Le héros sacrilège, Kenji Mizoguchi, 1955
Tigre et dragon (Ang Lee, 2000)

On rassemblera ici le chanbara japonais et le wuxiapian chinois, deux genres qui peuvent être rappochés du film de cape et d'épée européen.

Le chanbara japonais

Le chanbara est un genre cinématographique et théâtral japonais de bataille de sabre. Le mot "chanbara" provient de la contraction des onomatopées « chan-chan bara-bara » qui désignent le bruit de la lame tranchant la chair. Le genre est également appelé "ken geki" (film de sabre) et est parfois assimilé à un sous-ensemble du "jidai-geki" (film historique).

Le genre obéit à des codes très précis quant à la définition des personnages, la forme visuelle et la structure de l'intrigue. Le héros est la plupart du temps un combattant solitaire, samouraï ou rōnin, qui doit suivre le bushido (littéralement « la voie du guerrier »), un code d'honneur dont l'irrespect entraînait le seppuku. Les combats sont souvent caractérisés par un rythme particulier : une longue attente suivie d'échanges de coups de sabre rapides et violents. Très sanglants, les films se terminent généralement en apothéose, avec une grande bataille ou un daikettō (littéralement « grand duel »).

Le kenjutsu, l'art du sabre des samouraïs, est à la base des combats présentés dans les chanbara. Et de nombreux films font référence aux koryū, les anciennes écoles d'arts martiaux du Japon médiéval. Ainsi, le directeur des combats pour Les Sept Samouraïs est Sugino Yoshio, un maître de l'école Tenshin Shōden Katori Shintō-ryū. Le style de Miyamoto Musashi, dans les films qui lui sont consacrés, est celui de l'école qu'il a fondée, le Hyōhō niten ichi ryū.

Le style pratiqué par le personnage de Baby Cart est censé être celui de l'école Suiō-ryū Iai Kenpo. Les membres du clan Yagyū, auxquels il est confronté, pratiquent le Yagyū Shingan-ryū. Dans Soleil rouge, le personnage de Toshirō Mifune utilise une technique enseignée par le Tenshin Shōden Katori Shintō-ryū pour tuer le bandit qui fait irruption dans la grange. Il faut dire que l'acteur était lui-même un pratiquant de cette école. Enfin, dans Tabou de Nagisa Ōshima, on peut voir de nombreux styles d'escrime, ce qui illustre la grande variété des techniques enseignées dans les koryū de cette époque.

Le chanbara, comme le cinéma japonais en général, vient du théâtre traditionnel, le kabuki. Au début du xxe siècle, Shōjirō Sawada propose des combats plus énergiques encore dans ses pièces, et surtout, plus réalistes. La fascination du public pour les samouraïs est donc antérieure au cinéma. Kanamori Bansho révolutionne le genre dans les années 1920 en s'inspirant des pièces de Shōjirō Sawada et aussi du cinéma occidental. Il dynamise les combats grâce à une utilisation alors inédite des techniques de montage. Le genre devient alors très populaire avec des acteurs comme Denjirō Ōkōchi qui incarnent des héros mythiques. On peut notamment citer Tange Sazen, personnage fictif, borgne et manchot, héros du film Le Pot d'un million de ryō, réalisé en 1935 par Sadao Yamanaka.

Les réalisateurs Daisuke Itō avec Le Journal de voyage de Chuji (1927) et Masahiro Makino avec Duel à Takadanobaba (1937) ont également contribué au genre. Le début de la guerre en 1935 entraîne une censure sévère qui interdit les histoires pessimistes. Pendant cette période, on peut retenir les adaptations des romans de Eiji Yoshikawa par Hiroshi Inagaki, puis par Kenji Mizoguchi. Au Japon, Le héros sacrilège (Kenji Mizoguchi, 1955) se situant dans le Japon raffiné du XIIe, les films de Kurosawa tels et , (Comme Ran et Kagemusha, hors du genre) se passant au XVIe, et sa suite au XIXe. Il en va de même pour L'excellente épée Bijomaru (Kenji Mizoguchi, 1945), Zatoichi (Takeshi Kitano,2003)

Après la pause due à la guerre, le chanbara renaît en 1954 grâce au film de Akira Kurosawa Les sept samouraïs. Il mélange le film d'époque et le film de sabre, ce qui le rend plus accessible notamment pour le public occidental. La même année, Hiroshi Inagaki adapte l'histoire de Miyamoto Musashi dans une trilogie dont le premier épisode reçoit l'Oscar du meilleur film étranger en 1956 (La Légende de Musashi). Musashi est interprété par Toshirō Mifune qui devient l'un des plus célèbres acteurs japonais. Kurosawa donne ses lettres de noblesse au genre — qui était méprisé par la critique — avec trois autres films, La forteresse cachée, Le garde du corps et Sanjuro.

La même année que Sanjuro, en 1962, Masaki Kobayashi réalise Hara-kiri, qui donne un ton définitivement noir au genre. À travers le chanbara, le réalisateur vient interroger les valeurs communes de cette époque, à savoir l'honneur et le respect ; ces mêmes valeurs qui ont porté le Japon militariste durant la Seconde Guerre mondiale. Le genre porte alors les germes d'une vive critique sociale et politique. Le film recevra le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1963. À la même période, c'est le début de la grande série des Zatoichi qui fera entrer l'acteur Shintarō Katsu dans la légende. La série est l'occasion pour le studio de la Daiei de mettre en avant de nouveaux réalisateurs : Kenji Misumi, Tokuzō Tanaka ou encore Kazuo Ikehiro. Et puisque ces années 1960 sont propices à la critique, même les grands mythes fondateurs sont revus, à l'exemple de Musashi. C'est Tomu Uchida qui s'occupera de réaliser les six films dans lesquels, à son tour, il questionne le bushido — littéralement « la voie du guerrier » — refusant continuellement de l'admettre comme un bien-fondé.

Dans la même idée, Kihachi Okamoto pose sur le genre un regard cynique teinté d'ironie. Il fait avec Le Sabre du mal la description d'un univers nihiliste où l'honneur des samouraïs n'est plus qu'une mascarade. Les hommes sont dominés par le respect des règles du bushido qui prend peu à peu possession d'eux jusqu’à en faire de véritables démons. Enfin, pour Hideo Gosha, les années 1960 représentent une belle période pendant laquelle il va explorer le chanbara, en jouant constamment avec ses codes. C'est ainsi que dès son premier film, Les Trois Samouraïs hors-la-loi, il renverse l'image habituelle du samouraï en le faisant patauger dans la boue. Mais surtout le réalisateur s'applique à travers ses personnages principaux à démontrer la contradiction morale de leur code de l'honneur. Un code qui les pousse à tuer, qui parle d'honneur quand il n'y a que lâcheté environnante et mépris des autres. Il amène ses personnages à se désolidariser du groupe pour suivre leur propre chemin, afin de s'épanouir spirituellement. Ce travail atteint son apogée en 1969, avec Gōyokin et Puni par le ciel. La décennie 1970 est marquée par la série Baby Cart de Kenji Misumi adaptée du manga de Kazuo Koike et Goseki Kojima, Lone Wolf and Cub. Six films seront réalisés.

Le chanbara a largement influencé les réalisateurs occidentaux, qui ont mis en scène des remakes ou des adaptations de films célèbres. On peut citer Les Sept Mercenaires de John Sturges (Les sept samouraïs), Pour une poignée de dollars de Sergio Leone (Le garde du corps) et Star Wars de George Lucas (La forteresse cachée). L'animation a donné également des films de sabre comme L'Épée de Kamui de Rintarō, Ninja Scroll de Yoshiaki Kawajiri ou Sword of the Stranger de Masahiro Andō, ainsi que la série animée Samurai champloo, relecture du genre entre parodie et hommage. Le genre a connu un véritable retour de flamme dans les années 2000 avec des films comme Zatōichi de Takeshi Kitano, Après la pluie de Takashi Koizumi, Le Samouraï du crépuscule de Yōji Yamada ou When the Last Sword Is Drawn de Yōjirō Takita.

Le wuxiapian chinois

Le wu xia pian,  film de héros martial, est un genre cinématographique du cinéma chinois, s'apparentant au genre littéraire du wuxia. Le terme est généralement traduit en France par Film de chevalier errant ou Film de sabre chinois.

Le mythe du chevalier errant, le wuxia, naît durant la période des Royaumes combattants (de -481 à -221) : la noblesse guerrière est peu à peu supplantée par la classe des lettrés, en raison de la centralisation du pouvoir par la dynastie Zhou, afin d'essayer d'endiguer les guerres entre États  et de l'utilisation de la cavalerie et de l'infanterie, masse de soldats peu entraînés, aux dépens de la noblesse guerrière. Certains nobles deviennent des lettrés et sont employés comme fonctionnaires, mais d'autres refusent d'abandonner leur art de vivre et se retrouvent en marge de la société. Ils deviennent des chevaliers errants. Les romans wuxia apparaissent sous la dynastie Tang (618-907).

Le wuxiapian apparaît dans le cinéma chinois dès les années 1920 sous l'influence de la "terreur blanche chinoise" instaurée par Tchang Kaï-chek à partir de 1926. L'un des tout premiers est "Li Feifei : une chevalière errante" (1925) mais c'est « L'incendie du monastère du Lotus rouge (Zhang Shichuan, 1928) de la Société cinématographique Mingxing qui marque le premier grand succès du genre (il connaîtra dix-sept suites). Le wuxiapian est cependant interdit par le Kuomintang, alors à la tête de la République de Chine à partir de 1930, mais pas de façon stricte dans les premiers temps. Après la fin de la guerre civile et la victoire des communistes, le genre se réfugie à Hong Kong.

Plongeant ses racines dans la littérature classique chinoise (romans fondateurs : Au bord de l'eau, Les Trois Royaumes... puis les romans contemporains), les légendes et l'inconscient collectif chinois - ainsi que le ballet de Pékin pour l'aspect visuel, le wu-xia s'appuie sur l'opposition entre le Jiang Hu (monde rigide et normalisé) et le Wu Lin, monde de l'art martial, auquel il faut ajouter le Lu Lin, monde des hors-la-loi, qu'il faut lire comme "marginaux", "associaux". Ces hors-la-loi sont les héros du wu-xia, chevaliers pour la plupart épéistes, symbolisant la liberté, le code de l'honneur et l'opposition au pouvoir totalitaire, dans une Chine fantasmée. Le plus souvent ils luttent contre un opresseur, ou pour faire montre de leur maîtrise des arts martiaux.

La qualité inégale et le manque d'originalité des séries lassent progressivement les spectateurs qui ne s'intéressent à nouveau à ce genre que dans les années 1950.

Au début des années 1960, c'est Hong Kong qui devient le principal producteur de films de ce genre. S'inspirant des films de sabre de l'âge d'or japonais tel que Les sept samouraïs (Akira Kurosawa, 1954), les studios Shaw Brothers les adaptent à la culture chinoise assurant au cinéma de Hong Kong une renommée mondiale. C'est à ce moment que les combats d'arts martiaux prennent une nouvelle dimension : plus longs, plus chorégraphiés, plus violents. les films de King Hu réalisés à Hong-Kong ou Taïwan sont les chefs-d'eouvres du genre : L'hirondelle d'or (1966), L'auberge du dragon (1967), A touch of zen (1969), Raining in the mountain (1979). En 1995, le genre est remis à l'honneur avec The Blade de Tsui Hark. Mais le grand public occidental n'a découvert ce genre traditionnel qu'en 2000 avec le succès mondial du film Tigre et dragon de Ang Lee ainsi que Hero et Le secret des poignards volants Zhang Yimou.

Il existe beaucoup de courants à l'intérieur du genre : wu-xia classique, érotique, horrifique, comique, fantastique (tendance Dragon Ball, inspiré des mangas), et "techno": auparavant suggéré par le montage, les envols spectaculaires et caractéristiques des chevaliers sont maintenant simulés sur ordinateur.

Le wu-xia classique se situe en Chine, celle du IXe pour Le secret des poignards volants, du XVe pour L'auberge du dragon, du XVIIe pour A touch of zen et Seven swords, du XVIIIe pour Tigre et dragon, du XXe pour The grandmaster (Wong Kar-wai, 2013).

Killing Shinya Tsukamoto Japon
2018
The assassin Hou Hsiao-hsien Taiwan
2015
The grandmaster Wong Kar-wai Hong-Kong
2013
Dragon gate, la légende des sabres volants Tsui Hark Hong-Kong
2010
Detective Dee, Le mystère de la flamme... Tsui Hark Hong-Kong
2010
Seven swords Tsui Hark Hong-Kong
2005
Le secret des poignards volants Zhang Yimou Chine
2004
Zatoichi Takeshi Kitano Japon
2003
Hero Zhang Yimou Chine
2002
Tigre et dragon Ang Lee Chine
2000
The blade Tsui Hark Hong-Kong
1995
Il était une fois en chine Tsui Hark Hong-Kong
1991
Raining in the mountain King Hu Taiwan
1979
Les derniers samouraïs Kenji Misumi Japon
1974
Baby Cart : le sabre de la vengeance Kenji Misumi Japon
1972
A touch of zen King Hu Taiwan
1969
L'auberge du dragon King Hu Taiwan
1967
Un seul bras les tua tous Chang Cheh Hong-Kong
1967
L'hirondelle d'or King Hu Hong-Kong
1966
Zatôichi, le masseur aveugle Kenji Misumi Japon
1962
Sanjuro Akira Kurosawa Japon
1961
Le garde du corps Akira Kurosawa Japon
1961
La forteresse cachée Akira Kurosawa Japon
1958
Le héros sacrilège Kenji Mizoguchi Japon
1955
Les sept samouraïs Akira Kurosawa Japon
1954
L' excellente épée Bijomaru Kenji Mizoguchi Japon
1945
L'incendie du monastère du Lotus rouge Zhang Shichuan Chine
1928
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