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La référence à la peinture est discrète chez Richard Avedon (1924-2004) elle est assumée chez Cindy Sherman (née en 1954)

Richard Avedon

Depuis la fin des années 40 Richard Avedon, photographe américain, réalise des images innovantes de modèles vivants et glamour qui révolutionnent la photographie de mode. On trouve chez lui un goût certain pour la maniérisme, Marella Agnelli n'étant pas sans rappeler le Portrait de Lucrezia Panciatichi

Marella Agnelli
( Richard Avedon, 1953)
Portrait de Lucrezia Panciatichi
( Bronzino, vers 1540)

En 1956, il réalise cette image du mannequin Suzy Parker en robe de soirée Dior dans un studio parisien. Le photographe choisit de révéler le fond mis en place et la grande lucarne qui l'éclaire.

Paul Simon and Art Garfunkel comme Autoportrait avec un am i(Raphaël, 1518-1520) représente deux personnages en buste sur un fond sombre ; Raphaël s'est ici représenté au second plan, derrière un ami dont l'identité n'est pas certaine ; l'artiste, en retrait, occupant la partie gauche du tableau, pose sa main gauche sur l'épaule de son ami en regardant le spectateur. Les deux personnages de la photographie comme du tableau sont habillés de manière identique avec la torsion du cou pour l'un des deux.

Paul Simon and Art Garfunkel
Richard Avedon, 1968
Autoportrait avec un ami
Raphaël, 1518-1520

 

Cindy Sherman

Depuis ses tout premiers travaux à la fin des années 70, Cindy Sherman se sert presque exclusivement de sa propre personne comme modèle et support de ses mises en scène. Série après série, elle figure, à l'aide d'accessoires divers (maquillage, vêtements, prothèses) des personnages qu'elle invente et photographie en studio

Avec la série des 35 photographies de History Portraits/Old Masters (1988-1990) Cindy Sherman dévoile l’aspect artificiel de certaines œuvres de l’histoire de l’art. Si l'habileté est grande avec le maquillage, avec les prothèses, avec le costume, il ne s'agit pas de portraits illusionnistes. On se rappelle toujours qu'il s'agit d'un portrait de Sherman.

Cindy Sherman reprend la pose au centre du cadre pour incarner les modèles de l'histoire de la peinture figurative. Elle en élimine les détails tout en agrandissant le format des tableaux pour des tirages photographiques grandeur nature où elle parodie avec humour les stéréotypes féminins et les clichés masculins. Pour se "déguiser", elle utilise des prothèses : faux nez, moustaches, sourcils et beaucoup de "faux nichons" pour reprendre ses termes. Par ces accessoires extravagants, elle va plus loin qu’un simple travestissement, en rendant visible ce qui la métamorphose.

Pour certains historiens de l'art, Arthur Danto, les History Portraits sont des happenings qui mettent en question le rapport que nous avons avec l’art. Ils mettent en jeu la distance qui sépare le souvenir de la vérité. Le rapport entre les images de Cindy Sherman et leur original est comparable au souvenir incomplet d’un tableau face au tableau lui-même. Ils témoignent des processus déformants de la mémoire. Nous sommes dans l’espace entre ce que nous percevons et les images souvenir. Le fait qu’elle a travaillé à partir de reproductions corrobore la thèse de Baudrillard selon laquelle nous vivrions dans un monde de simulacre.

La Fornarina
Raphaël, 1518-19
(85 x 60 cm)
Untitled #205
Cindy Sherman, 1989
136 x 103 cm

Sherman se photographie en train de parodier les stéréotypes féminins ainsi la pose et les accessoires légèrement décalés par rapport à l'originale évoquent la maternité.

 

Madone entourée de séraphins et de chérubins
Jean Fouquet, 1452-1458
94,5 × 85,5 cm
Untitled #216
Cindy Sherman, 1989
221.3 × 142.5 cm

Sherman se fait passer pour la Vierge Marie avec l'enfant Jésus. Sa posture stoïque et ses yeux modestement baissés, son manteau bleu et le fond de dentelle imitent toutes les conventions de la peinture de la Renaissance du Nord, mais la poitrine en plastique maladroitement fixée sur sa poitrine et ses robes froissées trahissent l'artificialité de la photographie.

Sherman a expliqué : "Je devenais peu à peu dégoûté de l'art tellement religieux ou sacré." Elle voulait faire quelque chose "que n'importe qui dans la rue puisse apprécier... Je voulais imiter quelque chose de la culture, et aussi me moquer de la culture".

 

Bacchus malade
Le Caravage , 1593
67 x 53 cm
Untitled #224
Cindy Sherman, 1990
121.9 x 96.5 cm

Dans ce portrait Sherman joue le rôle du Bacchus malade du Caravage. Elle porte le même costume et a exactement la même pose, serrant ces raisins dans sa main. La peinture du Caravage est considérée comme un autoportrait de l'artiste en tant que dieu romain du vin, Bacchus. Ici. c'est une artiste féminine dans le rôle d'un artiste masculin. C'est l'une des premières fois où Sherman prend l'apparence d'un personnage masculin.

 

Judith avec la tête d'Holopherne
Botticelli 1497-1500
36,5 x 20 cm
Untitled #228
Cindy Sherman, 1990
208.4 × 122 cm
La Judith de Botticelli sort de la tente avec l'épée dans la main droite et la tête coupée dans la gauche. Cindy Sherman inverse la pose et réduit considérablement l'épée masculine.