chaud l'événement, en donnant la parole à ceux qui organisèrent le rassemblement, qui vécurent la répression sanglante et qui échappèrent à la mort après avoir été jetés à la Seine. Ce sont notamment eux qui reconstituent la préparation du rassemblement. Au-delà de l'évocation du 17 octobre, le documentaire rend bien davantage compte des terribles conditions de vie réservées aux algériens installés en France.

Genèse

Jacques Panijel, chercheur en biologie, écrivain, ancien résistant français à l'occupant nazi, est le secrétaire du Comité Maurice Audin, un comité créé en décembre 1957 avec Pierre Vidal-Naquet, au lendemain de la soutenance posthume en Sorbonne de la thèse de Maurice Audin, jeune mathématicien assassiné à El Biar par un officier parachutiste français.

Jacques Panijel propose l'idée d'un film qui retracerait les événements du 17 octobre. Le comité accepte à condition que le film soit réalisé par un metteur en scène de renom dont la réputation aurait protégé le film et qui aurait accepté de travailler avec les représentants du FLN en France. Plusieurs cinéastes français de la Nouvelle Vague et grands cinéastes étrangers sont alertés. Le seul qui réagit favorablement est Jean Rouch. Mais il souhaitait une production légère ce qui est refusé pour ce qui est perçu comme un événement majeur. Quelques années plus tard, interrogé par une revue de cinéma, François Truffaut expliquait : "la guerre d'Algérie, je regrette mais qu'est-ce que vous voulez que je dise là dessus, j'y connais rien. C'est comme si on me demandait de faire un film sur la déportation". Jacques Panijel propose alors de réaliser le film lui-même. Son expérience cinématographique se limitait à la coréalisation au côté de Jean-Paul Sassy de La Peau et les os qui avait obtenu le Prix Jean Vigo l'année précédente.

Réception

Du fait de la censure, il n'y a pas de projection de presse. Jacques Panijel avertit des amis journalistes que des projections ont lieu tel jour à telle heure au Studio Bertrand en face de l'hôpital Necker. Une fois sur deux, la police arrive et embarque la copie du film. Quand la salle est prévenue de la descente, c'est Le Sel de la terre (Herbert Biberman) qui est projetté.

Au festival de Cannes en 1962, Jacques Panijel loue une salle de la rue d'Antibes. Le seul journal à s'en faire l'écho est Variety ! Le grand journal de l'entertainment évoque en première page la projection d'un film interdit mais aucun journal parisien consacrant des pages au festival ne se fait l'écho de ces quelques projections. Jacques Panijel emmene ensuite le film à la Mostra de Venise où il fut à nouveau projeté quelques jours avant que les carabinieri ne ferment la salle. Enfin, il emmene Octobre à Paris dans des symposiums scientifiques où il est projeté à la stupéfaction des participants. En mai 68, le film sera à nouveau brièvement projeté dans une salle du Quartier latin, en alternance avec La Bataille d'Alger.

Le film de Jacques Panijel ne recevra son visa d'exploitation qu'en 1973, à l'issue d'une grève de la faim de René Vautier. Mais son réalisateur a longtemps refusé de le montrer tant qu'un préambule en forme de préface ne lui a pas été ajouté, une opération qui nécessitait des subventions restées introuvables. Jacques Panijel décède le 12 septembre 2010 à Paris d'une défaillance cardiaque. Octobre à Paris sort pour la première fois en France le 19 octobre 2011 et en octobre 2012 en DVD.

 

A propos d'Octobre (Medhi Lallaoui, 2011, 19')

Jacques Panijel souhaitait une préface à son film, pour remettre dans son contexte les conditions de tournage. La voici donc, réalisée un an après sa mort. Des personnalités interviennent pour raconter le mois d'octobre 61 : le journaliste Daniel Mermet, les historiens Jean-Luc Einaudi et Gilles Manceron, Monique Hervo, auteure de Chroniques du bidonville : Nanterre en guerre d'Algérie, l'avocate Nicole Rein, ou encore le cinéaste René Vautier.

 

17 octobre 1961 (Sébastien Pascot, 2012, 51')

Que s'est-il passé le 17 octobre 1961 ? Alors que le film de Jacques Panijel était réalisé sans recul, juste après les évènements, ce documentaire permet de mieux appréhender, 50 ans après les faits, cette terrible journée pour des milliers d'hommes et de femmes. Retrouvez les témoignages de manifestants, de responsables du FLN mais aussi celui d'un policier présent lors du rassemblement, ainsi que les interventions de l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, des photographes Georges Azenstarck et René Dazy...

 

 

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Octobre à Paris de Jacques Panijel